Perte de la foi, adultère... La descente aux enfers de Xavier Dupont de LigonnèsAFP
L'homme le plus recherché de France est allé d'illusions en désillusions et en trahisons. Dans son livre, "L'Affaire Dupont de Ligonnès : la secte et l'assassin" (Editions l'Archipel), le journaliste Guy Hugnet met à nu le fil rouge, souterrain, qui conduit à tuerie de Nantes. Explications.
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Qui est Xavier Dupont de Ligonnès ? Le principal suspect de la quintuple tuerie de Nantes, un événement qui fait encore beaucoup couler d'encre près de 10 ans après les faits, n'est pas simplement un père de famille affable, au physique banal et sans histoire. Il porte en lui un récit particulier que Guy Hugnet relate dans son livre, révélant certains aspects de sa vie essentiels à la compréhension de cette affaire complexe.

"Xavier Dupont de Ligonnès a d'abord grandi dans la magie des miracles et des apparitions", explique le journaliste. "Sa foi lui est transmise très tôt par sa famille. Vers six ou sept ans, il se lève aux aurores pour accompagner sa grand-mère à la messe. Déjà, il fait preuve d'une ferveur religieuse profonde, s'imprègne de la Bible, Pour lui, Dieu, Jésus et les saints sont comme des amis", poursuit l'auteur. Xavier vit alors dans un monde enchanté, un monde merveilleux, un monde d'illusions.

Xavier Dupont de Ligonnès : dans un monde de paranoïa

Mais les choses vont rapidement prendre une autre tournure. Il a moins de dix ans quand sa mère se déclare réceptrice de messages divins qui annoncent l'apocalypse prochaine. Dès lors, Xavier de Ligonnès baigne dans un univers sombre, anxiogène, voire paranoïaque, un univers qui a perdu sa magie. "Selon sa mère, la fin des temps est proche mais Xavier échappera à la punition divine car il est différent du commun des mortels, il fait partie des Élus de Dieu", précise Guy Hugnet, Avec le temps, les prédictions de La Violette – la mère de Xavier Dupont de Ligonnès, qui a créé un groupe de prière mystique appelé "Le Jardin" ou "Église de Philadelphie" – se font plus précises. Elle annonce le cataclysme pour l'année 1995.

Mais, la prédiction ne se réalise pas, rien ne se passe. C'est un séisme intérieur pour celui qui se croyait Élu. A partir de là,il rompt avec l'Église de Philadelphie et les idées de sa mère. Il réalise que tout ce qu'elle lui a raconté n'était qu'une fiction et, s'il la croit sincère, il s'interroge : est elle folle ? Mais surtout, il perd la foi. "La perte de la foi est la plus grande désillusion qu'un homme puisse connaître", écrit Xavier Dupont de Ligonnès. Une première désillusion dont il n'a jamais su ou pu se remettre au point qu'après les meurtres, il discute de l'ascendance de Jésus s

Xavier Dupont de Ligonnès : après 35 ans de mensonges, la trahison

Un gouffre s'ouvre sous ses pieds. Il compte sur sa famille pour remonter la pente, sur sa femme, Agnès, en particulier. Le couple fait toujours bonne figure devant les proches, apparaît uni, soudé. La plupart des gens voient en eux un modèle de relation conjugale. En réalité, derrière la façade, ils sont minés par les conflits profonds, dévastateurs. Dans son livre, Guy Hugnet fourni de nombreux documents qui attestent de la solitude et de la détresse d'Agnès. Elle se sent délaissée, abandonnée physiquement, émotionnellement, sexuellement. "Je suis au désespoir", écrit-elle. Lui ne comprend pas qu'elle se plaigne à longueur de journée. Il ne comprend pas non plus pourquoi elle consulte des charlatans, des sorciers et autres guérisseurs.

Cette femme désespérée finit par tomber entre les bras de Michel R., l'un des meilleurs amis de Xavier, qui a fini par se suicider début 2018. Dans son livre, le journaliste d'investigation, évoque en détail comment le père de famille a imposé à son épouse des plans à trois, dont elle ne voulait pas. "Pour étouffer dans l'oeuf toute nouvelle velléité de trahison des deux amants et retrouver son emprise sur Agnès, Xavier va user d'un stratagème cruel, qualifié par lui de ‘thérapie'. [...] Agnès se sent humiliée", écrit-il sur la base de documents laissés derrière eux par le couple. Xavier ressent l'adultère de sa femme comme un coup de poignard dans le dos, une véritable trahison. "C'est une seconde désillusion, aussi profonde que celle de la perte de la foi", explique Guy Hugnet.

Xavier Dupont de Ligonnès : la promesse d'un grand avenir et les déceptions financières

La descente aux enfers ne s'arrête pas là. Xavier Dupont de Ligonnès est persuadé d'être promis à un avenir brillant mais ses affaires ne marchent pas, il est en permanence dans le rouge financièrement, menacé de faillite et d'expulsion. Il pratique la cavalerie, autrement dit, il emprunte à Paul pour rembourser Pierre, se démène pour maintenir un train de vie élevé - il a plusieurs enfants à nourrir - mais rien ne fonctionne.

Son horizon est bouché, noir, apocalyptique. C'est à ce moment-là qu'il recommence à discuter de théologie sur des sites catholiques. Sans doute essaie-t-il de retrouver la foi. En vain.

A ce sombre tableau vient s'ajouter la perte de son père, puis le suicide de l'un de ses amis qui laisse les siens derrière lui. Le déclic, d'après Guy Hugnet. Dans son livre, il analyse en détail écrits et correspondances de l'assassin présumé. "Son obsession du temps notamment, laisse penser, à la lumière des travaux de psychiatres, que de Ligonnès était rongé intérieurement par une sorte de dépression mélancolique, la plus grave des dépressions". C'est ce fil rouge, souterrain, que le journaliste met à nu dans son enquête. Un état mental pathologique et potentiellement explosif alors que de Ligonnès est en échec sur tous les plans – conjugal, professionnel, financier.Dès lors, il hésite entre un suicide individuelou …collectif, un homicide en réalité. La foi, dans laquelle il aurait pu puiser quelque raison d'espérer, ne lui est d'aucun recours puisqu'il ne parvient pas à la retrouver. C'est alors qu'il commet l'irréparable, l'impensable, l'effroyable avec une minutie, une organisation et un sang-froid rarement égalés dans les annales criminelles, estime le journaliste.

"Dans sa folie, il pense probablement réaliser une bonne action", juge d'ailleurs Guy Hugnet, qui penche davantage pour la thèse du suicide que pour celle de la cavale. Selon lui "les faits connus concernant sa disparition vont plutôt dans ce sens. Mais ce n'est pas une certitude à 100%, car cet homme est le diable en personne !"