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Emmanuel Macron semble avoir atteint une nouvelle frontière du nouveau monde. Le président réfléchit à revenir sur une mesure emblématique, coincé entre l'éthique et les enjeux de territoire.
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Cumul des mandats : Emmanuel Macron vacille ?

"Pas très à la mode". Emmanuel Macron a vraisemblablement pleinement conscience des enjeux. Depuis le début de l’année 2019, face à la crise des gilets jaunes qui s’enlise, et les européennes qui approchent, une petite musique s'installe dans le pasayge politique : la possibilité de revenir sur la proposition de loi du non-cumul des mandats . En 2018, la majorité a proposé une réforme des institutions incluant notamment le non cumul dans le temps, c’est-à-dire pas plus de trois mandats successifs identiques pour les parlementaires et les fonctions exécutives locales. Depuis 2014, il est déjà interdit aux députés nationaux et européens et aux sénateurs de cumuler leur mandat avec plusieurs fonctions locales.

Emmanuel Macron tate le terrain. Mi-janvier, présent à Souillac dans le Lot, dans le cadre du grand débat national, le président lance "Faut-il permettre de ravoir des mandats locaux, du moins dans certaines proportions, sans être dans des exécutifs de premier plan, peut-être ?". Quelques jours plus tôt dans l’Eure, il avait déjà questionné les bienfaits de cette mesure dont il estime que les conséquences n'ont pas forcément été bien anticipées.

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Gage qu’Emmanuel Macron y songe, l’enjeu figure sur le site du grand débat dans la partie Démocratie et citoyenneté. Mais ce n’est pas tout, selon le Journal du dimanche, le président pourrait soumette la question lors d’un éventuel référendum qui pourrait se dérouler en même temps que les élections européennes.

Cumul des mandats : ils poussent Emmanuel Macron à y réfléchir

Le sujet divise mais Emmanuel Macron se trouve encouragé par des poids lourds, dont Gérard Larcher. Le président du Sénat, principal opposant dans le cadre de la réforme des institutions estime que la limite du cumul des mandats est "un sujet qui mérite d’être interrogé". Une voix à entendre alors que le chef de file des sénateurs LR a déjà fait part de son peu d’entrain quant au choix de Laurent Wauquiez pour la tête de liste des européennes, François-Xavier Bellamy, qu’il juge trop à droite.

Quant à François Bayrou, il estime que le sujet pourrait (devrait ?) "faire l’objet d’une décision des Français". Même Edouard Philippe, le Premier ministre, a jugé sur France Inter que le cumul entre fonctions parlementaires et mandat de maire dans une petite commune n’était pas "incompatible".

Les députés de la majorité ont embrayé dans la brèche. Benoit Simian, député LREM de Gironde a entraîné dans son sillage une vingtaine d’autres parlementaires à réfléchir à la question, rapporte Capital. Il prépare également une proposition de loi.

Cumul des mandats : entre nouveau monde et représentativité

La question du non cumul des mandats est revenue dans le débat à la faveur de la crise des gilets jaunes, qui dénoncent notamment la déconnexion entre les députés et la réalité. Des députés qui sont pour 75% d’entre eux nouveaux à l’Assemblée nationale.

Mais l'équation entre modernisation des institutions et représentative, ne se pose pas seulement en termes de cote de popularité. Outre que la figure du député-maire a été pendant des années l’une des pierres angulaires de la politique, Emmanuel Macron lui-même apparaît déconnecté des territoires, mettant en souffrance sa relation aux maires. Une image qui risque d’avoir un coût politique lors des municipales pour un parti encore très jeune et qui n’a été confronté qu’à une seule élection.

Revenir sur la limite du cumul des mandats pourrait être tout aussi coûteux, tant la réforme tire un trait sur "la politique à l’ancienne". En 2013, un élu cumulait 26 mandats. Impensable aujourd’hui. Dans son programme, Emmanuel Macron se disait d’ailleurs en faveur du non-cumul.

Cumul des mandats : l'art de l'équilibre

En réalité, en l’état, Emmanuel Macron bénéficie d’une soupape puisque la proposition de loi présentée par le gouvernement en mai dernier ne prévoit qu’une application totale de la loi effective en 2032. En effet, elle ne sera pas rétroactive et ne concernera pas les communes de moins de 3500 habitants a promis Emmanuel Macron.

Une loi organique doit être étudiée après le grand débat, repoussée cet été affaire Alexandre Benalla oblige.Autre porte de sortie pour Emmanuel Macron, la proposition émise par Benoit Simian. Estimant que ce qui gêne dans le cumul des mandats, c’est surtout le cumul des rémunérations, il propose que les élus cumulards effectuent l’une des fonctions de manière bénévole. 

Dans le texte qu’il prépare, relate Capital, il serait question de rendre de nouveau le cumul des mandats possible pour des mandats de député et de maire, et uniquement dans des communes de moins de 10 000 habitants.

Un compromis idéal alors qu’il y a un an, 60% des Français estimaient que la loi sur le non-cumul des mandats avait eu un impact positif. Dans cette même étude Viavoice et Fondation Jean Jaurès, 70% se prononçaient pour un cumul dans le temps.