Témoignage : "Je suis l'un des derniers gardiens de phare de France"Copyright Stéphane Caillon.abacapress
Le phare de Cordouan est le dernier phare habité de France. Stéphane Caillon est un de ses gardiens depuis six ans. Il raconte son quotidien entre la terre et la mer.
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La mer comme collègue de travail. C’est un métier oublié, qui n’existe presque plus, sauf au phare de Cordouan (Gironde). Ils sont quatre à se relayer pour assurer leur présence en mer 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Stéphane Caillon est un des gardiens du phare depuis 2013, un métier qui rythme sa vie et celle de ses proches. Il raconte à Planet ce quotidien hors du commun, cette vie entre la terre et l’océan. Les périodes de garde durent une semaine ou quinze jours, selon un planning défini à l’avance, à respecter absolument. "On est toujours à deux sur le phare, explique Stéphane Caillon. A partir du moment où on sait qu’on va monter une garde, que ça soit une semaine ou quinze jours, on est déjà dans la relève, qui se passe le vendredi. Le mercredi ou le jeudi, on téléphone au phare pour savoir ce qui manque au niveau du ravitaillement : ça implique tout ce qu’on n’a pas en mer, tout ce qu’on veut manger pendant la semaine, avec notre collègue. Donc on a déjà la tête au phare à partir du mercredi". "Comme ça, on pourrait croire que le rythme est assez léger mais il nous prend quand même beaucoup de nos pensées à terre", conclut Stéphane.

Gardien de phare : "Je ne pense pas qu’on décide, un jour, de le devenir"

Pour lui, il y a eu une vie avant de devenir gardien de phare. Il est arrivé au Cordouan "par relation" : "Je connaissais un ancien gardien, qui m’a conseillé de postuler car ils cherchaient du monde pour faire les remplacements et cette personne voulait arrêter pour créer une vie de famille". Dans ces cas-là, nous explique Stéphane Caillon, celui qui sait qu’il va arrêter va en parler à une ou deux connaissances, "en prenant en compte le tempérament de telle ou telle personne". "Je ne pense pas qu’on décide un jour d’être gardien de phare, c’est une opportunité qu’on saisit sur un chemin de vie, ça a été mon cas, précise le quinquagénaire. Moi je l’ai saisie, je suis très heureux. On est les derniers au monde, il n’y a plus aucun gardien sur aucun phare en mer."

Le quinquagénaire en est persuadé, c’est un métier qui demande d’avoir "un tempérament assez particulier" : "Il faut aimer la solitude, il faut aimer le calme, évidemment aimer la mer mais il faut également avoir des connaissances techniques et être polyvalent". Le plus important selon lui est d’être "bien dans sa tête, stable et équilibré. Par exemple, les problèmes de cœur peuvent prendre des proportions énormes". Autre facteur à prendre en compte, pour Stéphane Caillon : le temps qui passe car, "quand on voit le soleil se lever le matin, se coucher le soir et qu’on n’a pas fait grand-chose, on a le temps de penser à plein de choses". Pas fait grand-chose ? On a du mal à y croire quand il faut prendre soin d’un tel monument. D’ailleurs, les missions de Stéphane et de ses collègues sont multiples.

Gardien de phare : "On a le téléphone, on a Internet, on a une télévision"

A-t-on réellement l’impression de travailler lorsqu’on vit sur un phare en face de l’océan ? Les missions sont multiples et dépendent des saisons. "Notre mission première c’est la surveillance, la sécurité autour du phare, explique Stéphane Caillon. On a l’entretien régulier du phare aussi, puisqu’il est en pierre et en cuivre. Il y a également l’entretien des groupes électrogènes, tout un système qui est mécanique et électrique et qui fait qu’on doit veiller que tout fonctionne bien". Pendant sept mois, le phare de Cordouan est ouvert au public et ses gardiens sont en charge des visites, qui s’enchaînent l’été : "C’est important de garder au maximum le personnel en place, pour ne pas perdre ce côté expérience acquis depuis des années". L’hiver, c’est un autre décor qui s’offre aux quatre gardiens, qui accueillent les ouvriers présents pour la rénovation. "On est là pour la cohésion d’équipe, pour gérer les états d’âme et les humeurs des ouvriers, qui montent tous les hivers", nous précise Stéphane.

Un temps qui peut parfois être long. "Quand on est sur le phare, on a le visuel sur la terre, on voit très bien la côte. On a le téléphone, on a Internet, on a une télévision, on est alimenté en électricité", explique le gardien de phare. En somme, le même équipement qu’à terre, sauf que le phare est en autonomie, avec l’eau salée pour les toilettes et l’eau de pluie pour l’eau douce. "Pour l’électricité, c’est un groupe électrogène ou une batterie", précise le quinquagénaire. Une vie presque normale, à un détail près : l’éloignement avec ses proches.

Gardien de phare : "C'est difficile"

Le rythme de travail de Stéphane Caillon a un impact sur sa vie et sur celle de ses proches. "Quand on sait qu’on va aller sur le phare il y a un impact physique et moral et puis, évidemment, il y a un impact sur la vie de famille, puisque les épouses restent à terre, précise le quinquagénaire. J’ai une compagne, on a des enfants et, quand je pars une semaine, ça impacte la vie de famille, encore plus quand je pars 15 jours. L’isolement fait qu’il y a un impact sur ma propre vie mais aussi sur celle de mes proches, sur celle de ceux qui restent à terre. Quand ma compagne m’a rencontré j’étais déjà en place, je lui avais expliqué comment ça fonctionnait, mais le fait d’en avoir parlé ne change rien au fait que ça soit difficile."

Comme de nombreux métiers, celui de Stéphane Caillon a ceci de particulier qu’il est la colonne vertébrale de son quotidien et que le reste s’organise autour de lui. Peut-on être gardien de phare éternellement ? "Je me vois continuer encore, je ne sais pas combien de temps, nous explique-t-il. Pour le moment, tout se passe bien et le travail est appréciable, les relations que j’ai sont appréciables, on n’est pas soumis à la pression patronale, on a une bonne ambiance". A 54 ans, il se voit exercer ce métier encore deux, trois ou quatre ans : "Quand je sentirai qu’il y a quelque chose de pesant, je partirai, je passerai la main. J’essaierai alors de faire un recrutement judicieux pour me remplacer". Mais ce jour n’est pas encore venu.

Le métier de Stéphane Caillon est loin, très loin du "métro boulot dodo" et peut en laisser rêveur plus d’un. Pour ceux en mal de grand air, les gardiens du phare de Cordouan partagent un bout de leur quotidien sur Facebook. A découvrir sur les réseaux sociaux… Avant d’aller leur rendre visite cet été ?