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Certains projets de loi s'avèrent plus clivant que d'autres. C'est le cas du récent texte anti-casseur voté en première lecture à l'Assemblée. Le vent de fronde qui monte s'est confirmé notamment avec le départ du député Matthieu Orphelin.
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Matthieu Orphelin décroche du groupe parlementaire

Depuis le début du quinquennat, plusieurs députés macronistes ont finalement quitté le groupe, à l’instar de Jean-Michel Clément en avril  2018. Excédé par le vote de la loi asile et immigration. Ce début de février 2019 marque un  nouveau coup dur pour le parti majoritaire à l’Assemblée nationale qui vient de perdre Matthieu Orphelin. L’ancien écologiste a confirmé cette semaine qu’il démissionnait définitivement du groupe LREM.

Pour ce proche de Nicolas Hulot, dont l’écologie était la priorité, le vase a vraisemblablement débordé après le vote en première lecture de la loi anti-casseur. Matthieu Orphelin s’est abstenu comme près de 50 députés de la majorité. La fracture mérite d’être adressée.

Son départ n’est pas une surprise tant l’élu a rarement hésité à monter au créneau contre des projets de loi qu’il ne soutenait pas. Le premier d’entre eux a été le projet de loi asile et immigration présenté au début de l’année 2018 par Gérard Collomb, ancien ministre de l’Intérieur. Un texte qui avait déjà permis d’identifier au sein des députés La République en marche plusieurs personnalités au potentiel frondeur.

Planet a retenu quatre personnalités qui n'hésitent pas à se prendre position contre leur groupe.

Sonia Krimi : frondeuse

Lorsqu’il fait part de ses doutes quant au texte de loi asile et immigration, Matthieu Orphelin peut compter sur Sonia Krimi. L’élue de la Manche fait partie des première à hausser le ton, et à ne jamais s’en abstenir depuis.

Elle incarne avec un petit groupe de l’aile gauche de LREM à l’Assemblée nationale. Un article du Point datant du mois d’août relatait ainsi comment plusieurs élus de cette même sensibilité se rassemblent le mercredi matin dans le salon Mansart.

Mardi, avant le vote de la loi anti-casseur, elle s’est d’ailleurs retrouvée avec une dizaine d’autres députés pour décider d’une abstention commune. Dans le viseur, l’article 2 qui donne la possibilité aux préfets d’interdire toute personne représentant une menace particulière pour l’ordre public de manifester.

Songe-t-elle, elle aussi, à quitter le groupe ? Elle n’en a pas fait le vœu publiquement. A un journaliste qui lui demandait si elle voterait contre le texte anti-casseur, elle a rétorqué : "cela ne servirait à rien, je suis toujours mon groupe ". En novembre dernier, elle faisait part de son souhait de rester dans la majorité. Sonia Krimi venait alors d’être recadrée par Gille Le Gendre pour avoir enfilé un gilet jaune dans l’hémicycle.

Martine Wonner : convictions intimes et liberté

Martine Wonner, élue du Bas-Rhin fait partie des 50 députés de la majorité qui se sont abstenus. Elle aussi a participé mardi, en amont du vote, à la petite réunion qui a rassemblé une dizaine de députés. Ils se savaient alors une quinzaine à prévoir de s’abstenir.

Psychiatre de formation, la parlementaire a souvent haussé le ton face au gouvernement.  Si en octobre, elle reconnaissait avoir considéré un départ, contactée par Planet elle assure qu’il n’en est pas question aujourd’hui. "J’ai pris position selon mes convictions les plus intimes et je garde ma liberté de penser. Pour le moment je me considère comme un garde-fou, avec d’autres nous continuons notre veille. Nous avons notre utilité au sein du groupe et de mon côté la ligne rouge n’a pas été franchie", détaille-t-elle.

Martine Wonner  assure cependant qu’elle votera contre le texte si l’article n’est pas modifié lors de son deuxième passage. Au risque d’être exclue ? Une sanction qu’elle tempère. "Des gens ont déjà émis des votes contre sans être exclu. Pour les cas de Jean-Michel Clément, il est parti de lui-même. Sébastien Nadot avait choisi de voter contre le budget 2019, c’était problématique", rassure-t-elle.

Autour de Martine Wonner, un groupe de travail qui comprend notamment Sandrine Mörsch ou Delphine Bagarry. "Ensemble, on travaille les textes". Les liens sont étroits aussi avec Aurélien Taché. Tous deux ont publié un communiqué mardi.

Aurélien Taché : l’équilibriste

Face à ses collègues peu avant le vote, Aurélien Taché ne manquait pas de tonner contre une loi qui serait selon lui un outil terrible dans de mauvaises mains.

Frondeur, le député du Val-d’Oise ? Il avait déjà fait mouche pour ses critiques envers le projet de loi asile et immigration. Il faut dire que le député venait justement de sortir un rapport sur la question et dont les conclusions n'allaient pas forcément dans le même sens. Mais plutôt que l’abstention, il avait simplement décidé de ne pas prendre part au vote. Gage d'ailleurs que le sujet lui tient à cœur, il avait proposé lors des discussions sur le budget 2019, d’instaurer une aide fiscale en échange de l’accueil de réfugiés.

Pour autant, pas question en l’état de suivre le chemin de Matthieu Orphelin, dont il regrette profondément le départ. Aurélien Taché préfère mener son subtil jeu d’équilibriste à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. "On a besoin d'aller plus loin. On a besoin sur un certain nombre de sujets de continuer à peser pour que la question sociale soit traitée plus en profondeur. Pour cela, on a besoin de voix fortes et de tous ceux qui comptent et on avait besoin de Matthieu Orphelin. ", a-t-il dit notamment à Franceinfo

Jean-François Césarini : ruissellement et ISF

L’aile sociale du LREM peut résolument compter sur Jean-François Césarini, dont la voix porte de plus en plus. Le député du Vaucluse, amateur de clips de rap, fait parler de lui cette semaine pour avoir lancé avec une vingtaine d’autres députés une proposition : rétablir un nouvel impôt sur la fortune qui taxerait l’épargne dormante non investie dans les entreprises et PME. " Il s’agit de trouver une solution intermédiaire entre l’ambition initiale du candidat Macron et l’envie de nos concitoyens d’une plus grande justice fiscale ", explique l’élu dans Le Monde

Jean-François Césarini s’est également abstenu de voter la loi anti-casseur et précise dans La Provence : "cet article 2 constitue pour nous une ligne rouge. Il donnerait une prérogative nouvelle aux préfets pour rendre la justice, ce qui donnerait un problème de séparation des pouvoirs. Dans ce pays, les juges jugent et les préfets doivent appliquer les volontés de l'exécutif".

L’élu revendique comme Martine Wonner une certaine liberté de conscience, et rappelle qu’il s’était par exemple opposé à la baisse des APL, aux 80km/h ou encore à l’exit tax. De quoi donner du grain à moudre à un membre de la majorité qui analyse le problème de la macronie avec cette phrase à BFMTV : "dès que tu sors du programme c’est le bordel".

Si le départ de Matthieu Orphelin représente une perte particulièrement médiatique, notamment après la démission de Nicolas Hulot, et que des voix semblent s’installer durablement dans le paysage frondeur, La marge est grande pour la République en marche, analyse un ancien frondeur socialiste, Régis Juanico : "Les électrons libres, ça crée un manque d'homogénéité. Mais tant qu'ils s'abstiennent, ça ne prendra pas".