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Les tics sont très fréquents à l'oral, même chez les personnes habiles à s'exprimer en public, comme les politiques. En vérité, ces petits mots en disent beaucoup si l'on sait les décrypter. Explications avec la sémiologue Elodie Mielczareck.

A la radio, à la télévision, au bureau, les "euh", "voilà", "tu vois" sont omniprésents dans les discours et les conversations. A force d'être confronté aux tics de langage, on ne fait presque plus attention à eux, même lorsque ce sont nos politiques qui les utilisent. Pourtant, loin d’être seulement superficiels, les petits mots et expressions qu’ils prononcent peuvent être extrêmement révélateurs.

C’est ce que nous a confirmé Elodie Mielczareck*, sémiologue spécialiste de la communication verbale et non verbale. "Pour celui qui sait les décrypter, les tics de langage sont comme une merveilleuse porte d’entrée vers les intentions cachées du locuteur".

"Je vais être clair", "Pardon de vous dire"...

Afin de pouvoir les analyser correctement, il faut faire le tri entre les différents tics de langage qui ont tous des fonctions spécifiques dans le discours. Pour Elodie Mielczareck, il en existe trois types. "Il y a d’abord les tics métacommunicants, qui montrent une capacité à communiquer sur son propre discours".

Les hommes et femmes politiques utilisent par exemple couramment les expressions "je vais être clair" ou "pardon de vous dire" qui appartiennent à cette catégorie. Ces tics permettent de signifier que l’on prend de la hauteur par rapport à son propos mais aussi de gagner du temps pour construire sa pensée.

Des intentions "parfois manipulatrices"

Les tics tels "écoutez" ou "allô" permettent, eux, d’évaluer la relation que l'on a avec celui qui écoute. Ils servent à établir le contact : c’est ce qu’on appelle la fonction phatique du langage.

Enfin, il y a les tics de langage connecteurs qui relèvent du registre cognitif. Ce sont les adverbes comme "justement", "exactement" ou les conjonctions "bref", "donc" qui permettent de créer un temps de pause pour pouvoir se concentrer sur son propos et sa construction.

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En apparence anodins, tous peuvent cependant servir à tromper la personne à qui l’on s’adresse. "Les tics de langage ne sont pas seulement ornementaux. Chez les politiques, ils reviennent de manière non anecdotique et sont de vrais marqueurs de leurs intentions qui sont parfois manipulatrices", nous explique Elodie Mielczareck.

"Un écran de fumée"

Dans ces cas-là, les tics de langage fonctionnent comme "un écran de fumée", selon la sémiologue. Le tic est alors un outil rhétorique, une parade dans le discours. Par exemple, certains politiques utilisent très fréquemment la locution adverbiale "d’abord" ou "tout d’abord" au début de leur réponse aux journalistes. Plutôt que de répondre directement à la question, ils font un détour sous le prétexte d’une courte introduction ou d’un rappel du contexte.

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Autre exemple, l’usage de "naturellement" par l’ancien président Jacques Chirac qui en dit long sur le fonctionnement de sa pensée. "Cet adverbe est devenu l’indicateur d’une non-authenticité" chez lui, décrit la sémiologue. "Nos essais n'ont jamais, naturellement, fait de mal au moindre poisson", avait-il déclaré en 1995 dans l’émission "7 sur 7". Cet usage révèle une volonté d'affirmer le caractère évident de quelque chose qui, en vérité, n'est pas aussi naturel que l'on voudrait nous faire croire. Un bel écran de fumée en somme.

Attention, cependant, à ne pas voir de la manipulation partout. Certains tics sont en effet naturels et ne sont le résultat d’aucune volonté de tromper. "Il peut s’agir d’un mécanisme cognitif non conscientisé de construction du discours dans la pensée", indique Elodie Mielczareck. Tout est  une question d'intention que l'on peut facilement décrypter si l'on observe de plus près ce que nous disent les politiques et surtout comment ils nous le disent.

*Elodie Mielczareck, sémiologue et synergologue, est l’auteur de Déjouez les manipulateurs, Editions Nouveau Monde, 2016.

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