Bazar de la charité : qui sont ces personnes qui perpétuent la mémoire des victimes ?Copyright Wikimedia Commonsabacapress
Plus de 120 personnes sont mortes dans l'incendie du Bazar de la charité en 1897. Des descendants de victimes perpétuent la mémoire de leurs ancêtres, afin que ce drame ne soit pas oublié.
Sommaire

Le drame a frappé les esprits de la fin du XIXe siècle. Dans l’après-midi du 4 mai 1897, le Bazar de la charité s’embrase, provoquant la mort de plus de 120 personnes, majoritairement des femmes. Parmi elles, des membres de la haute-société parisienne mais aussi des femmes plus modestes et des religieuses, qui avaient pour point commun de faire le bien en s’impliquant au sein d’œuvres de charité ou en les finançant. Plus de 120 ans après, ce drame est adapté sur les écrans de télévision par TF1 dans une série en huit épisodes, diffusée depuis le 18 novembre dernier. Avec une moyenne de près de 7 millions de téléspectateurs le premier soir, la première chaîne a remporté son pari et braqué les projecteurs sur cet événement de la fin du XIXe siècle, quelque peu oublié par l’opinion publique.

Des familles de victimes qui n'ont pas oublié

Pourtant, de nombreux descendants de victimes continuent de faire vivre la mémoire de ceux qui ont péri dans l’incendie. Nelly du Cray, arrière-arrière-petite-fille d’une comtesse décédée dans la catastrophe, est présidente de l’association Mémorial du Bazar de la charité. Cette dernière a pour objectif de perpétuer la mémoire des victimes et elle "s’efforce de veiller sur le bâtiment qui appartient à l’association", dans le 8e arrondissement de Paris. Selon sa présidente, les 125 victimes de l’incendie ont désormais près de 30 000 descendants et "l’essentiel est de les répertorier, de retrouver un maximum de souvenirs, de savoir où ils se situent, de perpétuer la mémoire de cet événement, de toutes ces œuvres de charité". Pour Nelly du Cray, cet investissement est essentiel car, sans l’association, "il y a de très belles vies qui risquent d’être oubliées". Parmi les victimes, certaines étaient d’origine modeste, leurs sépultures ont été reprises et l’association "ne veut pas que cela arrive" : "Ces personnes étaient là pour faire du bien, d’autres étaient des nécessiteux, ils venaient chercher une aide", insiste la présidente.

Au fil du temps, l’opinion publique a peu à peu oublié cet incendie meurtrier, mais ce n’est pas le cas des familles de victimes. "Nous, dans nos familles, on ne peut pas dire que c’était oublié", assure Nelly du Cray, ajoutant avoir été "la première génération à laquelle les générations précédentes ont parlé de l’événement". Selon la présidente du Mémorial du Bazar de la charité, "les générations qui ont suivi immédiatement le drame se sont tues, la douleur était trop importante. Le temps a un peu effacé, il n’a pas fait oublier, mais il a atténué". Nelly du Cray met son investissement au sein de l’association sur le compte de son histoire personnelle, expliquant avoir été très proche de sa grand-mère, "qui avait touché de très près l’événement". "Cet incendie, la douleur qu’il représentait pour la famille m’a imprégnée", conclut-elle.

Un incendie qui a touché "des personnes qui faisaient le bien"

Si l’incendie du Bazar de la charité a tant frappé les esprits, c’est parce qu’il a tué des personnes "qui soulageaient les misères, qui étaient des maillons" et "il a impressionné parce qu’il a touché des personnes qui faisaient le bien", résume Nelly du Cray. En 1897, le Bazar de la charité est "un syndicat d’œuvres de charité", rappelle-t-elle, précisant que la vente de charité, "un événement mondain", avait lieu un seul mois dans l’année. "Les œuvres de charité étaient indispensables, elles faisaient tourner les hôpitaux, les écoles pour les défavorisés… Elles ne pouvaient pas se permettre de manquer d’argent", précise Nelly du Cray, rappelant que la deuxième moitié du XIXe siècle a été marquée par de gros bouleversements.

A cause des guerres et de l’essor industriel, elles ont commencé à manquer d’argent et ont donc imaginé mettre en place de petites manifestations afin de faire entrer des financements. C’est un homme d’origine anglaise, Henri Blount, qui a eu l’idée de réunir ces œuvres de charité, jusqu’à 150, afin de faire une seule mais importante vente caritative par an. L’année de l’incendie, le Bazar de la charité fêtait ses 13 ans et était depuis longtemps un rendez-vous incontournable. Parmi ces femmes, certaines avaient dédié leur vie à la charité, notamment des présidentes d’œuvre, des directrices d'orphelinat ou encore la fondatrice de l’hôpital du perpétuel secours, Madame de Vatimesnil.

Le Bazar, "une affaire de femmes"

Surtout, insiste Nelly du Cray, tous les échantillons de la société étaient représentés lors de cette vente de charité. Des personnes "de toutes les conditions, de tous les milieux, des enfants, des jeunes filles, des femmes mariées, des veuves, des religieuses, des grand-mères". Plusieurs pays européens étaient représentés, notamment "la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Etats-Unis", ce qui a donné à la catastrophe "un retentissement international".

Le premier épisode de la série de TF1, qui montre l’incendie du bâtiment pendant de longues minutes, contient une scène qui a particulièrement choqué les téléspectateurs, celle où des hommes poussent, frappent des femmes pour se frayer un chemin vers la sortie. En 1897, une rumeur a effectivement circulé sur le comportement supposé de certains hommes présents ce jour-là. Mais, comme le rappelle Nelly du Cray, "il y a eu une panique monstre dans cet incendie, plus d’un millier de personnes étaient enfermées dans une boîte d’allumettes géantes". Elle explique qu’il y a donc eu "des scènes d’hystérie de la part des femmes comme des hommes" mais que ces derniers étaient peu présents à l’intérieur du bâtiment. "Les hommes étaient à l’extérieur, ils ne rentraient pas dans cet univers de femmes" car, rappelle-t-elle, le Bazar de la charité "était une affaire de femmes". Ce 4 mai 1897, six hommes et 119 femmes sont morts dans l'incendie.