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Les forces de l'ordre sont épuisées et manquent cruellement de matériel. Philippe Capon, policier depuis des années et secrétaire général de l'UNSA Police témoigne pour Planet.
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La police vous protège-t-elle encore ? Un rapport inquiétant

C’est une situation inquiétante. L’état des forces de l’ordre en France serait affligeant à en croire le constat dressé par les Sénateurs Michel Boutant (PS) et François Grosdidier. Après six mois d’auditions, ils révèlent notamment que le taux de suicide des policiers et des gendarmes soit 36% plus fort que celui de la population civile.

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"C’est le rythme, la pression, les conditions de travail… Le métier est très difficile, d’autant plus qu’il est soumis aux aléas des politiques. La police nationale fait souvent office de laboratoire", explique Philippe Capon, policier et secrétaire général du syndicat UNSA Police. "Même psychologiquement, le métier de policier ou de gendarme est complexe : chaque jour on rencontre des urgences, on est confrontés à la gestion de la misère où à des situations très tragiques. Violences, vols, viols… Ce n’est pas une profession qui permettre de se remettre sur pied ou qui aide à faire face à sa propre détresse", témoigne-t-il.

La police vous protège-t-elle encore ? Les conditions de travail et matérielles compliquent sa mission

C’est précisément sur les conditions de travail qu’évoque le policier qu’il faut travailler, estiment les parlementaires dans le rapport comme le souligne Le Monde. "On laisse la situation dégénérer depuis des années. Entre 2007 et 2008, la révision générale des politiques publiques a estimé qu’il y avait trop de fonctionnaires. A partir de là un agent sur deux n’a plus été remplacé. Nous avons perdu 13 000 agents de police ou de gendarmerie à cause de cela", rappelle Philippe Capon, un brin amer. Il n’oublie pas non plus les "réductions draconiennes" des budgets des forces de l’ordre. "Forcément, tout ça a un impact sur nos conditions de travail. Le parc immobilier de la police est laissé à l’abandon et n’est absolument pas entretenu. Les commissariats sont tout simplement insalubres", assène-t-il avant de pointer du doigt la gestion du "aberrante" du parc automobile de la police. "Les véhicules sont achetés en très grand nombre, par lot de 5000, par exemple. Cela signifie que toutes les voitures vieillissent à la même vitesse… Et qu’il faut toutes les changer en même temps. Forcément ça coûte très cher."

Pire encore : à la suite des attentats, l’Etat a décidé d’armer davantage la police… Et s’y est très mal pris. "L’Etat a acheté des fusils d’assauts. Mais il n’a pas acheté les munitions, qui coûtent très cher, et il n’a pas non plus fait construire de centre d’entraînement pour former les agents à l’utilisation de ces nouvelles armes. Cela a mécaniquement un impact sur la façon dont on remplit notre mission", juge Philippe Capon. Le rapport de, son côté, n’hésite pas à parler de "pénurie de munitions". Pour l’agent de police, il est évident que de tels manquements empêchent la police de protéger efficacement nos concitoyens. "Oui, tout cela a un impact sur la façon dont nous assurons la sécurité intérieure. Preuve en est, en 2015, nous avons délaissé les banlieues et les cités parce que nous étions focalisés sur le terrorisme. Nous avons laissé la situation se gangréner au point de devoir faire appel à l’armée via l’opération Sentinelle."

La police vous protège-t-elle encore ? La fatigue physique et morale des agents de l'ordre

Mais le manque de moyens, d’effectifs et de matériel n’est qu’un des éléments du problème. Les forces de l’ordre sont également éreintées, physiquement, mentalement et moralement. "Depuis 2015, nombre des nôtres sont morts. En plus de la dégradation des conditions de travail, la mentalité a changé. Nous avons réalisé qu’être des policiers, qu’être connus en tant qu’agent des forces de l’ordre, faisait de nous des cibles", décrit Philippe Capon. Il appelle à davantage de "considération des policiers et des gendarmes", notamment de la part de l’Etat mais aussi de la part des citoyens dont il dénonce une certaine hostilité. "Nous sommes très souvent pointés du doigt ou remis en cause, comme c’est le cas pour Nantes", déplore-t-il.

Plus que tout, il accuse le gouvernement de "surdité". "Nous sommes éreintés. En 2015, nous cumulions 17 millions d’heures supplémentaires. Aujourd’hui nous sommes à 21 millions. Aucune n’a été payée et Gérard Collomb reste sourd à nos appels. Il se contente de dire qu’il n’a pas le budget pour nous les payer. Or nous ne pouvons pas non plus les récupérer, compte tenu du manque d’effectifs… Tout ce que dit ce rapport sénatorial, nous le disons depuis des années. Mais personne ne nous écoute", achève-t-il.