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Des Marseillaise chantées à pleins poumons, des drapeaux tricolores aux balcons, et un sentiment de communauté nationale renforcé… jusqu'à quand ?

Comme après chaque épreuve terrible, des révolutions du XIXe siècle aux guerres mondiales du XXe siècle, le patriotisme semble être la réponse aux drames. Les attentats de Paris qui ont fait 130 morts vendredi 13 novembre n’ont pas échappé à la règle, avec cette fois-ci un retentissement planétaire.

La Marseillaise et le drapeau national diffusés dans le monde

Sitôt les attentats terminés, de nombreux emblèmes français ont fait le tour du monde, au premier rang duquel le drapeau tricolore et la Marseillaise. Deux symboles patriotiques que les Français ont brandi pour l’un, entonné pour l’autre, pendant ces derniers jours. S’agissant du drapeau français, celui-ci a été massivement relayé sur les réseaux sociaux où de nombreux internautes ont juxtaposé à leur photo de profil le drapeau national. De même a-t-il fièrement été arboré sur certains balcons ou bâtiments à l’image de la tour Eiffel. Quant à la Marseillaise, celle-ci a été non seulement chantée aux quatre coins du monde, mais aussi par de nombreux Français, parfois spontanément, lors de rassemblements en hommage aux victimes.

Les Français plébiscitent le drapeau tricolore

Tant est si bien que selon un sondage réalisé par l’institut Odoxa et publié lundi pour Le Parisien, 93 % des Français interrogés affirment être attachés au drapeau français. Un sentiment unanimement partagé par les personnes qu’elles soient de droite (97 %) ou de gauche (88 %), et même jeunes (93 % des 18-24 ans) ou plus âgées (95 % des 65 ans et plus). Les Français l’associent spontanément à cinq mots : la République (92%), la Révolution française (88%), la liberté (84%) la Résistance (80%) et la fierté (76%). Enfin, les Français interrogés aiment tant leur étendard qu’ils voudraient pour 61 % le voir davantage, comme aux balcons ou aux fenêtres.

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D’ailleurs, s’il fallait une autre preuve de l’amour pour le drapeau, Le Parisien explique que l’entreprise presque deux fois centenaire Doublet, qui fabrique des drapeaux, a vu ses ventes multipliées par deux. "Nous sommes sur une demande équivalent à ce qu’on a connu lors de la mort du général de Gaulle, ou pour la victoire de l’équipe de France de football en 1998. ", a témoigné Luc Doublet, le président de l’entreprise. 

Une demande de drapeau tricolore qui semble être remontée jusqu’au chef de l’Etat puisque celui-ci a invité tous les Français à participer à l’hommage national vendredi en accrochant à leur fenêtre un drapeau aux couleurs de la France.

Les Français pour un gouvernement d’unité nationale

Qui plus est, selon un sondage Harris Interactive publié lundi dans 20 minutes, 77 % des Français interrogés sont favorable à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Une initiative qui n’a cependant que très peu d’écho dans la classe politique.

Plusieurs politiques ont également émis le souhait de rétablir le service militaire, tel Xavier Bertrand chez Les Républicains. "Je propose trois à six mois obligatoires pour les filles comme pour les garçons, avance le candidat de droite dans la région du Nord au Figaro. Si le passage à une armée de métier avait du sens en 1995, avec le recul, supprimer tout service national a été une formidable erreur. Il faut reconstituer un creuset d'identité nationale qui rappelle à chacun ses droits et ses devoirs et où se forgent le civisme et le respect des valeurs républicaines et de l'autorité. "

François Hollande réaffirme la souveraineté de la France

Le patriotisme, c’est aussi la souveraineté, en l’occurrence de la France. François Hollande, pourtant européen convaincu, l’a affirmée dans plusieurs domaines dès le soir des attentats en reprenant par exemple le contrôle aux frontières françaises. Devant le Congrès de Versailles, le chef de l’Etat a également fait un acte de souveraineté en déclarant que "le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité", ce qui voulait dire que la France mettrait le paquet sur sa politique de sécurité, dût-elle plomber un peu plus son déficit, contrôlé scrupuleusement par Bruxelles.

Dans la société civile, on peut également citer la recrudescence de Français désirant s’engager dans l’armée comme un symbole de souveraineté sinon de patriotisme. Depuis les attentats, le ministère de la Défense a ainsi enregistré 1 500 demandes par jour, contre 500 avant les derniers attentats.

Un sociologue craint une dérive nationaliste

Contacté par Planet.fr, Gérard Mermet, sociologue et président de Francoscopie, explique l’élan patriotique par la menace terroriste sans précédent dont fait l’objet la France. "Il y a eu un basculement avec les derniers attentats du fait de leur ampleur et parce qu’ils ont, contrairement à ceux de janvier, visé toutes les catégories de personnes. ", soutient-il. Le patriotisme a donc très vite fait son apparition car "il s’agit de défendre la liberté du peuple".

Cependant, le sociologue craint que cet élan patriotique ne se transforme à terme en "nationalisme" à cause de l’extrême droite "qui profite à chaque fois de ce genre de drame". Gérard Mermet redoute également une perte de libertés et un repli sur soi du fait d’une "demande sécuritaire renforcée" de la part des Français suite aux évènements. Quant à savoir si cet élan patriotique va durer, le sociologue "pense que ça va dépendre de la fréquence des attentats et de leur gravité", mais que cet élan devrait s’essouffler en période d’accalmie.

Une analyse qui rejoint celle de Bernard Richard, auteur des Emblèmes de la République, interrogé par Francetv Info : "En temps normal, nous avons une pudeur qui nous empêche de manifester nos sentiments profonds. Sortir le drapeau et chanter La Marseillaise, ça ne se fait pas, sauf situations exceptionnelles. Les Français n'affichent pas leur patriotisme, ce qui ne les empêche pas d'aimer leur pays et de le défendre quand il est attaqué."

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