Théories du complot : "Elles concernent souvent les domaines de la guerre et du terrorisme"©AFPgetty
Dans "Théories du complot, on nous cache tout, on nous dit rien", Nicolas Chevassus-au-Louis invite le lecteur à un voyage au pays des complots. De leur propagation à leur disparition, l'auteur décortique le mécanisme de ces alternatives aux versions officielles.
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Qu’est qu’une théorie du complot ?

Nicolas Chevassus-au-Louis* : "C’est une version qui se présente comme une alternative à la version officielle de n’importe quel évènement traumatique comme un attentat, un crash d’avion ou un meurtre, et qui fait appel à une conspiration pour l’expliquer. Si l’on prend les attentats du 11 septembre, la théorie du complot consiste à dire que l’effondrement des deux tours n’est pas dû aux deux avions qui s’y sont écrasés, mais à autre chose de contrôler par le gouvernement américain.

De quoi a besoin une théorie du complot pour se développer et durer ?

Nicolas Chevassus-au-Louis : Il faut d’abord réussir à insinuer le doute sur une version officielle. ‘Tu ne trouves pas ça bizarre, toi, qu’une éclisse (pièce métallique reliant deux rails, ndlr) puisse se détacher comme ça ?’, a-t-on ainsi entendu à propos de l’accident de train de Brétigny-sur-Orge en 2013. Ensuite, il faut souligner les éléments qui peuvent paraître incohérents. Pour les attentats du 11 septembre, il s’agit par exemple de se demander comment il est possible que les services de renseignements américains n’ont pas pu prévenir une telle attaque. Enfin, une fois le doute bien installé, il n’y a plus qu’à trouver une version alternative qui tienne la route.

Qui est à l’origine d’une théorie du complot ?

Nicolas Chevassus-au-Louis : C’est difficile à déterminer. On ne peut jamais vraiment savoir, surtout de nos jours où Internet favorise une génération spontanée de ces théories. Cet outil favorise par ailleurs leur essor. En effet, il permet dans un premier temps aux personnes qui y sont sensibles d’échanger à ce sujet et donc de nourrir leurs doutes, et ensuite de diffuser ces idées très rapidement à grande échelle.

Dans le cas du déraillement du train Paris-Limoges l’été dernier, la théorie d’un complot n’a mis que quelques heures à apparaître. Moins d’une journée après l’accident, l’on pouvait déjà lire sur Internet que certains remettaient en cause le fait que c’était un accident dû à une pièce métallique reliant deux rails qui a été arrachée par le passage du train et qui a ensuite été projetée dans l’aiguillage, provoquant le déraillement. Cette théorie selon laquelle cette succession de hasards était impossible s’est ensuite développée pendant les cinq jours qui ont suivi et puis, finalement, tout est retombé vers le 6e jour quand les premiers constats officiels ont été dévoilés et avec eux leurs lots d’arguments convaincants.

Mais le doute peut parfois demeurer plus longtemps, voire des années, comme aux Etats-Unis avec les attentats du 11 septembre. Convaincu que ce n’était pas une attaque terroriste, une association américaine, ReOpen911, œuvre d’ailleurs pour que l’enquête portant sur ce tragique évènement soit rouverte.

Y a-t-il des domaines plus favorables au développement de ces théories ?

Nicolas Chevassus-au-Louis : Disons que tout ce qui se rapporte à la guerre et au terrorisme y est particulièrement propice. Prenez par exemple le crash du vol MH17 en Ukraine. La version officielle dit que l’avion a été abattu par un tir de missile des prorusses. Or, en Russie la version officielle diffère complètement. On pourrait même parler ‘d’une théorie du complot à la mode russe’. Les autorités assurent que l’Ukraine et les Occidentaux ont fomenté ce plan et donné une fausse version pour justifier leurs attaques et leurs sanctions.

Quelle est la plus vieille théorie du complot de notre époque ?

Nicolas Chevassus-au-Louis : Elle remonte à 1933 et concerne l’incendie du Reichstag à Berlin (Allemagne). Celui-ci a été utilisé par les nazis comme argument pour réprimer toute forme d’opposition. Selon eux, cet incendie était l’œuvre des communistes qui voulaient s’emparer du pouvoir, tandis que les communistes pensaient que c’était un coup des nazis pour ensuite justifier les arrestations massives. Aujourd’hui, plus de 80 ans après, on sait que ce n’était pas un complot, mais uniquement le fait d’un seul homme, un communiste néerlandais : Marinus van der Lubbe.

La théorie du complot la plus retentissante de notre époque est sans conteste celle qui entoure les attentats du 11 septembre. Treize ans après les faits, le débat est toujours ouvert".

*Nicolas Chevassus-au-Louis est l’auteur de "Théories du complot, on nous cache tout, on nous dit rien", aux éditions First.