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"Gaulois" : Emmanuel Macron utilisait encore ce terme il y a peu pour souligner le fait que les Français se révèlent bien souvent réticents aux réformes. Il les qualifiait même de "Gaulois réfractaires". Avant lui, en 2016, Nicolas Sarkozy avait fait naître une polémique quand il avait déclaré : "Dès que l'on devient Français, nos ancêtres sont Gaulois."
Une référence à la vie dure qui, en cette semaine de rentrée scolaire, est l’occasion de démêler le vrai du faux, voire de faire tomber des idées reçues. S’il est vrai de dire que nos ancêtres sont les Gaulois, c’est toutefois un raccourci. "Ce ne sont pas nos uniques ancêtres, ils le sont tout comme les Francs par exemple", explique Jean-Louis Brunaux, directeur de recherches au CNRS.
D’ailleurs, il n’y avait pas un seul peuple gaulois. "Il s’agit de populations ethniquement proches que les Romains ont qualifiées de Gaulois lors de leur conquête. La Gaule avait un territoire bien plus grand que celui de la France. Il s’étendait sur la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse", souligne le chercheur. Mais alors pourquoi reduit-on les Français à de simples descendants Gaulois ?
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Avant le XIXe siècle, les Gaulois, bien que nombreux, sont souvent dénigrés par les historiens dans leurs écrits. "Durant le Moyen-Age ou la Renaissance, les membres de l’aristocratie se revendiquaient comme descendants des Francs. Ils légitimaient leur statut par le droit du vainqueur. Les Francs ayant vaincus les populations romaines et gauloises", précise Jean-Louis Brunaux. Et de poursuivre : "En 1788, l’Abbé Sieyès revendique la première ascendance gauloise pour le peuple dans son pamphlet Qu’est-ce que le Tiers-Etat".
"C’est seulement à partir du XIXe siècle que certains historiens expliquent que dix-huit des vingt portions de la population française est d’origine gauloise. C’est la raison pour laquelle on a commencé à parler de nos ancêtres les Gaulois. De plus, ils ont l’intérêt pour les politiques ou les historiens d’être un peuple ancien que l’on peut appréhender. On connait leur histoire, on en connait des personnages".
Cette époque s'apparenterait-elle à un véritable tournant au niveau du traitement historique de cette civilisation gauloise ? Il faut croire que "oui", puisque c'est à ce moment-là que les Gaulois vont commencer à apparaître dans les écrits. Ils vont même jusqu'à être utilisés "par certains historiens, qui servent l’intérêt du gouvernement, pour diffuser une sorte de roman national", raconte Jean-Louis Brunaux. Les manuels de l’historien Ernest Lavisse publiés jusqu’en 1960 sont la preuve de cette vision romancée. Sauf que cette description positive du peuple gaulois n'a rien de très réaliste au regard de l’Histoire de cette civilisation...
Pour un gouvernant ou un politique, faire appel à l’image du Gaulois pour se référer aux Français est plus complexe qu’il n’y paraît. Ceci pour une raison simple : "C’est un peuple de vaincus". En effet, les Gaulois ont subi la conquête romaine, puis l’invasion des Francs. Selon Jean-Louis Brunaux, "on apprend leur histoire notamment à travers l’époque césarienne. Ils ne sont donc pas magnifiés. C’est plus un contre modèle. Il ne faut pas être comme eux, il ne faut pas être divisé car c’est cette division qui a amené la conquête romaine".
L’historien souligne également les difficultés que certains hommes de pouvoir français ont eu en voulant utiliser cette référence. "Napoléon III a ordonné des fouilles importantes pour en apprendre plus sur cette civilisation. Au final, il n’a pas pu les utiliser car ce n’est pas un peuple glorieux. De même, sous le régime de Vichy, le Maréchal Pétain a seulement trouver à dire qu’il fallait collaborer comme ils l’ont fait avec les romains."
Quant à la référence récente d’Emmanuel Macron aux Gaulois, notre spécialiste estime "qu’il a voulu donner une vision temporelle large qui est maladroite. Il voulait sûrement dire que les Français sont comme ça depuis que la France existe". Jean-Louis Brunaux déplore également qu’actuellement, "dans le langage, le terme Gaulois renvoie parfois à la notion de personne blanche". Une vision qui semble réductrice au regard du véritable héritage légué par les Gaulois...
On pourrait croire que la société française s'avère très éloignée de son pendant gaulois. En réalité, ce n’est pas vraiment le cas. "Si dans les manuels du XIXe siècle ont les a souvent assimilés à des semi barbares, il s’agit pourtant d’une véritable civilisation. Ils avaient des activités politiques avec des formes démocratiques. Notamment au IIIe et IVe siècles, il y avait des assemblées et des sénats", détaille le chercheur. Pour faire fonctionner ces outils démocratiques, ils disposaient, pour certains, du statut de citoyen comme en Grèce. Ceux le possédant pouvaient voter aux élections, payer l’impôt et devaient effectuer leur service militaire.
Les Gaulois avaient également la crainte que la tyrannie puisse s’instaurer. Pour éviter l'émergence d'un tel régime, "ils avaient des constitutions avec des lois écrites ou orales connues de tous pour empêcher que la tyrannie en question ne survienne", explique Jean-Louis Brunaux. Brièveté des mandats de leurs représentants (un an), interdiction pour plusieurs membres d’une famille d'apparaître au sein d'une même institution... Tout était mis en place pour pallier ce risque. Mais n'est-ce pas finalement encore un peu le cas aujourd'hui ?
Dans un tout autre registre, l’historien souligne par ailleurs que : "Le paysage français actuel a été, en grande partie, élaboré par les Gaulois. Il y avait beaucoup moins de forêts à leur époque qu’aujourd’hui. C’était de très grands agriculteurs et ils ont énormément défriché. Ils ont également créé des champs, des chemins, des talus. Une grande partie du paysage rural a été façonné par leur mode de vie."
Concernant les noms des rivières, des montagnes ou des villes, il savère tout bonnement impossible de nier leur héritage. "Par exemple, Paris, Amiens, Poitiers, Limoges, la Seine ou l’Auvergne sont des appellations directement héritées des Gaulois", énumère Jean-Louis Brunaux. De fait, les apports culturels des Gaulois sont souvent sous-estimés au détriment de ceux des Romains. "Quand on parle de période Gallo-Romaine, ce n’est pas juste. Les Gaulois étaient une population à part entière qui vivait dans une province romaine. Ils nous ont laissé beaucoup d’objets et de traces de vie", conclut le chercheur.