Fraude fiscale : ces tricheurs qui pourraient rapporter gros mais que l’Etat ne taxe pas (ou si peu)IllustrationIstock
Pour échapper à l'impôt, certains n'hésitent pas à exploiter des pratiques fiscales douteuses, mais légales. Si pour y remédier, l'OCDE envisagent plusieurs scénarios révolutionnaires de réforme, ils n'engendreront, selon une étude du Conseil d'analyse économique, pas les effets escomptés.
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Un système dépassé, qui doit être rapidement revu. La numérisation de l’économie et l’imposition internationale des sociétés, datant du début du XXe siècle, permettent en effet aux multinationales d'exploiter leurs failles à des fins d’optimisation fiscale.

Des stratégies extrêmement efficaces d’évitement de l’impôt sont ainsi mis en place en toute légalité.5 milliards d’euros par an échapperaient d’ailleurs au fisc. Pour lutter contre leur évasion fiscale, les négociations sont donc en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  La remise à plat de la fiscalité des règles du système de taxation internationale est devenue une priorité.

Cela constitue même une urgence pour les États, qui ont fini par perdre le contrôle. Si plusieurs scénarios de réformes sont proposés, les paramètres choisis ne sont pas équitables et ne rapporteront pas les gains espérés. C’est ce que pointe dans son rapport le Conseil d’analyse économique (CAE)

Fraude fiscale : des règles simples pour empêcher les transferts de bénéfices ?

Principaux objectifs de l’OCDE ? "Éviter la double imposition et la non-imposition et proposer des règles simples pour empêcher les transferts de bénéfices", précise le CAE. Pour cela, les règles doivent donc être harmonisées. Il est également nécessaire de "pouvoir disposer d’une analyse économique quantitative sur les conséquences des différents scénarios envisagés".

Or, l’étude, nommée "Fiscalité internationale des entreprises : quelles réformes pour quels effets" met ainsi en évidence la difficulté majeure des projets de réformes de l’OCDE : ceux-ci "sont menés en l’absence d’une analyse économique quantitative des conséquences des scénarios à la fois sur les recettes fiscales et sur l’attractivité des pays".

Les auteurs du CAE, qui ont présenté leur nouvelle note au Ministre de l'Économie et Finances le 14 octobre dernier, ainsi qu’aux cabinets du Président de la République et du Premier ministre le 24 octobre 2019, préconisent ainsi des simulations originales.

Fraude fiscale : des impacts difficiles à évaluer

Les 130 pays participant au travail de l’OCDE sur la taxation des entreprises du numérique ont publié en octobre un document qui s’appuie sur des principes forts.

Le premier vise à taxer les entreprises dont tout ou partie du chiffre d’affaires est généré sur Internet. Cela ne se fera plus seulement en fonction du lieu d’implantation du siège social ou de l’endroit où les droits de propriété intellectuelle sont déposés. La localisation des clients sera également prise en compte, rapporte Le Monde.

Quant au second, il consiste à créer un taux minimum d’imposition à l’échelle mondiale pour vider de sa substance le concept de paradis fiscal.

Un État pourra ainsi taxer une multinationale même si celle-ci n’est pas présente sur son territoire : Une société réalisant une partie de son activité en France, devra donc être taxée en France.

En attendant les propres estimations de l’OCDE, dont il n’est pas certain qu’elles fournissent les mêmes résultats, le CAE évoque, à travers les mécanismes en jeu, leur possible efficacité.

Fraude fiscale : des dispositions pérennes et efficaces ?

Si l’initiative de l’OCDE représente un énorme progrès par rapport au système actuel injuste et désuet, seules des dispositions adoptées dans un cadre mondial seraient pérennes et efficaces.

"Pour mesurer l’impact d’une réforme de la taxation internationale, il faut procéder à une analyse contrefactuelle qui tienne compte du niveau d’imposition des sociétés et de l’ensemble des facteurs influençant la localisation des ventes, des productions et des bénéfices des multinationales", note le Conseil d’analyse économique dans son étude.

Ainsi, si les règles anti-abus étaient appliquées de manière stricte à l’échelle mondiale, cela se traduirait par un coût prohibitif pour les entreprises d’enregistrer des profits dans les paradis fiscaux. "Le renforcement de la mise en œuvre des lois anti-abus augmente les recettes d’IS en France et en Allemagne (+21% et +11%, respectivement) avec impact négatif assez faible sur leur attractivité relative (– 1,9 % et – 0,6 %, respectivement)", note les auteurs dans le rapport.

Pour les deux scénarios d’affectation partielle des profits aux marchés de destination, l ’effet sur les recettes fiscales semble "légèrement positif avec l’affectation du profit résiduel en France (+ 0,1%) et légèrement négatif en Allemagne (– 0,1%)."