Suspecté dès 2003, Michel Fourniret a toujours nié son implication dans la disparition d'Estelle Mouzin, mais les enquêteurs n'ont jamais rayé son nom du dossier. Pendant 17 ans, de petits éléments ont permis de remonter sa piste, jusqu'à ses aveux il y a quelques mois.
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Il a fini par avouer, mais le mystère n’est pas encore levé. En mars 2020, Michel Fourniret a reconnu l’enlèvement et le meurtre d’Estelle Mouzin, disparue à Guermantes (Seine-et-Marne) en janvier 2003 alors qu’elle rentrait de l’école. Les aveux de l’Ogre des Ardennes ont été un nouveau rebondissement dans un dossier qui en a connu plusieurs mais qui n’a pas encore eu droit à son point final. Avec le phrasé qui lui est habituel, Michel Fourniret a reconnu devant la juge Sabine Khéris, "un être qui n’est plus là par [sa] faute" après avoir regardé une photographie d’Estelle Mouzin.

Affaire Estelle Mouzin : Michel Fourniret soupçonné dès 2003

Malgré ces aveux, que le père de la victime prend avec du recul, une question demeure en suspens : où se trouve son corps ? C’est pour y répondre que les enquêteurs ont débuté lundi 22 juin des fouilles de grande ampleur dans deux propriétés ayant appartenu à Michel Fourniret. Ils se sont d’abord intéressés à la petite maison de Ville-sur-Lumes (Ardennes), vide de tout habitant au moment des faits. Des recherches au Château du Sautou, où l’Ogre des Ardennes a vécu pendant deux ans, sont également en cours.

Les forces de l’ordre et la justice mettent tout en œuvre pour retrouver la dépouille d’Estelle Mouzin et pouvoir clore ce dossier, ouvert il y a déjà 17 ans. Les enquêteurs savent qu’ils sont dans une course contre la montre avec Michel Fourniret, atteint d’une maladie dégénérative qui affecte sa mémoire. S’il n’avoue que maintenant, Michel Fourniret a pourtant été soupçonné de l’enlèvement de la fillette dès les débuts de l’affaire, en 2003. Pendant 17 ans, l’intuition des enquêteurs sur son implication s’est heurtée à un alibi de poids, soutenu par son épouse Monique Olivier. Retour sur une longue enquête, dont l’Ogre des Ardennes n’a jamais été bien loin.

Affaire Estelle Mouzin : la lettre de Michel Fourniret

La piste Michel Fourniret a été évoquée une première fois dès le mois de juin 2003, soit six mois après la disparition d’Estelle Mouzin. A ce moment-là, Michel Fourniret est en Belgique et tente d’enlever une adolescente de 13 ans, qui parvient à s’échapper de sa camionnette. La police belge et la police française reviennent alors sur les mois qui ont précédé son arrestation et font un lien avec la disparition d’Estelle Mouzin. Mais l’Ogre des Ardennes a un alibi : ce jour de janvier, il a appelé son fils à 20h08, depuis le téléphone de sa résidence belge, pour lui souhaiter son anniversaire. Un coup de téléphone confirmé par les relevés d’appel et par l’épouse de Michel Fourniret, Monique Olivier.

Se décrivant comme un "joueur d’échecs", Michel Fourniret aime particulièrement jouer avec la justice et les familles des victimes. En 2007, quatre ans après la disparition d’Estelle Mouzin, il écrit une lettre à la cour d’appel de Reims, demandant à être entendu dans l’affaire Mouzin. Pas question pour lui de reconnaître son implication, mais il aimerait rencontrer les parents de la jeune fille… Les juges craignant une tentative de manipulation et sa demande est rejetée. Il faudra attendre trois ans pour que l’affaire connaisse un nouveau tournant…

Affaire Estelle Mouzin : les aveux de Monique Olivier

En janvier 2010, cela fait sept ans qu’Estelle Mouzin a disparu en rentrant de l’école. Depuis, les enquêteurs enchaînent échec sur échec, mais continuent d’explorer les différentes pistes qui s’offrent à eux. Après l’hypothèse non concluante d’un réseau pédocriminel, ils s'intéressent à des effets trouvés dans la camionnette de Michel Fourniret. Des analyses ADN sont effectuées, mais aucune trace d'Estelle Mouzin. En huit ans, sa disparition est toujours un mystère. Ce n’est qu’en janvier 2018, 15 ans après les faits, que le dossier prend un nouveau tournant avec Eric Mouzin, le père d’Estelle, qui annonce vouloir attaquer l’Etat pour faute lourde. Les avocats expliquent alors qu’ils ne croient pas à l’alibi de Michel Fourniret, car ce dernier n’a pas de relation avec son fils. Pourquoi l’aurait-il donc appelé le jour de son anniversaire ?

Des fouilles sont donc lancées au domicile de Monique Olivier dans les Yvelines, sans résultat. En 2019, Michel Fourniret confie à la juge Sabine Khéris que l’affaire Mouzin est "un sujet à creuser". Premiers aveux ou nouvelle manipulation de l’Ogre des Ardennes ? Habitués à ses jeux macabres, les enquêteurs restent prudents. Mais, en novembre 2019, Monique Olivier fait basculer le dossier en revenant sur ses déclarations. Elle affirme désormais que ce n’est pas Michel Fourniret qui a appelé leur fils ce jour-là mais bien elle, à sa demande. Elle ajoute que le tueur en série était parti faire des "repérages" avec sa camionnette quelques jours avant la disparition d’Estelle Mouzin. Lors d'une perquisition au domicile de Michel Fourniret, les enquêteurs ont trouvé un ticket de caisse pour l'achat de boîtes de pois cassés, dans un supermarché près de Ville-sur-Lumes, deux jours seulement après la disparition d'Estelle Mouzin.

Le 6 mars 2020, Michel Fourniret reconnaît finalement son implication dans l’enlèvement et le meurtre d’Estelle Mouzin. Désormais, les enquêteurs cherchent à savoir où l’Ogre des Ardennes a enterré le corps de la victime. Les fouilles débutées dans sa région apporteront peut être la réponse, point final à 17 ans de mystère. A moins qu'il ne joue encore une fois avec eux et les proches de la victime ? Cette hypothèse n'a pas encore été exclue, poussant les enquêteurs à la plus grande prudence.