Fogo, IllustrationIstock
Fogo, aussi connue sous le nom d'île-volcan du Cap-Vert est l'une des perles de ce somptueux archipel. Destination idéale pour des vacances riches, mémorables, chaleureuses, magiques mais aussi éphémères... En effet : l'île pourrait changer de visage drastiquement à l'avenir.
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Fogo : quand la terre dirige les choix des hommes

Bienvenue à Fogo, l'île de feu, en français. Fogo, c'est tout à la fois : un endroit hors du temps, loin des codes urbains occidentaux, incroyablement beau, parfois inquiétant et finalement apaisant.

L'île fait partie de l'archipel du Cap-Vert qui en compte dix en tout. Cette ancienne colonie portugaise, devenue nation arc-en-ciel avec le temps, s'affirme comme une destination à la mode pour tous les amoureux de nature, à la recherche de dépaysement, de randonnées impressionnantes et de chaleur humaine.

Fogo est singulière, en forme de cône et pour cause : un volcan immense se trouve en son sein. Cet immense pic, les habitants l'appellent "grand-père". Il donne la vie comme il la retire, offre l'abondance des cultures et peut tout retirer d'une coulée de lave. Les quelques dizaines d'âmes qui osent affronter ce mastodonte en sommeil actuellement sont des humains incroyables, amoureux de leur terre, méfiants du "grand-père" et toujours solidaires.

Fogo : l'éternel retour dans la caldeira

Se rendre à Fogo est une aventure en soi. De Paris, il faut prendre un avion pour Lisbonne. Puis un second qui se rend à Praia, la capitale du Cap-Vert qui se trouve sur l'île de Santiago. Enfin, de là il faudra prendre un dernier avion qui vous mènera à l'aéroport de Saô Felipe, la ville principale de l'île de Fogo.

Dans l'avion, on aperçoit le sommet du volcan principal de l'île qui sort de la brume. L'atterrissage est vertigineux sur l'unique piste existante. Avant de se rendre dans la caldeira, on vous recommande de passer une nuit à Saô Felipe. Cette petite ville de 22 000 habitants regroupe la majorité de la population de l'île. Les ruelles en pavés, les maisons aux mille couleurs et le marché aux poissons sont les principaux attraits de Saô Felipe. C'est aussi sa plage de sable noire, souvenir des éruptions passées.

Après avoir passé une nuit ici, il faudra se lever tôt pour emprunter un aluguer. Ces petits bus collectifs se rendent à l'intérieur du cratère, mais pour cela il faut attendre que le véhicule soit plein de voyageurs. L'expérience est déroutante. Il peut parfois faire le tour de la ville plusieurs fois pendant des heures pour trouver un dernier voyageur. C'est ainsi qu'il pourra vous arriver de trouver sur vos genoux un enfant qui n'est pas à vous. C'est très chaleureux, comme le temps. Il fait en effet très chaud et encore plus à l'approche du volcan.

Après avoir effectué une dernière montée à 20 km/h, vous découvrirez le cratère. Des champs de laves immenses s'étalent devant nous, à perte de vue. On se demande bien ce qu'il y a d'autre que cette roche magmatique noire, symbole des nombreuses irruptions qui ont eu lieu ces dernières années.

Aussi incroyable que cela puisse paraître des gens vivent ici. En 2014, après la dernière éruption qui a détruit tout sur son passage, ils sont partis. Mais depuis deux ans, ils reviennent, comme ils l'ont toujours fait, pour reconstruire sur les restes de leurs habitations. C'est touchant de courage de voir ces gens piocher dans la lave pour retrouver le toit de leur ancienne maison, et reconstruire dessus. La vie a repris et plus d'une centaine d'âmes vivent là.

Fogo – les Montrond : une famille pas comme les autres

Parmi les résistants de la caldeira, il y a les Montrond. Ces habitants sont tous les descendants d'un Français : Armand de Montrond, qui a émigré ou s'est exilé de France au XIX ème siècle sur l'île de Fogo.

Cet aristocrate est reconnu par les habitants de l'île comme un bienfaiteur car il a apporté dans ses valises des plants d'arbres fruitiers et vignes qui font encore vivre la caldeira aujourd'hui. Plus encore, il s'est comporté en véritable séducteur de ces dames et on dit qu'il aurait eu avec plusieurs d'entre elles plus d'une cinquantaine d'enfants.

Aujourd'hui, on reconnaît les Montrond par leur physionomie puisque sur une île où les habitants ont plutôt la peau, les cheveux et les yeux noirs, eux ont les cheveux allant du blond au cuivré, les yeux verts ou bleus et la peau métissée avec des cheveux bouclés. Les voir dans ce décor et connaître leur histoire généalogique rend la rencontre magique, d'autant plus qu'ils sont fiers de ce particularisme et que la population dans son intégralité reconnaît leur ancêtre comme une figure légendaire appartenant à l'histoire du pays.

Dans tout l'archipel s'est en effet colportée et amplifiée la légende d'un rebelle à l'ordre colonial établi devenu gentleman-farmer, ingénieur, magicien, bâtisseur, philanthrope, médecin guérisseur des pauvres et coureur de jupon.

Fogo : c’est là que l’on fait l’un des meilleurs cafés au monde

Fogo est spéciale. Pourquoi donc habiter la caldeira d'un volcan dévasté par les multiples éruptions ? La réponse est visible dès les premiers mètres parcourus à l'intérieur de la lave. La verdure apparaît ici et là, puis elle envahit certaines parcelles de terrains que la lave n'a pas recouvertes. Sur ces bouts de terres noires, tout pousse. C'est la particularité de cet endroit. Le volcan apporte à la terre les éléments nutritifs et le contexte idéal pour faire pousser des cognassiers, des pommiers, des caféiers, des vignes.

Si la récolte paraît totalement anarchique tant les pieds de ces arbres et vignes sont dispersés, elle est en fait parfaitement organisée puisque chaque habitant détient un nombre précis de plants. Les habitants de Fogo récoltent toute l'année et replantent tout en sachant qu'un jour le "grand-père" viendra tout leur reprendre. C'est peut-être cette notion de l'éphémère récolte qui font d'eux d'infatigables travailleurs, malgré la chaleur accablante qui règne entre les parois de la caldeira.

Ainsi, nous avons pu goûter les confitures, les compotes, les purées faites avec les produits récoltés, d'un goût remarquable au même titre que le vin. Oui, le Cap Vert est une terre viticole. On y fait du blanc, du rouge et même du rosé depuis peu. Une coopérative permet de rassembler le raisin de tous les vignerons pour en faire des bouteilles à l'étiquette unique. Pour en avoir goûté quelques moutures, ce vin est d'une grande qualité, même s'il mérite encore d'être travaillé dans le processus de vinification. Mention spéciale au blanc de Fogo, fruité, rafraîchissant, délicieux. Il est vendu sur toutes les îles de l'archipel mais les faibles rendements ne permettent pas encore des ventes à l'export.

Le café, lui, est vendu partout dans le monde. Il a été reconnu par des spécialistes comme figurant parmi l'un des dix meilleurs cafés au monde. L'idéal est de réaliser une ascension du Pico Grande, le plus grand cratère. Cela vous permettra de voir toute cette végétation à hauteur d'homme puis en étant au sommet. En redescendant, vous pourrez apprécier une bonne tasse de ce café et de ce vin au terroir unique au monde. C'est la bonne période de s'y rendre, avant que le "grand-père" gronde.