Le Front National embarrassé par les attentats d'Osloabacapress
Anders Behring Breivik a horrifié le monde entier en tuant 76 personnes le vendredi 22 juillet. En se revendiquant d'une pensée fondamentaliste chrétienne, il embarrasse l'extrême droite qui cherche à se débarrasser de cette étiquette radicale. Retour sur une polémique européenne.
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Un coupable atypique

Depuis vendredi dernier, la question est sur toutes les lèvres : Anders Behring Breivik est-il fou, comme le prétend son avocat, ou bien est-ce un calculateur extrémiste ayant appliqué son idéologie anti-marxisme et anti-multiculturalisme à son paroxysme en tuant tous ces innocents ? On le sait, ce Norvégien déteste l'Occident et déteste la démocratie. Dans son manifeste de plus de 1500 pages publié sur internet, il explique vouloir provoquer "une guerre préventive" contre les "attentes multiculturelles" et les "idéaux suicidaires de l’humanisme". Selon lui, si aujourd'hui ses idées sont mal perçues, dans une dizaine d'années elles seront largement reprises.

Ne répondant pas à l'image "populaire" du terroriste de ces quinze dernières années, Breivik sème le trouble. Le fondamentaliste européen a longtemps adhéré au Parti norvégien d'extrême droite dit "du progrès", et s'autodéfinit comme admirateur de Geert Wilders, le président du Parti hollandais d'extrême droite. Embarrassée, l'extrême droite européenne s'empresse de lutter contre les amalgames.

Le Mouvement contre le racisme accuse la "droite de la droite"

Le dimanche 24 juillet, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) rédige un communiqué de presse, condamnant la "droite de la droite" européenne et française. Le Mrap explique : "dans toute l’Europe, les partis populistes et les extrêmes droites - Front national en France, Parti du progrès en Norvège, Démocrates suédois (parti politique suédois nationaliste), Parti du peuple danois (PPD), Jobbik de Hongrie... (que leurs personnalités s’appellent Siv Jensen en Norvège, Geert Wilders, aux Pays-Bas, ou Marine Le Pen) – sans oublier en France la droite extrême qu’est la Droite populaire de l’UMP (...) – portent une lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier". Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, ajoute quant à lui : "Voilà où mène aussi l’idéologie du choc des civilisations, de l’incompatibilité des cultures, de l’impossibilité de construire des mondes au-delà de nos sociétés habituelles : à la haine, à la destruction, au terrorisme".

En réponse, le ministre des Transports Thierry Mariani, co-fondateur de la Droite populaire, qualifie la publication du MRAP de "minable", ajoutant que "ce qui se passe en Norvège est dramatique". Eric Besson, ministre de l'Écologie, précise que les idées "de l’extrême gauche, de l’anarchisme" peuvent tout autant poser problème. Marine Le Pen, dans un communiqué, présente "ses condoléances au peuple norvégien et rappele sa détermination à lutter de façon acharnée contre toutes les formes de violence et de barbarie".

Elle fustige également le MRAP qui accuse le FN de véhiculer des idées pouvant pousser les plus faibles à ce genre d’action : "le MRAP récupère un événement terriblement douloureux pour tenter de créer la confusion dans les esprits et faire progresser son combat militant. [...] Le Front national est évidemment parfaitement étranger à la tuerie norvégienne, qui est l’œuvre d’un déséquilibré solitaire qui devra être châtié de façon impitoyable". Elle menace de poursuites, par ailleurs, "quiconque se prêterait à des basses manœuvres de ce type".

Le Parti du progrès, cousin idéologique du FN

Le manifeste de Breivik, véritable profession de foi, témoigne d’un discours en de nombreux points proche des partis populistes nordiques et en particulier du Parti du progrès. Ultranationaliste et nostalgique, ce manifeste prône un rejet en bloc de l’islamisme et du multiculturalisme. Et il donne la France comme l’un des pires exemple de pays "islamisés".

Pourtant, le Parti du progrès cherche à s’éloigner du racisme et de tout courant s’apparentant au nazisme. Exemple significatif, en 1997, le FN de Le Pen père félicite Carl Hagen, alors président du parti norvégien, pour son score électoral, avant que celui-ci ne prenne ses distances, trouvant le leader français "extrémiste et raciste". 

Il n’empêche, c’est toute l’extrême droite européenne qui dénonce un acte "isolé", s’évertuant à souligner le caractère pathologique et psychologique de l’action, aux dépens de l’explication politique avancée par son auteur. Le PVV (Pays-Bas) et le Vlaams Belang (formation flamande en Belgique) tous ont dépeint un "malade" et un "psychopathe". Wilders ajoute "mépriser tout ce que (Breivik) symbolise et tout ce qu’il a fait".

Dérapages de la part de l’extrême droite en France

Ce n’est pas de la bouche de Marine Le Pen que les propos ambigus sont sortis. Celle-ci semble résolue à éviter les fameux sous-entendus de son père, qui l’ont si souvent emmené devant le juge. Dans l’entourage de Marine, on est moins prudent. Ainsi Laurent Ozon, membre du bureau politique du Front national écrit sur son Twitter : "Expliquer le drame d’Oslo : explosion de l’immigration : X6 entre 1970 et 2009".

C’est encore sur internet que les plus virulents s’expriment. Ainsi, Libération n’a pas manqué de relever certains commentaires tendancieux sur Fdesouche.com, un site particulièrement apprécié par la "fachosphère" :

Avant que l'identité de l'auteur des attentats d'Oslo ne soit dévoilée, on a pu y lire :

  • "Ça pue le mahométan à 200 bornes autour d'Oslo" (Amarys)
  • "J'ai lu il y a quelque temps sur un com de ce blog que les convertis à l'Islam étaient prêts à tout pour prouver leur amour à cette religion de merde!!!" (Alfred)
  • "J'espère qu'il y a de la diversité parmi les victimes :)" (LzeDNoo)
  • "Nous devons casser le dos de l'Islam. Ici et maintenant" (Father Mackenzie)

Après l'annonce que l'auteur des attentats est un chrétien norvégien :

  • "Merde, ça casse toutes les théories" (Faisan)
  • L'auteur est forcément "manipulé afin de faire baisser les ardeurs nationalistes" (Francelibre)

Pour s'imposer dans le débat républicain et gagner les élections, les partis d'extrême-droite doivent se départir de certaines étiquettes telles que "racisme", "xénophobie", "fondamentalisme"... Si tous ces politiques condamnent aujourd'hui les amalgames, force est de constater qu'il est une partie de leur électorat qui se complait dans cet aspect radical.