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Objet de blagues, de caricatures… La figure de la belle-mère dans l'imaginaire collectif catalyse bien des critiques. Décryptage.

La bataille autour de l’héritage de Johnny Hallyday a de nouveau fait ressurgir blagues, caricatures et commentaires acides sur la figure stéréotypée de la belle-mère. En 2011, l’Insee estimait pourtant que la France métropolitaine comptait 1,5 millions d’enfants mineurs vivant dans 720 000 familles recomposées, une proportion qui a doublé entre 1990 et 2010.

Ces chiffres n'empêchent en rien le mot "marâtre", deuxième femme du père en bas latin, d'être toujours utilisé avec tout ce qu'il implique de péjoratif. Pour le constater, il suffit de se pencher sur bien des œuvres, comme Cendrillon ou Les Malheurs de Sophie, où elle apparaît cruelle, méchante et surtout en position de domination sur le père. L’expression a d’ailleurs son pendant masculin, parâtre, largement moins usité et populaire, un phénomène qui s’explique par les inégalités hommes-femmes. "Autrefois, les hommes se définissaient par leur statut social ou leur métier, tandis que les femmes étaient cantonnées à la sphère familiale et au seul fait d'être mère", explique l'historienne Yannick Ripa à Femina. Si la marâtre est donc une femme comme les autres, c’est-à-dire soumis aux mêmes stéréotypes sexistes, elle ne dispose donc pas non plus du ‘rang élevé’ de mère. 

La part sombre

Avant l’autorisation du divorce en France en 1792, la figure de la belle-mère apparaissait dans les familles lorsque la mère était morte. Elle devait donc faire face aux enfants et à leur douleur, sans pour autant combler l’absence. Une position délicate.

Quand bien même aujourd’hui, alors qu’il n’est plus forcément question que de veuvage, la maternité est, elle, encore bien souvent perçue comme la clef de l’épanouissement des femmes. Face à la mère, "la marâtre incarne la part sombre de la maternité : elle peut mourir, avoir une vie sexuelle… Tout ce que l'enfant refuse de voir chez une mère qu'il idéalise se retrouve projeté sur la figure de la belle-mère", souligne la psychanalyste Laura Pigozzi. Le lien avec l'image de la femme tentatrice et pécheresse, l'Eve du jardin d'Eden, est vite fait.

Si la figure stéréotypée de la marâtre domine le père, elle est revanche en opposition avec ses beaux-enfants. Blanche-Neige ou Cendrillon en sont à ce titre des exemples frappant, puisque la belle-mère y est présentée comme "l’anti-princesse". Cette division est performative au sens où elle permet de renforcer encore un peu plus les stéréotypes sexistes de la belle-mère comme de la princesse. "L'un des principaux ressorts de l'antiféminisme, c'est de mettre les femmes en concurrence", disait Aude Lorriaux, porte-parole de l’association Prenons la une qui vise à un traitement plus juste des femmes dans les médias, à Europe 1, ajoutant : "La figure de la marâtre est un classique de l'antiféminisme". Ni mère, ni princesse, donc. 

Pas question pour autant de laisser aux autres le monopole du mot. En 2004 a été créé le Club des Marâtres en région parisienne. Objectif, partager son expérience mais aussi les difficultés liées à la position de belle-mère dans une famille recomposée.