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Juge, mannequin, fille au pair, écolo, syndicaliste… Eva Joly est ou a été tout cela. Retour sur son parcours hors norme en 10 points.
Sommaire

 

Enfance et famille (1943-1960)

© wikimedia© abacapress Eva Joly née Gro Eva Farseth, le 5 décembre 1943 en Norvège, dans le quartier ouvrier de Grünerløkka, à Oslo. Issue d’une famille modeste d’agriculteurs des montagnes (côté paternel), elle est l’aînée des trois filles d’Eyvind Farseth et d’Elsa Buhr.

Son père a d’abord été concierge avant de reprendre l’atelier de tailleur du grand-père (au décès de celui-ci). L’établissement sera ensuite transféré dans le camp de l’armée  royale, pour fabriquer des drapeaux et uniformes militaires, et recevra plusieurs fois la visite du roi.


Cette reconnaissance tardive ravit Gisle, la grand-mère maternelle que Gro va beaucoup admirer. Cette ancienne bourgeoise déclassée, établie comme coiffeuse, qui compte quelques artistes parmi ses clients et rêve de réussite, pousse la famille dans ce sens.

Quand on veut on peut



Sa mère qui rêvait d’un réfrigérateur (à une époque où c’était un luxe) s’en fait fabriquer un par son père. Ce souvenir restera à jamais graver dans la mémoire de la future juge d’instruction comme le symbole de sa vie entière, convaincue depuis que si on veut on peut.

De plus les Farseth, grâce à l’amélioration de leur situation, parviennent à partir régulièrement
en camping, sur une île, en plein nature scandinave, à une vingtaine de kilomètres de la capitale… Où Gro, des heures durant, admire le paysage et la nature, comme avaient pu le faire ses ancêtres maternels, producteurs de framboises.

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Miss Norvège (1961)


A dix-huit ans, Gro porte une longue chevelure blonde, coiffée en chignon comme Brigitte Bardot, la star de l’époque. Celle qui ressemble à la belle actrice norvégienne Liv Ullmann est aussi marrante et fonceuse. Inscrite à l’université, elle cumule les petits boulots : ouvreuse dans un théâtre, vendeuse dans une pâtisserie… Jusqu’à se présenter à l’élection de Miss Norvège, où elle finit troisième.
 

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De Gro à Joly (1964-1967)


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En 1964, après la rupture d’un projet de fiançailles avec un handballeur, à 21 ans, Gro saute dans un train pour Paris. Direction le domicile des Joly, une riche famille de notables établie dans le VIe arrondissement, et qui cherche une jeune fille au pair.

Le fils aîné, Pascal, étudiant en médecine, tombe vite amoureux d'elle. Ils parlent d'emblée de mariage. Mais le père, Jean-Paul Joly, s'y oppose, au point de l’écrire noir sur blanc à son fils dans une lettre : "Tu ne dois pas te marier avec Gro. Nous ne savons pas d’où elle vient. Nous ne savons pas qui est sa famille. De plus, elle n’est pas riche et n’a aucun espoir de le devenir. Pense à la rudesse de ses traits. Dans notre famille nous avons tous été beaux pendant des générations. Si tu te maries avec Gro, tes enfants auront des traits grossiers."


Mais l’interdiction du père n'y fera rien. Les amoureux se marient à Oslo à l’été 1967. Gro Deviendra ainsi Joly et prendra bientôt le prénom d’Eva.

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La nouvelle vie d’Eva (1968-1973)

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A Paris, le couple vit aisément. Le mari sera bientôt médecin et sa femme débute des études de droit.  La jeune mariée multiplie cependant les petits boulots à côté : dactylo, décoratrice d’intérieur,  secrétaire dans une société d'Eddy Barclay, où elle monte une section CFDT… jusqu’à ce que mai 68 vienne interrompre momentanément les choses, puisque Gro mobilisera les collégiens autour d’elle.

L’étudiante, militante et travailleuse, renoue aussi un temps avec la profession de son père, en devenant styliste, et préfère alors travailler sous son second prénom, Eva, le premier n’étant évidemment pas très en phase avec le monde de la haute couture. 
 

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Premiers pas dans la justice (1974-1989)


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Une fois son mari diplômé, le couple s’installe à la campagne, près d’Etampes, à cinquante kilomètres de Paris. Pascal exerce la médecine généraliste et Eva obtient sa licence de droit et un DEA de sciences-politiques.


Elle devient alors, en 1974, conseillère juridique de l'hôpital psychiatrique d'Étampes (bien loin du métier d’anthropologue ou paysagiste, qu’elle aurait souhaité exercer).

Puis passe en 1980, à l’âge de 37 ans, le concours d'entrée dans la magistrature, auquel elle est reçue 30ème.

Elle est nommée l’année suivante procureur de la République à Orléans puis substitut à Evry.
En 1989, elle est détachée au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), organisme rattaché au ministère des Finances, qui épaule les entreprises en difficulté dans les zones sinistrées. Elle en devient la première secrétaire générale adjointe à ne pas sortir de l'ENA. 

"En tant qu'immigrée norvégienne, ayant commencé au bas de l'échelle, cette reconnaissance m'avait fait du bien. Je me sentais désormais plus sûre de moi", écrira-t-elle dans "Notre affaire à tous", son autobiographie parue en 2000.

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Les grandes affaires (1992-2002)

Nommée en 1990 juge d'instruction au pôle financier au Palais de justice de Paris, elle instruit des affaires en vue au sein du fameux "cabinet 126", comme celle de Bernard Tapie et du Crédit Lyonnais, ou encore "l'affaire Elf", dans laquelle elle fait incarcérer en1996 Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf et président en exercice de la SNCF. "Madame, pourquoi me haïssez-vous autant?" demandera un jour celui-ci à une juge qui ne prendra pas la peine de lui répondre, impassible...

En 1998, elle met en examen un autre grand dirigeant, Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel qui est contraint à la démission. Condamné en première instance en 2001, il est relaxé en appel en 2003.

Prix de l'intégrité



L’affaire Elf reste un épisode à part dans la vie d’Eva Joly. Durant cette période des gardes du corps armés demeurent chez elle 24/24h pour assurer sa protection.

Suite aux énormes pressions subies de toutes parts, la juge traquant la "délinquance en col blanc" dira : "La justice n’est pas faite pour juger les dirigeants, mais pour juger les voleurs de sacs à main et d’auto-radios".


Son travail exceptionnel effectué sur ce dossier lui vaudra de recevoir le prix de l’intégrité décerné par l'ONG Transparency International.

Cette période est aussi marquée de manière dramatique, en 2001, en plein déroulement de l’affaire, avec le suicide de son mari (dont elle est séparée et avec lequel elle a deux enfants : Caroline, avocate, et Julie, architecte).

Cinq ans plus tard, en 2006, l’affaire est reprise au cinéma par Claude Chabrol sous le titre "L’ivresse du pouvoir". Un film qu’ Eva Joly - incarnée à l’écran par isabelle Huppert -, n’a pas apprécié.

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Retour en Norvège (2002-2007)

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Après l'affaire Elf, Eva Joly souhaite s'éloigner de la France : "Je suis partie parce que je ne voulais laisser à personne les moyens et le temps de se venger" dira-t-elle, après avoir rejoint son pays d’origine (avec la double nationalité franco-norvégienne), en 2002.
 

"J'ai vécu avec mon père les six dernières années de sa vie", se souvient encore la juge...

Elle est alors conseillère du gouvernement norvégien dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière internationale, déplorant au passage la complaisance en France pour les malversations financières.

En 2005, elle crée, avec l'appui du ministère des Affaires étrangères, le "Network", réseau privé de juges et d'enquêteurs engagés dans la lutte contre la corruption. 

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Retour en France (2007)

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Le nom d’Eva Joly  est choisi en 2007 par la promotion de l'École nationale de la magistrature. La seule école de formation des magistrats de l'ordre judiciaire en France.

Dans son appartement, la juge a longtemps accroché la photo d'une femme d'un certain âge, handicapée par une prothèse de hanche, mais en train de plonger à l'eau. Un autre symbole,  liée sa philosophie de vie : "un pied devant l’autre, se fixer sur l’horizon et y aller".

Agée de 64 ans, Eva Joly revient en France après avoir "tourné la page de la Norvège. " Car le mode de vie français lui manquait : "En Norvège, on ne négocie pas, il y a des règles et c'est tout. Essayez d'obtenir un collyre dans une pharmacie sans ordonnance... ou de franchir un feu à vélo alors qu'il n'y a personne ! La rue est pleine de procureurs. Rien à voir avec la culture de la négociation si précieuse en France", dira-t-elle, depuis sa terrasse de 30 mètres carrés dans le 14ème arrondissement parisien, où elle apprécie sa tranquillité, un verre de rosé à la main.

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Engagement politique (2009 à aujourd’hui)



© abacapressDepuis son retour en France Eva Joly s’est engagée en politique. D’abord en se rapprochant du Modem de François Bayrou, de 2007 à 2008, puis  au sein d’Europe Ecologie en 2008. Elle devient ainsi députée européenne en 2009. Ne cachant pas ses ambitions de se présenter à la prochaine présidentielle, elle remporte la primaire écologiste face à Nicolas Hulot en juillet 2011 (avec 58,16 % des voix). Et devient ainsi la candidate officielle Europe Écologie Les Verts pour 2012.


L'ex-juge d'instruction, qui reconnaît être démunie des codes de sa nouvelle profession, entend faire de la politique autrement. Quitte à provoquer un tollé, comme en proposant récemment de remplacer le défilé militaire du 14 juillet par un défilé citoyen, ou encore en annulant sa venue à la dernière minute aux meetings de son parti ou à l’émission politique "des paroles et des actes" sur France 2, le 17 novembre dernier… Un simple "break médiatique" pour certains, un premier signe de retrait politique pour d’autres, par celle qui appelle désormais à voter François Hollande au 2ème tour. Son porte-parole, Yannick Jadot, a lui démissioné mercredi 23 novembre, en affirmant ne plus partager "sa ligne politique".

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Mais encore…

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Son mari la surnommait "la tornade blonde aux yeux bleus". Aujourd’hui, on la reconnait davantage à ses petites lunettes rouges, ses bouclettes blondes et sa petite taille (1,58m.). Certains de adversaires politiques la surnomment par ailleurs "Eva dans le mur" (par rapport à l’élection présidentielle de 2012)


Très proche de Daniel Cohn-Bendit, son mentor en politique, Eva Joly est l’amie de l’ex-juge Laurence Vichnievsky, également membre d’Europe Ecologie. Elle aime Tanger et l’île grecque de Santorin, se baigner dans l’eau glacée de l’île de Groix (dans le Morbihan, où se trouve sa maison de pêcheur achetée en 2002), faire sa gym sur la plage et le kayak.

Sa chanson préférée est "C’est extra" de Léo Ferré ; son écrivain, Paul Auster ; son cinéaste, Woody Allen.

En revanche elle n’aime pas les parfums, sauf celui de l’herbe coupée.

Elle a remporté le prix Press club humour et politique en 2010, avec cette déclaration :
"Je connais bien Dominique Strauss-Kahn : je l'ai mis en examen".

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