Faut-il craindre une nouvelle guerre atomique ? L’inquiétant sort réservé aux têtes nucléairesabacapress
Plusieurs pays ont entamé la modernisation de leur arsenal nucléaire militaire. Pour la première fois depuis la guerre froide, le nombre de missiles atomiques déployé auprès des forces opérationnelles augmente. 
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America is back. C’est le nouveau slogan de Joe Biden, affirme "une source diplomatique" interrogée par Le Monde au sujet notamment du dernier rapport de l’Institut International de Recherche sur la Paix de Stockholm (SIPRI). Cette dernière s’est attardée sur la volonté de la Maison Blanche à "se montrer très ferme à l’égard de Moscou", mais aussi à "éveiller ses alliés aux menaces militaires, technologiques et politiques de la Chine". En bref, les ennemis sont identifiés… Et ce discours pourrait s’avérer d’autant plus inquiétant qu’il est prononcé dans un contexte de modernisation de l’arsenal nucléaire militaire d’un certain nombre de nations disposant de la bombe A. En pratique, la baisse des stocks est réelle, mais - et c’est une première depuis la fin de la guerre froide - un nombre d’ogives plus important encore a été déployé auprès des forces opérationnelles.

Non moins essentiel, note Libération : un certain nombre de traités internationaux - tous actés, indique d’ailleurs le quotidien, entre 1947 et 1991 - ont été fragilisés pendant la gouvernance de Donald Trump. Dès lors, d’aucuns pourraient-ils craindre un véritable regain des tensions dans le monde ? Assez légitimement, oui, confirme pour Planet le chercheur Michaël Lambert, qui officie à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). "La montée des tensions entre les Etats-Unis d’Amérique, d’un côté, et la Chine ainsi que de la Russie de l’autre ne fait aucun doute", juge-t-il d’entrée de jeu. "Le problème principal vient de la doctrine stratégique des différents blocs. La Russie comme la Chine entendent moderniser leur équipement nucléaire, ce qui n’est pas le souhait des Etats-Unis. Cela ne peut engendrer qu’une montée de stress entre les nations", observe encore l’expert, qui rappelle toutefois qu’au sein de l’alliance sino-soviétique, les intérêts ne sont pas les mêmes.

Pourquoi la Russie et la Chine souhaitent-elles rajeunir leur arsenal nucléaire ?

"Pour la Chine, il ne s’agit pas seulement de développer une technologie militaire : elle cherche aussi à faire avancer son programme spatial, qui est intimement connecté à son projet nucléaire. Pour la Russie, l’intérêt est plus terre à terre, puisqu’elle entend avant tout trouver une réponse au système de bouclier américain… qui cherchent donc naturellement à améliorer leur protocole de défense de leur côté. Tout cela engendre donc un effet ping-pong", analyse Michaël Lambert.

De quoi alimenter un retour à la guerre froide… ou pire, à la guerre tout court ?

Faut-il craindre un nouveau conflit, une seconde guerre froide ?

"Le monde ne se prépare pas à la guerre", tranche d’entrée de jeu Michaël Lambert, pour qui cette situation confirme cependant le retour de la Russie sur la scène militaire internationale. "C’est clairement l’enjeu principal pour elle. Il diffère sensiblement de celui des autres puissances nucléaires : hormis la Chine et les Etats-Unis que nous avons déjà évoqués, la doctrine militaire de la France, de l’Inde ou du Royaume-Uni n’est pas offensive. Elle est défensive", poursuit-il. "Il s’agit seulement de dissuader."

"La montée des tensions est indéniable, ce que ne peuvent ignorer les dirigeants à la tête de puissances nucléaires. Ils sont tous conscients qu’ils ont de quoi détruire dix fois la planète", rappelle pour sa part Alain Rodier, directeur de recherche auprès du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). "La Russie et les Etats-Unis, à eux seuls, disposent d’environ 2 000 têtes nucléaires opérationnelles. Elles ont aussi des réserves bien plus importantes en stock. Dès lors, il est impossible à l’un ou l’autre des belligérants de lancer une frappe atomique ou même seulement une opération militaire majeure", détaille-t-il ensuite. 

Malgré tout, cela ne signifie pas pour autant que tout conflit est d’office écarté. Au contraire ! D’après l’expert du CF2R, la menace pèse ailleurs. "Nous sommes aujourd’hui dans une situation de dissuasion à certains égards comparable à celle de la guerre froide. Cela signifie donc que des combats interposés, comme ce fut le cas en Corée ou au Vietnam, pourraient toujours avoir lieu", considère l’ancien militaire.

La menace chinoise, elle, pourrait être à nuancer. Du moins, pour l’Occident. "Son arsenal est considérablement moins important, environ dix fois moins. En outre, pour le moment, la Chine n’a pas les moyens de délivrer une frappe sur un objectif occidental crédible. Le Japon et la Corée pourraient être en danger. Les Etats-Unis ? Pas vraiment", tranche en effet Alain Rodier.

De son côté, Emmanuel Macron a fait savoir quelle voix il essayait de porter au dernier sommet de l’OTAN : celle du désarmement. Mais y a-t-il là de quoi rendre sa prestance et sa parole à la France ?

Désarmement : la voix d’Emmanuel Macron peut-elle porter ?

Le président français peut-il encore se montrer audible sur la question du désarmement nucléaire ? Il joue, estime Michaël Lambert, dans une cour qui n’est peut-être plus la sienne.

"Malheureusement, j’ai peur que la voix d’Emmanuel Macron ne puisse pas porter jusqu’aux Etats-Unis, la Russie ou la Chine. Cependant, ce type de discours présente aussi un autre intérêt : il permet de réaffirmer la position de la France en tant que pays médiateur, comme cela a pu être le cas pendant la guerre froide. A ceci près que nous ne faisons pas partie de l’OTAN à l’époque…", nuance l’expert.

"Emmanuel Macron, suivant ce qu’il a compris de l’héritage Gaullien, tâche d’agir. Le souci vient du fait qu’à l’époque du général, nous avions les moyens de notre politique. Ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui, et nos partenaires ne sont pas dupes : ils savent très bien combien de divisions la France est en mesure d’aligner. Par conséquent, sur ce sujet, il m’apparaît difficile de nous imposer. En revanche, nous demeurons très audibles sur d’autres ; comme sur la question africaine, par exemple…", ajoute pour sa part Alain Rodier.