AFP
A quelques mois de la prochaine élection présidentielle, les débats et les interventions télévisées se multiplient et il est souvent difficile de démêler le vrai du faux. Voici quelques points qui devraient vous aider à déceler les mensonges des politiques. 

© abacapress

Planet : Quels sont les gestes qui trahissent le mensonge ?

Stephen Bunard, coach pour dirigeants et synergologue : "Le mensonge est très difficile à déceler. La plupart du temps, on commence par repérer des signaux qui soulèvent des questions lesquelles peuvent ensuite donner lieu à une enquête et parfois à des révélations… Une chose est sûre : il faut se départir de l’idée selon laquelle certains signes physiologiques comme la transpiration et la voix qui tremble trahissent un mensonge. En fait, c’est tout le contraire : le menteur a une stratégie. Pour dissimuler son mensonge, il active des zones de son cerveau qui vont entrer en vigilance et reprendre le contrôle sur ses émotions.

A lire aussi- Manuel Valls : la vérité sur sa main qui tremble 

Evidemment, cela ne veut pas dire que tous les personnes à l’apparence calme sont des menteuses et inversement, que toutes celles qui rougissent sont innocentes. Certaines personnes peuvent simplement exprimer une forme de stress justement due au fait qu’on les soupçonne ou parce qu’elles ne s’attendaient pas à une telle question.

Il y a toutefois un point qui peut nous alerter sur un mensonge. On appelle cela la cognition incarnée. Quand quelqu’un de sincère évoque un évènement il va avoir une gestuelle qui revient sur ce qui s’est passé alors qu’un menteur aura une gestuelle qui racontera une histoire, en l’occurrence inventée. Prenez l’exemple de Nafissatou Diallo dans l’affaire du Sofitel de New York. Quand elle a raconté comment DSK l’avait agressée, elle a dit qu’il lui avait touché les seins. A la parole, elle a joint le geste et plaqué ses mains sur sa poitrine. Dans ce cas, un menteur aurait fait le geste de tendre les bras vers son interlocuteur et feint d’aller toucher sa poitrine. Mais encore une fois, on ne peut pas se baser uniquement sur ce point pour dire si oui ou non la femme de chambre mentait. C’est plus complexe que cela à déceler. Si son geste avait été différent cela aurait effectivement pu traduire un mensonge mais aussi le fait qu’elle cachait ‘simplement’ une partie de l’histoire.

Planet : Un menteur peut-il regarder droit dans les yeux ?

Stephen Bunard : Oui, bien évidemment. Nous avons l’exemple de Jérôme Cahuzac quand il niait avoir un compte en banque caché en Suisse. L’ancien ministre appartient à la catégorie de menteurs conquérants qui ont de l’aplomb. Il en existe deux autres : ceux qui entrent en vigilance et se contrôlent tellement qu’ils ne bougent plus ; et puis ceux qui sont dans la surabondance gestuelle. Pour reconnaître si quelqu’un ment, il faut tenir compte de son profil mais aussi oublier les critères émotionnels et physiologiques, et se fonder sur le cognitif, l’observation de signaux à même d’allumer un voyant rouge.

Planet : Avez-vous en tête des exemples avec nos politiques ?

Stephen Bunard : Lors d’un déplacement en Vendée, François Hollande s’est un jour retrouvé face à une chômeuse qui lui expliquait son quotidien difficile, et il a fortement hoché la tête. Ce ‘oui-oui’ exagéré voulait montrer que le président était très à l’écoute de ce qu’elle lui disait alors qu’en fait il s’agissait d’un ‘faux oui’ qui traduisait son manque d’intérêt. En plus de hocher la tête, le chef de l’Etat faisait partir sa tête en arrière. Ce qui, là encore, traduisait tout le contraire du message qu’il voulait faire passer : rejet de cette conversation et volonté de l’abréger.

En 2007, lors d’un débat face à Nicolas Sarkozy, la colère de Ségolène Royal sur les handicapés a suscité la polémique : le bas de son visage se crispait tandis que le haut demeurait, lui, lisse. Beaucoup ont cru que sa colère était feinte alors qu’elle était sincère. Mais pour des raisons physiologiques et cosmétologiques, elle ne pouvait pas bouger davantage cette partie de son visage.

Alain Juppé quant à lui se touche souvent le lobe de l’oreille quand on lui parle de l’affaire des emplois fictifs. Cela signifie qu’à ce moment-là, il entre en vigilance et est très attentif à ce qu’il va dire. Si j’étais son coach, je lui ferais remarquer qu’il n’a pas encore réglé la façon d’aborder publiquement ce sujet délicat. Le maire de Bordeaux a également tendance à effectuer un retrait labial, en d’autres termes à rentrer ses lèvres dans sa bouche. Cela traduit qu’il cherche à contrôler son discours.

Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, pour ne citer qu’eux, sont très friands des mouvements de sourcils. Tous les trois ont l’habitude de les lever pour attirer l’attention sur l’importance qu’ils souhaitent donner à leurs propos. Effectivement, les sourcils peuvent traduire ce message à condition qu’ils soient brièvement levés. Si le geste dure trop longtemps, alors il traduit trop fortement notre volonté de faire passer un message et on doit se demander pourquoi. Regardez mieux la prochaine fois !"

*Stephen Bunard est l’auteur de Leurs gestes disent tout haut ce qu’ils pensent tout bas (ed. First Document)