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C'est une addiction qui frappe de plus en plus de Français. Et, au quotidien, elle est loin d'être aussi facile à vivre qu'on pourrait le penser...
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Addiction au sexe : de quoi s'agit-il ?

L'addiction au sexe constitue probablement l'une des pathologies les plus méconnues, au moins du grand public. Pourtant selon le quotidien régional L'Indépendant, elle toucherait entre 3% et 5% de la population française. 70% des victimes passeraient d'ailleurs par Internet et la pornographie pour satisfaire leur addiction. D'après la récente étude présentée au Congrès national d'addictologie l'Albatros, les hommes atteints du VIH en souffriraient d'ailleurs plus que les autres, comme le rapporte le site Pourquoi Docteur.  La découverte de la condition de séropositif pousse parfois certains patients dans l’hyper-sexualité, explique le docteur Stéphane Darbeda, psychiatre et addictologue à l'hôpital Bichat à Paris.

En pratique, toutefois, il est très complexe de donner une estimation réelle du nombre de victimes juge Jean-Claude Matysiak, psychiatre, chef du service addictologie de l'hôpital de Villeneuve-Saint Georges et auteur du livre Fantasmes et réalités sur les sex addicts (Ed. JC Lattès). "C'est un domaine sur lequel il est difficile de mener une enquête de population. Clairement, je reçois davantage de patients en consultation. Cependant celles et ceux qui souffrent d'addictions, et c'est aussi vrai pour des addictions qui ne sont pas liées au sexe, ressentent généralement un sentiment de honte. Dans la mesure où les études sont le plus souvent basées sur du déclaratif, faire la part des choses peut être compliqué", précise le médecin.

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D'autant plus que dans les faits, le psychiatre reçoit plusieurs types de consultation. "Il arrive que certains patients soient infidèles, par exemple, et se déchargent de toute responsabilité en prétextant une addiction. Or, celle-ci n'est pas systématique", indique Jean-Claude Matysiak qui insiste : l'infidélité ou la visualisation de contenus pornographiques ne constituent pas des comportements addictifs. "On peut tout a fait avoir une sexualité 'normale' et consulter du porno. Ça n'est pas incompatible." A ses yeux, l'un des éléments essentiels pour définir l'addiction, c'est la souffrance qu'elle implique. "Dans l'addiction, il y a une souffrance réelle, vécue par la victime. Il s'agit de gens complètement engloutis dans leur conduite. Un alcoolique pensera à l'alcool dès le réveil, il en va de même pour un sex-addict. Ses premières pensées, voire ses premières actions, iront au sexe et il sera incapable de s'en affranchir. Y compris en journée, au travail, où il aura besoin de consulter du porno, par exemple. C'est ce qu'on appelle la centration : quand toute la vie de la victime ne tourne plus qu'autour de son addiction."

La consultation de contenus pornographiques ne présente donc pas par essence de danger d'addiction, quand bien même elle ne peut pas se substituer à une véritable éducation sexuelle comme le souligne madmoiZelle. Elle peut devenir dangereuse quand il y a escalade, détaille le médecin. "Il y a un problème quand il y a une forme d'escalade, que l'individu ressent de moins en moins de satisfaction et se voit obligé de monter la dose pour le même effet. En général ça passe par des contenus jugés plus pervers ou pénalement condamnables. Là ça peut devenir dangereux."

Addiction au sexe : comment maintenir son couple à flot ?

Cette addiction ne constitue pas une épreuve que pour la victime. Souvent, elle est aussi très complexe à vivre pour son ou sa partenaire... Ne serait-ce que pour tous les questionnements ou les situations qu'elle peut occasionner. C'est particulièrement difficile, et plus encore quand on sait que ce trouble est parfois le "témoin d'un dysfonctionnement dans le couple", explique le docteur Jean-Claude Matysiak. "Il est important de ne pas culpabiliser le patient, mais il faut faire de même avec le conjoint. Cela étant, si on ne fait que de la déculpabilisation, on ne remonte pas aux racines du problème", analyse le chef de service. Selon lui, la première des choses à faire quand on vit avec un addict c'est d’entamer le dialogue. 

"Il faut dialoguer. La première étape, c'est de l'amener à réaliser qu'il souffre d'un état pathologique, sans le culpabiliser. Évitez toutes les remarques comme les 'je ne te suffis plus', ou autre. Ça n'apportera rien. Il faut que le patient ait le déclic, souhaite se soigner", explique-t-il. "L'important, c'est de parvenir à comprendre la place de l'addiction dans le couple, dans sa dynamique. C'est à partir de là qu'on pourra comprendre d'où elle vient et comment la guérir." Beaucoup de patients consultent d'ailleurs en phase pré-clinique, assure le médecin, c'est à dire en anticipation de l'addiction réelle. D'après François-Xavier Poudat, psychiatre et sexologue cité par L'Indépendant, c'est pour cette raison qu'il faut garder espoir, malgré "l'effondrement", "l'état de crise" qui s'installe et s'associe à la colère ou l'agressivité chez les conjoints. "Ce qui disparaît en premier dans le couple, c'est la sexualité et c'est aussi ce qui revient le plus tard", indique-t-il en évoquant celles et ceux qui restent. Il analyse ce phénomène comme un "manque de confiance en l'autre, la peur de sa rechute".

Dans la mesure où il s'agit d'une pathologie, un véritable addict n'est pas dans une situation de trahison, indique le journal. Toutefois, il apparaît important aux yeux du docteur Matysiak de traiter également l'accueil de l'entourage du malade. "Lors de consultations individuelles, on reçoit également l'entourage. Il est important de faire le point avec le conjoint, de comprendre comment il ou elle vit la situation, de le soutenir. Quand ça se justifie, il est aussi utile de démarrer des thérapies de couple", souligne-t-il.

Addiction au sexe : un profil psychologique particulier ?

"Le profil du sex addict correspond souvent à celui de n'importe quel autre addict", décrit Jean-Claude Matysiak. "On retrouve souvent des gens qui ont été surprotégés pendant l'enfance et qui n'avaient que peu d'autonomie. Ils rompent avec ça à l'adolescence et se réfugient dans une addiction qui, finalement, ne sera qu'un objet, un support. Pour certains, c'est l'alcool, pour d'autres la drogue ou le sexe. Evidemment, le support n'est pas anodin, il témoigne d'un chemin de vie", souligne-t-il, non sans préciser qu'à l'inverse, les enfants maltraités souffrant de carences affectives ou ayant subi des agressions sont également susceptibles de développer des addictions.

Si, souvent, l'addiction au sexe frappe des individus souffrant de misère affective et sexuelle, c'est une pathologie qu'il retrouve dans toutes les strates de la société, sans distinction de population particulière. A une exception près. "A titre personnel, et cela ne vaut pas forcément statistiques, j'ai rencontré une majorité d'hommes souffrant de dépendance sexuelle. Les femmes, généralement, souffrent plutôt d'une dépendance affective", indique-t-il.