Courses : faut-il craindre une hausse des prix en supermarché ?Istock
Le 16 mars 2020, le président de la République annonçait la mise sous cloche du pays, à compter du lendemain midi. Depuis, vous êtes contraints de vous munir d'une attestation dérogatoire pour pouvoir faire vos courses. Et pourtant, la situation pourrait encore empirer...
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Chute des recettes de l'Etat, risques de pénuries... L'épidémie qui a nécessité la mise en isolement des Françaises et des Français pourrait s'avérer très douloureuse pour l'économie du pays. Et, par ricochet, s'attaquer aux portefeuilles des contribuables...En tout et pour tout, résume Le Figaro, l'Etat s'attend à une perte de 10,7 milliards d'euros au moins par rapport à ce qui était initialement prévu par la loi finance 2020, qu'il faut dorénavant rectifier. Et le journal de préciser que l'inflation pourrait elle aussi dégringoler cette année. Après s'être établi à + 1,1% en 2019, elle devrait retomber à +0,6%, à en croire le texte fourni par l'exécutif.

Une situation globale qui a de quoi inquiéter les Françaises et les Français alerte Philippe Crevel dans nos colonnes. Macro-économiste, spécialiste de la question des retraites et président du Cercle de l'Epargne, il estime qu'en dépit des signaux actuels, une montée des prix est possible. Particulièrement pour ceux pratiqués en grandes enseignes.

"Il n'est pas raisonnable, à mon sens, d'exclure le scénario inflationniste. Nous n'en sommes qu'aux débuts de la crise sanitaire, il est encore difficile de dire ce à quoi pourrait ressembler l'après. Une chose est sûre : certains paradoxes favorisent, dans une certaine mesure, l'inflation. Pour certains produits, au moins", estime en effet le chercheur, qui poursuit : "Les prix des biens de consommation courante, comme les denrées alimentaires par exemple, sont évidements susceptibles d'augmenter".

Coronavirus : ces éléments qui pourraient favoriser l'inflation

"Le système actuel à cela d'étrange qu'il confine et restreint le consommateur, puisqu'il l'empêche de quitter son domicile et qu'il ferme un nombre considérablement de commerces. Faute de demande certains prix vont donc mécaniquement baisser. De l'autre côté, on observe une forte hausse de la demande pour tout ce qui relève de l'alimentaire", détaille l'économiste, pour qui le ralentissement de l'économie pourrait aller plus loin.

"Forcément, parce que tous les actifs ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail, certains produits vont être amenés à se raréfier et coûteront donc probablement plus, eux aussi. Plus le confinement sera long, plus le risque grandit", note le spécialiste, non sans préciser cependant que dans ce cas précis, l'Etat pourrait intervenir." Après tout, il l'a déjà fait pour le gel hydroalcoolique. Ce qui n'a pas suffit à en ramener sur le marché", assène-t-il.

Inflation : quels risques pour votre portefeuille ?

"Si le dérapage inflationniste se confirme, il faut alors s'attendre à un gel des revenus. Dans un second temps, ils pourraient même finir par baisser, ce qui engendreraient de graves tensions sociales entre ceux qui pâtissent de la situation et les autres que l'ont pourrait accuser d'en profiter", alerte d'abord Philippe Crevel. A ses yeux, cependant, le vrai danger – pour l'économie française peut-être plus qu'individuellement – pourrait survenir au terme de l'épidémie.

"Après le confinement, quand on aura vaincu le coronavirus, il est probable que les gens demandent des augmentations de salaire si un tel scénario s'est produit. Selon la façon dont cela se déroule, cela pourrait gripper le système", poursuit le chercheur.

Une crise inflationniste, rappelle-t-il, pourrait d'ailleurs s'avérer dramatique pour les épargnants. "Leurs biens perdraient en valeur", explique-t-il. "En revanche, certains emprunteurs pourraient y voir une aubaine", précise-t-il encore.

Mais l'inflation est loin d'être le seul risque qui guette les portefeuilles des Françaises et des Français...

Et si le vrai danger, c'était en fait... La déflation ?

"Naturellement, le scénario déflationniste est tout aussi inquiétant... Et pas moins probable", souligne d'emblée Philippe Crevel, qui pense qu'il est trop tôt pour savoir dans quel sens la balance pourrait pencher dans l'immédiat.

"Tout prête à penser qu'une déflation est possible. La consommation est limitée, quand elle n'est pas simplement à l'arrêt. Nous n'avons plus de circuit économique en mesure de fonctionner, les investissements immobiliers ou dans les actions sont en chute libre. A court terme, le danger est incontestable. D'autant plus que les tentations protectionnistes, régulières en cas d'épidémie, contribuent à nourrir ce cercle vicieux", estime l'économiste.

Pour rappel, une crise déflationniste signerait la baisse de la valeurs des actifs financiers et immobiliers, freinerait l'investissement et finirait à terme par engendrer une baisse des revenus globaux de la population. Mécaniquement, cela creuserait la baisse des recettes de l'Etat, lequel pourrait ne plus pouvoir financer les prestations sociales (parmi lesquelles les pensions de retraites, par exemple) à hauteur comparable à celle d'aujourd'hui.

"En cas de déflation, le geste citoyen, c'est de ne pas participer. Il ne faut pas vendre en panique ses actifs immobiliers ou en actions, par exemple", prévient le président du Cercle de l’Épargne.