Aidants: quel statut pour les protecteurs familiaux ? getty
Les aidants familiaux, dont le nombre varie entre 9 et 11 millions, selon les définitions ne sont pas reconnus par un statut officiel. L'association France Tutelle plaide pour un coup de pouce fiscal à ceux d'entre eux qui bénéficient déjà d'une reconnaissance juridique: les protecteurs familiaux. Décryptage.
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Qui protège ceux qui protègent leurs proches ? En France près de 1 million de personnes vulnérables bénéficient de mesure de protection (tutelle, curatelle ou habilitation familiale). Plus largement encore, entre 9 et 11 millions de personnes peuvent être considérées comme des "aidants" : ce sont eux qui font les courses, remplissent les documents administratifs voire règlent les factures ou discutent avec les soignants de leur père, mère, tante, oncle ou enfant vulnérable.

Combien de "protecteurs familiaux"? 

Parmi eux, une proportion exerce ces fonctions de façon plus "officielle", après une décision entérinée par le juge des tutelles. Il n'est pas aisé de connaître avec précision le nombre de personnes qui exercent ce type de protection juridique, et encore moins leur relation avec les personnes "aidées".  Les spécialistes des questions relatives aux aidants estiment que, dans un cas sur deux, ce sont des membres de la famille qui exercent officiellement ces mesures de protection (entérinées par un juge des tutelles). Autrement dit, la France compterait actuellement quelque 500 000 "protecteurs familiaux"

"L'an dernier, la justice a comptabilisé 100 000 nouvelles mesures de protection familiale, et 54% de ces mesures ont été orientées vers les protecteurs familiaux", précise Boris Lachaud, directeur de l'association France Tutelle, lors d'une interview accordée à Planet.fr. Son association plaide pour la création d'un statut fiscal pour les aidants familiaux.

Ses dirigeants ont ainsi été reçus le 12 février 2024 par des membres du cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, afin de faire valoir leurs arguments. Objectif principal : associer à ce statut un crédit d'impôt substantiel

500 euros par an

Pour les protecteurs familiaux, leur principale demande se traduirait concrètement par :

  • la création d'un crédit d'impôts d'un montant forfaitaire de 500 euros par an et par personne protégée
  • une déduction fiscale sur la succession, en cas de décès de la personne aidée, de 500 euros par année civile d'exercice 

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Ces mesures serviraient à compenser l'investissement en temps et en argent que représente la prise en charge d'un proche vulnérable. D'après les entretiens menés auprès de familles concernées, accompagner ainsi un père, une mère, une tante ou une cousine âgé coûte entre 100 et 1000 euros par an aux proches. Il faut en effet régulièrement avancer des sommes pour régler des factures, ou payer les transports pour se rendre auprès d'eux. Le temps consacré à l'aide aux proches pour gérer leurs intérêts est quant à lui évalué à 20 heures par mois, au moins

Parmi les coûts que représente en effet le fait de s'occuper ainsi des "affaires" d'un proche, il en est un que l'on oublie souvent: la formation. 

L'importance de la formation

Parmi les avantages que présenterait la création d'un statut officiel figure celui de faire reconnaître la nécessité de se former pour pouvoir exercer de telles responsabilités. En effet, les mandataires chargés par la justice de gérer les intérêts patrimoniaux des personnes sous tutelle ou curatelle, bénéficient de droit à la formation, payés par l'Etat. Or ce n'est pas le cas des protecteurs familiaux, regrette Boris Lachaud. 

S'occuper de ses propres obligations administratives peut, en soi, générer du stress. Que dire des cas où il faut en plus gérer celles d'un proche? En cette période de remise des comptes rendus de gestion, une nécessité légale, "notre hotline déborde de personnes qui nous appellent pour demander de l'aide", indique le directeur de France Tutelle. 

"Gestionnaires de patrimoine, experts-comptables, notaires... nous devrions tous recevoir des formations sur ces sujets-là, et ce n'est pas forcément le cas, ce qui peut se révéler très problématique", ajoute Aurélia de la Malène, directrice générale de la société Gay-Lussac Gestion, invitée par France Tutelle à plaider pour ce statut fiscal. Si même des professionnels du droit peinent parfois à régler des questions juridiques épineuses, que dire de toutes celles ou ceux qui s'improvisent ainsi gestionnaires pour le compte d'une personne vulnérable de leur entourage? 

Choisissez la personne qui protégera vos intérêts

Au-delà des questions pratiques, un statut permettrait également de b analiser les discussions sur les délicates questions de la prise en charge en fin de vie, et de les anticiper. "Beaucoup de gens sont dans le déni de cette vulnérabilité et tentent de 's'arranger' comme ils le peuvent, entre frères et soeurs pour leurs parents âgés", décrit Boris Lachaud. Ce dernier recommande à ceux qui le peuvent d'établir un mandat de protection future. Cette mesure, que l'on peut prendre pour soi ou pour un enfant mineur, consiste à désigner par avance le nom de celui ou celle qui, en cas de nécessité, sera habilité.e à gérer ses intérêts