©Capture d'écran Youtube/ Challenge A l'eau ou au restau
"Fire challenge", "Neknomination", "à l'eau ou au restau"… Les défis spectaculaires relevés par les jeunes sur les réseaux sociaux sont de plus en plus nombreux et dangereux. Un spécialiste nous explique ce qu'il se cache derrière ces mises en danger en ligne.

Depuis 2014, au moins une demi-douzaine de jeunes sont morts en réalisant des défis sur les réseaux-sociaux, notamment sur Facebook. Aujourd’hui, même s’ils sont moins spectaculaires que l’immolation par le feu ("Fire challenge") ou que de se jeter dans un cours d’eau ("A l’eau ou au restau"), les challenges circulent toujours en nombre sur le net.

Si certains semblent plutôt amusants, comme le "condom challenge" qui consiste à se faire tomber un préservatif rempli d’eau sur la tête –et donc avoir son visage comprimé dans une bulle d’eau-, d’autres sont définitivement plus risqués.

Un adolescent de 14 ans est d'ailleurs décédé en juin dernier en réalisant un "train surfing", défi qui consiste à s’accrocher à un train/métro/RER en marche et tenir jusqu’à la station suivante.

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Rite de passage et nouvelle tribune

Des prises de risques filmées, parfois même en live sur les réseaux sociaux, qui trouvent toujours de nombreux adeptes. Pour Jocelyn Lachance, socio-anthropologue, spécialiste des pratiques numériques des jeunes à l'université de Pau, ces défis font office de rites de passage.

"La prise de risque participe à l'autonomisation. On montre que l'on peut faire ce que l'on veut de son corps, sous le regard des autres et ceux-ci attestent du talent à se maîtriser dans des situations à risques", nous a-t-il expliqué.

Les rituels de passage datent pourtant bien d'avant l’apparition des technologies de diffusion. "Les jeunes se sont toujours inventé des épreuves, des défis entre eux. Se mettre en danger n’est pas nouveau, relève Jocelyn Lachance. Mais ces nouveaux modes de diffusion leur ont offert une nouvelle tribune".

"On assiste grâce à internet à une mise en visibilité grandissante de la souffrance de nos ados"

Pourtant, quel est l’intérêt pour un jeune de se badigeonner le corps d’alcool et d'y mettre le feu devant une caméra ? Si l’explication du rite de passage est d’abord avancée, Jocelyn Lachance voit également une autre option : l’appel à l’aide.

"On assiste grâce à internet à une mise en visibilité grandissante de la souffrance de nos ados qui laissent des traces visuelles.", analyse le spécialiste. Parfois, l’expérience dépasse le challenge et devient un moyen d’exprimer des souffrances difficiles à extérioriser. Tellement difficiles que des jeunes en arrivent à se suicider en direct, à l’instar de l’adolescente qui s’est filmée sur Périscope en se jetant sous un RER en début de semaine.  

Le socio-anthropologue ajoute : "Les technologies de l'image jouent ici au moins deux rôles : d'une part, elles vont permettre à des jeunes de marquer les esprits avant de disparaître, ce qui était recherché autrement par le passé, par l'écrit d'une lettre, notamment. D'autre part, ces images donnent une nouvelle visibilité à des tragédies qui autrefois passaient sous silence..."

Pour le spécialiste, il devient alors primordial d’être attentif aux signes que lancent les jeunes. Ces vidéos-challenges "sont des révélateurs, des indicateurs qui nous permettent de ne plus ignorer ce que ces comportements cachent."

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