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Dans le cadre de la réforme du collège voulue par Najat Vallaud-Belkacem, les enseignants d'Histoire seront obligés d'enseigner les débuts de l'ère musulmane, mais pas le christianisme au Moyen-Âge, ni même la pensée des Lumières. Certains historiens s'insurgent.

Décidément, la réforme du collège impulsée par le ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, ne passe pas. Après les professeurs de Latin et de Grec, puis ceux d’Allemand, c’est au tour des enseignants d’Histoire-Géographie de monter au créneau pour dénoncer les changements opérés dans leur matière à la rentrée prochaine.

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Le Conseil supérieur des programmes vient en effet de remettre ses projets de programmes pour l’école et le collège. Si une certaine liberté d’appréciation est laissée aux enseignants quant au choix des "modules", ceux-ci se voient dans le même temps imposés quelques périodes historiques. Et c’est là que la grogne s’invite.

Si, en classe de cinquième, les débuts de l’islam sont déjà obligatoires (comme l’émergence du christianisme et du judaïsme, en sixième), en revanche, il pourra ne pas être enseigné aux élèves des périodes fondatrices comme "Une société rurale encadrée par l’Église", "Le monde vers 1500" ou "Pensée humaniste, Réforme et conflits religieux". En classe de quatrième, c’est le module "Sociétés et cultures au temps des Lumières" qui pourra être passé sous silence.

"On veut gommer les racines chrétiennes de la France"

Dans Le Figaro, plusieurs historiens sont vent debout contre ces changements. Pour Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres et auteur du pamphlet La Fabrique du crétin, cette sélectivité "sert des intérêts partisans". De son côté, l’historien Dimitri Casali va plus loin en estimant que l’on veut "gommer les racines chrétiennes de la France" et que cela est "du pain bénit pour le Front national". Même son de cloche de la part d’Hubert Tison, secrétaire général de l’association des professeurs d’Histoire-Géographie : "Nous sommes contre le fait de mettre en option la société chrétienne au Moyen-Âge alors que l'islam est vu dans toute sa splendeur, ses ombres et ses lumières."

Alors que des thèmes délicats comme les traites négrières, la colonisation et la décolonisation sont obligatoires, contrairement aux Lumières, Hubert Tison s’emporte : "C’est absurde. À croire qu’il ne faut pas heurter certaines sensibilités religieuses."

Le ministre assure que la réforme s’appliquera bien en 2016

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D’autres s’insurgent contre la méthode employée pour traiter de l’Histoire, à savoir l’enseignement thématique plutôt que linéaire. "Éclater l'enseignement de l'histoire en une myriade de rapides incursions ici ou là, c'est empêcher que l'on rentre dans l'intelligence d'une époque, condition préalable à l'exercice de l'esprit critique.", explique Louis Manaranche, agrégé d’histoire et auteur de Retrouver l’histoire, sorti en janvier dernier.

Dans une interview au Point, Najat Vallaud-Belkacem a déclaré que la réforme s’appliquera bien en 2016 "pour le bien des élèves" et que cette dernière donnera "une vraie autonomie aux équipes pédagogiques pour mieux répondre aux besoins de leurs élèves." Elle a ensuite indiqué qu’une consultation des enseignants serait organisée du 11 mai au 12 juin sur ces projets de programmes.

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