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Mercredi soir, la chaîne France 3 diffusait un documentaire consacré à la mystérieuse affaire du "pain maudit", survenue en 1951 dans la commune de Pont-Saint-Esprit (Gard). Soixante-ans plus tard, ce fait divers continue de faire couler de l'encre.

Il s’agit sans doute d’un des faits divers les plus étudiés au monde. Mercredi, la chaîne France 3 proposait à ses téléspectateurs un documentaire dédié à l’affaire non élucidée du "pain maudit", survenue le 17 août 1951 dans le village de Pont-Saint-Esprit. Une date tristement célèbre pour ce village du Gard septentrional. Il fut sous le coup d’une étrange intoxication collective à la farine de blé au cours de laquelle 300 personnes furent en proie à des crises de folie et à de violentes hallucinations. Si soixante-ans après l’origine du drame reste un mystère, l’affaire continue de passionner les historiens, avides de lever le voile sur l’un des secrets les plus célèbres de l’histoire.

L’hypothèse de l’ergot de seigle

Après plusieurs décennies, personne ne sait réellement ce que contenaient les pains de Roch Briand, le boulanger du village. Pourtant, bon nombre d’hypothèses ont été formulées. De nombreux scientifiques de l’époque ont dans un premier temps privilégié la piste de l’ergot de seigle qui entraîne les mêmes types de symptômes que ceux ressentis par les habitants de Pont-Saint-Esprit, tels que des vomissements ou encore des pertes de connaissance. Mais cette explication ne semble pas avoir fait l’unanimité.

"Mes parents n’ont jamais été convaincus par l’explication de l’ergot de seigle. Il y a eu tout de même cinq décès et la contamination a été causée par une seule fournée. C’est très violent, je ne suis pas sûre que l’ergot de seigle entraîne de telles catastrophes", confie une dénommée Michelle Armenier, d’après Midi Libre. Puis, quelques années plus tard d’autres théories ont vu le jour, divisant une nouvelle fois les points de vue.

L’hypothèse des substances chimiques

Panogène, micotoxines, agène… Ces noms scientifiques ne vous disent sans doute rien, et pourtant ils ont longtemps fait l’objet de pistes sérieuses. Utilisé pour la conservation des grains ayant servi à la fabrication de la farine, le panogène a longtemps été suspecté d’être à l’origine de l’intoxication. Faute de preuves plausibles, cette hypothèse a finalement été écartée en 1965.

Mais en 1982, le professeur C. Moreau a suggéré une autre hypothèse : celle des "micotoxines", des substances produites par des moisissures susceptibles de se développer dans les silos à grain. Là encore, la théorie n'a convaincu qu’une minorité de scientifiques.

Puis l’universitaire Steven L. Kaplan a fini par retenir celle d’un troisième composé chimique pathogène, l’agène, utilisé comme un blanchiment artificiel. Aux yeux du chercheur, il ne fait aucun doute que cette substance a été introduite dans la farine des pains de Roch Briand. Si d’un point de vue scientifique les résultats obtenus semblent coïncider avec ceux effectués en 1951, la publication en 2009 d’un scénario bien plus séduisant a de nouveau semé le trouble dans l’esprit des historiens.

L’hypothèse d’un complot mené par la CIA

Les révélations du journaliste Hank Albarelli ont en effet donné un second souffle à l’enquête. En 2010, tandis qu’il enquêtait sur la mort suspecte de Franck Olson, un biochimiste de la CIA spécialisé dans les armes chimiques, le journaliste a, semble-t-il, découvert un lien qui unissait les deux affaires, souligne Le Figaro.

Et pour cause : Franck Olson, qui multipliait les expériences à base de drogues dures comme le LSD, était réputé pour être particulièrement déprimé, car certain d’avoir commis une terrible erreur. Une information capitale qui n’a pas échappé à Hank Albarelli, convaincu de l’implication de la CIA dans l’assassinat du scientifique et, par conséquent, dans l’affaire dite du "pain maudit".

D’autant que cette thèse semble coïncider avec le contexte de l’époque. Des documents confidentiels ont indiqué que la politique américaine, alors en pleine Guerre froide, avait autorisé la CIA à exercer des expérimentations sur la manipulation mentale auprès de certains concitoyens en leur injectant de la drogue.

Mais pour Steven Kaplan, cette théorie reste infondée. "Tout ce que je vois dans ces documents, c'est que la CIA s'intéresse à ce qui se déroule à Pont-Saint-Esprit. Mais dans le contexte de la guerre froide, où chaque camp mène des expériences, c'est logique. Et puis, politiquement, je n'imagine pas les Etats-Unis prendre le risque de faire ça en France, d'autant que la CIA a prouvé qu'elle pouvait faire ce genre de tests sur son territoire", a-t-il déclaré. Autrement dit, le mystère qui entoure le village de Pont-Saint-Esprit n'est pas près d'être élucidé...

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