Affaire Epstein : ces affaires de moeurs qui ont fait trembler le monde politiqueIllustrationAFP
L'affaire Jeffrey Epstein provoque l'indignation à travers le monde. Planet revient sur ces scandales et affaires de moeurs ayant impliqué des hommes politiques.
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Affaire Epstein : une affaire d'Etat ?

Depuis son éclatement en juillet 2019, l'affaire Jeffrey Epstein n'en finit pas de faire parler d'elle aux Etats-Unis. Ce milliardaire, ayant fait fortune dans la finance, est accusé de viols et d'agressions sexuelles sur de nombreuses filles mineures. Scandale sexuel sordide, l'affaire Epstein atteint des proportions considérables lorsque le financier se trouve soupçonné d'être à la tête d'un réseau pédophile depuis plusieurs années.

Or, ce réseau aurait impliqué des personnalités politiques de premier plan. Des témoignages de victimes et de l'ancien majordome de Jeffrey Epstein désignent par exemple Bill Clinton, ancien président des Etats-Unis. The Guardian cite également le prince Andrew, fils de la reine d'Elisabeth II, Ehud Barak, ancien premier ministre israélien ou encore Donald Trump, actuel président des Etats-Unis. Au moins trois Français figureraient dans le "carnet noir", le calepin de Jeffrey Epstein contenant les noms de ses compagnons de vice et dérobé par son ancien majordome, affirme Le Point.

Ci-dessus, le prince Andrew en plaisante compagnie. Cette jeune femme, Virginia Roberts, accuse Jeffrey Epstein et le prince de l'avoir violée. La femme plus âgée, située à droite sur la photo, se nomme Ghislaine Maxwell. Dans un portrait consacré à Jeffrey Epstein en 2003, Vanity fair observait que celle-ci paraissait "organiser une grande partie de sa vie". Des employés de maison interrogés par le Wall Street Journal la décrivent comme "l'assistante agressive" du milliardaire, chargée depuis 1992 de l'embauche, du licenciement, de la supervision et de la surveillance du "personnel".

Affaire Epstein : une mort suspecte qui pose question

Une affaire d'Etat ? Le scandale Epstein suscite une vague d'indignation aux Etats-Unis, à mesure que les témoignages se multiplient. D'autant plus que Epstein avait déjà été jugé en 2008 pour "sollicitation de prostitution sur mineure" et condamné à une peine de 18 mois d'emprisonnement dans un établissement qui l'autorisait à travailler à son bureau six jours sur sept, et à ne se rendre en prison que la nuit. Un "traitement de faveur", indique le journal canadien La Presse, prononcé par un procureur devenu depuis secrétaire au Travail.

L'indignation du public américain a atteint un cran supplémentaire ce samedi 10 août 2019, suite à l'annonce du décès de Jeffrey Epstein dans sa cellule. Ce "suicide apparent", selon l'expression du ministre de la Justice US, prive les victimes d'une confrontation avec leur bourreau, qui encourait la prison à perpétuité. Ses éventuels complices n'auront également pas à être inquiétés.

Le ministère américain de la Justice et le FBI ont annoncé l'ouverture de deux enquêtes distinctes sur les causes de la mort de Jeffrey Epstein. Le New York Times a révélé de nombreuses failles dans la surveillance de sa cellule. Habituellement protégé par deux gardes, Jeffrey Epstein avait mystérieusement été laissé seul le soir de son décès.

Alors que les tenants et les aboutissants de cette tentaculaire affaire se précisent, Planet revient sur les scandales sexuels qui, comme l'affaire Epstein, ont parfois fait trembler jusqu'au coeur même du pouvoir politique.

Les graves affaires de moeurs politiques : les Ballets roses (1959)

L'affaire Epstein fait beaucoup réagir aux Etats-Unis et y suscite de nombreuses théories du complot. Pourtant, la France a connu une affaire similaire en 1959 : le scandale des "Ballets roses", que le journal Le Monde évoquait déjà dans son édition papier du 10 janvier 1959. Tout commence par la mise en examen d'un policier pour détournements de mineures. Celui-ci avoue en effet organiser des parties fines pour des personnalités parisiennes et désigne un pavillon de chasse, dans une forêt, en région parisienne.

Or, ce pavillon de chasse appartient au président de l'Assemblée nationale de l'époque. Député SFIO, avocat de Léon Blum sous l'Occupation, résistant, proche de De Gaulle, ministre après la Libération, celui-ci apparaît comme inattaquable. Mais dans leur ouvrage Sexus Politicus (2006), les journalistes Christophe Deloire et Christophe Dubois révèlent que l'intéressé participaient à des "bacchanales" avec des "adolescentes âgées de quatorze à vingt ans".

"Au programme des réjouissances collectives, façon soupers libertins de la Régence : séances de strip-tease, poses dénudées, plaisirs des sens agrémentés de coups de martinet", écrivent les journalistes.

L'expression "Ballets roses" apparaît sous la plume d'un journaliste de l'époque. Selon Christophe Deloire et Christophe Dubois, certaines de ces orgies sado-masochistes auraient eu lieu dans l'enceinte même du palais Bourbon. La police remonte vite la piste du réseau et inculpe une dizaine d'hommes âgés et fortunés, des directeurs de magasins des beaux quartiers ou de restaurants chics, un coiffeur de l'avenue Matignon ou encore deux policiers. Des membres du "tout pourri" pour reprendre l'expression du Canard enchaîné, dans son édition du 4 février 1959.

Sur les 23 prévenus, 22 seront condamnés. Le policier à la tête du réseau écope de cinq ans de prison ferme, réduits à quatre ans en appel. Les membres du "tout pourri" s'en sortiront avec des peines de prison avec sursis et des amendes. Le président de l'Assemblée nationale sera condamné à un an de prison avec sursis et 3 000 francs d'amende, le juge ne voulant pas "accabler un vieil homme". L'expression "Ballets roses" est aujourd'hui rentrée dans le langage courant pour désigner des parties fines à caractère pédophile.

Les graves affaires de moeurs politiques : le scandale Franklin (1988)

Lawrence E. King est un homme politique américain, contributeur généreux du Parti républicain et étoile montante de la droite états-unienne. Ancien vice-directeur du National Black Republican Council, un cercle de réflexion et d'influence afro-américain interne au Parti républicain, il est également membre de la Franklin Community Federal Credit Union, une institution financière du Nebraska.

Inculpé pour détournements de fonds, il se retrouve au coeur d'un scandale sexuel lorsque le New York Times du 18 décembre 1998 relaie des allégations graves, jugées crédibles par le sénateur à l'origine de l'affaire. Il parle de "garçons et filles, certains provenant d'orphelinats, qui auraient été transportés dans le pays par avion pour prodiguer des actes sexuels pour lesquels ils ont été rémunérés". Force est de constater plusieurs similitudes avec l'affaire Epstein.

Le Washington Times, dans son édition du 29 juin 1989, accuse en une des personnalités des administrations Reagan et Bush père de faire partie de ce réseau. La une parle néanmoins de "prostitution homosexuelle" et ne fait nullement référence à la minorité des victimes et au caractère pédo-criminel du scandale.

L'organe législatif du Nebraska convoque un comité d'enquête et un grand jury pour examiner l'affaire. Après des heures d'auditions de témoins, ce jury conclut à un "canular particulièrement subtil et soigneusement préparé" ainsi qu'à l'absence de "preuve de viol d'enfant, de leur transport par l'autoroute, de trafic de drogue ou d'implication dans un réseau pornographique". Le président du comité d'enquête, Loran Schmit, qualifia ce rapport d'"étrange document".

En juin 1991, Lawrence King sera néanmoins reconnu coupable de conspiration, de détournements de fonds et de falsification de comptes, et condamné à 15 ans de prison pour les malversations commises dans le cadre du Franklin Community Federal Credit Union. Il fut libéré après dix ans.

En 1993, Yorkshire Television, une chaîne d'information britannique, envoya une équipe dans le Nebraska pour mener sa propre enquête. Elle avait un contrat avec la chaîne américaine Discovery Channel pour produire un documentaire sur l'affaire, destiné à la télévision américaine. Intitulé Conspiracy of Silence ("La Conspiration du silence"), il devait être diffusé dans tout le pays, mais aurait été annulé avant d'avoir pu être télédiffusé. Ce documentaire peut en revanche être visionné sur internet.

En 1999, Lawrence King sera condamné par un tribunal du Nebraska à verser un million de dollars de dommages et intérêts à un homme qui l'accusait de kidnapping, de domination mentale et de viol dans le cadre d'un rituel sataniste, ainsi que de tortures physiques et psychologiques. Lawrence King fit appel de cette décision, avant de se raviser et d'abandonner l'appel, comme l'indiquait le 18 juin 1991 le journal américain Omaha World Herald  dans son édition papier.

Les graves affaires de moeurs politiques : Monica Lewinsky (1997)

Le nom de l'ancien président américian Bill Clinton apparaît dans le carnet d'adresse de Jeffrey Epstein, révèle The Guardian. Mais ce n'est pas la première fois que l'homme politique démocrate se trouve empêtré dans une affaire de moeurs, comme le souligne 20 Minutes. En 1995, l'administration américaine est paralysée par un shutdown qui s'éternise. Devant la pénurie de personnel fédéral (les fonctionnaires n'étant plus payés), la Maison Blanche doit recourir à des stagiaires pour assurer son bon fonctionnement. Parmi ces stagiaires, on compte une certaine Monica Lewinsky.

Agée de 22 ans au moment des faits, elle aura une dizaine de rapports intimes avec le président des Etats-Unis, entre novembre 1995 et mars 1997. Le procureur Kenneth Starr fournit à la presse les détails les plus grivois. Au programme, fellation dans le bureau ovale et étui à cigare introduit dans le vagin.

Ce scandale faillit coûter son poste de président à Bill Clinton. Auditionné par le Sénat, il mentit sous serment et nia toute relation sexuelle avec la jeune femme. Il dût donc faire face à des accusations de parjure et d'obstruction à l'instruction, crimes fédéraux, et à une procédure de destitution appelée impeachment. Cette procédure n'aboutit pas et Bill Clinton put rester au pouvoir. "Je suis désolé", s'excusera-t-il plus tard devant une assemblée de leaders religieux.

Les graves affaires de moeurs politiques : le Pizzagate (2016)

Lors de l'élection présidentielle américaine de 2016, c'est Hillary Clinton, alors candidate démocrate, qui se retrouve au cœur d'un scandale sexuel particulièrement sordide et hors du commun. Les emails de son directeur de campagne John Podesta, révélés par Wikileaks, montrent une utilisation quelque peu abusive de termes étranges comme "pizza", "pâtes", "fromage" ou "ping-pong".

Des internautes pensent alors déceler un code désignant des actes pédophiles. Selon eux, Hillary Clinton et John Podesta sont à la tête d'un réseau pédo-criminel sataniste basé dans une pizzeria de Washington. L'affaire est prise très au sérieux par une grande partie du public américain, notamment des partisans de Donald Trump, et alimente la colère populaire contre l'establishment, qualifié de "marécage" par le candidat républicain.

Un militant pro-Trump, désireux d'en savoir plus, va jusqu'à se rendre dans la pizzeria en question muni d'un fusil d'assaut afin, pense-t-il, de libérer des enfants réduits en esclavage sexuel. Cependant, il ne trouve rien et reconnaît son erreur. Mais les partisans de la théorie n'en démordent pas : l'homme est un acteur, disent-ils, ou alors tout a été évacué avant son arrivée. Encore aujourd'hui, la théorie du Pizzagate n'en finit pas de faire parler et suscite toujours de nombreuses questions chez les internautes.