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Tous les deux très attachés à la Corrèze, Jacques Chirac et François Hollande ont beaucoup en commun. Dans son dernier livre, Denis Tilinac revient sur leurs similitudes mais aussi leurs divergences. Le tout ponctué d'anecdotes inédites. Entretien avec l'auteur.

Planet : Vous accordez beaucoup de place à la Corrèze dans votre livre. Est-ce le point départ de leur similitudes ?Denis Tilinac* : "Je les connais tous les deux depuis 30 et 40 ans. J’ai donc eu le temps de les appréhender. Et oui, effectivement, tous les deux ont commencé par labourer sur le même terrain. Jacques Chirac et François Hollande ont fait la même chose : ils ont chacun réussi une implantation au long cours en Corrèze avant d’atteindre leur objectif : l’Elysée. Ils ont le même enracinement, le même terroir. Depuis 2011, et l’annonce du soutien de Jacques Chirac à François Hollande, ils convergent également de plus en plus politiquement. Plus grand-chose ne les sépare aujourd’hui sur ce point. Jacques Chirac s’est même converti à la construction européenne alors qu’il y était opposé au début.

Planet : On entend souvent ces derniers temps que François Hollande ‘se chiraquise’. Qu’en pensez-vous ?Denis Tilinac : François Hollande a beaucoup appris de Jacques Chirac, c’est indéniable. Il l’a aussi beaucoup imité dans sa façon de relativiser les problèmes pour gagner la confiance des élus puis celle des électeurs. Comme lui, il a fait un gros travail de terrain et a joué la carte de la proximité avec un maximum de gens. Mais Jacques Chirac a un charisme exceptionnel et un caractère fort que François Hollande n’a pas.

Planet : Est-ce là leur principale différence ?Denis Tilinac : C’en est une. François Hollande n’a pas de charisme : on ne peut pas dire qu’il soit beau ou laid, il est juste ‘normal’. Quand Jacques Chirac prenait quelqu’un en aparté, il réussissait quasiment à chaque fois à l’embobiner ! C’est un grand séducteur, tant avec les hommes qu’avec les femmes. De son côté, François Hollande s’en tire avec sa bonhomie, son humour et son intelligence mais c’est loin d’avoir le même effet. La Fédération du Parti socialiste de Corrèze interdisait même à ses militants d’assister aux réunions publiques de Jacques Chirac, c’est dire !

Planet : Ont-ils tous les deux un rapport particulier aux femmes ?Denis Tilinac : On sait que Jacques Chirac est un séducteur né. En Corrèze il y a d’ailleurs plus de femmes qui l’apprécient lui, plutôt que François Hollande. ‘Mon mari est un grand séducteur’, a même écrit son épouse, Bernadette, dans son livre.

Quant à François Hollande, jusqu’à ce que ses frasques avec Valérie Trierweiler et sa prétendue nouvelle compagne soient étalées dans la presse en janvier dernier, je n’avais jamais remarqué qu’il avait un rapport particulier aux femmes. Aux yeux des Français, il n’apparaît pas comme un séducteur mais comme le président qui a fait entrer sa vie privée dans la sphère publique. Souvenez-vous de l’épisode du tweet de soutien de Valérie Trierweiler à Olivier Falorni en 2012 : ce n’était ni plus ni moins qu’une affaire privée venue s’immiscer dans la sphère politique. François Hollande l’a d’ailleurs payé très cher en termes d’image. Planet : François Hollande est beaucoup moins populaire que ne l’était Jacques Chirac…Denis Tilinac : Oui mais il ne faut pas oublier qu’à certains moments de ses deux mandats, Jacques Chirac a lui aussi souffert de baisses de popularité. Il faut également prendre en compte que François Hollande est arrivé à l’Elysée sans expérience du pouvoir. La preuve : il est toujours entouré de ses anciens camarades de l’ENA comme Jean-Pierre Jouyet et Stéphane Le Foll. A l’inverse, Jacques Chirac avait déjà été ministre, Premier ministre et maire de Paris quand il a accédé à l’Elysée. Je me souviens d’ailleurs de la première fois que je l’ai vu assis derrière son bureau de président de la République, quelques jours après sa première victoire. Il avait une gueule de chef d’Etat. François Hollande, lui, n’a pas encore trouvé son costume et se cherche encore dans ce rôle. Si bien qu’on finit pas avoir l’impression qu’il n’est pas à sa place".

*Denis Tilinac est l’auteur de Chirac, Hollande, une histoire corrézienne (ed. Du Moment)