© Micronutris
Sain, nourrissant et surtout éco-responsable, l'insecte est peut-être l'aliment de demain. Celui qui permettra de nourrir la planète tout en usant moins de ressources. C'est en tout cas le pari pris par Micronutris, société qui élève des grillons et vers de farine destinés à la consommation humaine. A quelques semaines de la mise en rayon de ses premiers produits tests, rencontre avec son créateur, Cédric Auriol. 

© abacapressFaire rimer activité industrielle avec enjeux sociaux et environnementaux, voilà le défi que s’est lancé Cédric Auriol avec Micronutris, en 2011. C’est en lisant un rapport de la FAO (Food and Drug Administration) faisant l’apologie de l’élevage d’insectes comestibles à grande échelle que lui est venue l’idée de créer sa société en 2010. Il s’entoure alors d’un docteur en biologie, spécialisé en sciences de l’insecte, et d’un ingénieur agronome. "Moi, j’avais une approche industrielle. On a donc couplé nos compétences pour pouvoir créer des processus de transformation et mettre au point une unité de production efficace et conforme aux normes agroalimentaires", détaille t-il.

Aujourd’hui, son entreprise de cinq salariés, située à Saint-Orens-de-Gameville dans la région Toulousaine, produit environ une tonne par mois de grillons et autres vers de farine à des fins alimentaires. Pourtant, il y a trois ans de cela, son entourage lui faisait les gros yeux. "Sans me dire clairement que j’étais fou, mes proches ne comprenaient pas bien où je voulais aller. La viabilité économique du projet suscitait pas mal d’interrogations", explique le jeune entrepreneur (31 ans). Et pour cause : si en Asie le marché de l’entomophagie est déjà bien fourni, Micronutris est à ce jour la seule entreprise européenne spécialisée dans la production de masse d’insectes comestibles.

"30% de la population est carrément prête à se laisser tenter"

C’est justement l’absence de concurrence qui a poussé l’entrepreneur, déjà à la tête d’une société d’import-export d’emballage à destination des professionnels du textile nommée EAP Group, à faire le grand saut : "Pour le moment, c’est mon autre entreprise qui finance le développement de Micronutris. On n’en est qu’aux prémices de l’activité. Mais, lors de nos études de marché, nous nous sommes rendus compte que de plus en plus de gens pas forcément intéressés par les insectes à la base, mais qui recherchent une alimentation éco-responsable, voient leur réflexion les amener sur ce type d’aliments. Nos sondages ont révélé que seulement 20% des Français sont totalement réfractaires à l’idée d’en consommer. Et 30% de la population est carrément prête à se laisser tenter", expose t-il.

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Car dans la série "Comment nourrir la planète en 2050 ?", les hexapodes font office de solution de premier choix. Fin septembre, cinq étudiants de l’université canadienne Mc Gill, créateurs de la compagnie Aspire, ont remporté la quatrième édition du Hult Prize – et la bagatelle d’un million de dollars afin de les aider à développer leur start-up-, récompensant les projets les plus innovants en entreprenariat social et solidaire. Leur programme ? Mettre des insectes dans les assiettes du plus grand nombre d’humains afin de lutter contre la faim dans le monde.

Il faut dire que les vertus écolos de ces petites bestioles ne sont plus à prouver. "Pour produire un kilo de viande bovine, il faut 10 kilos de végétaux. Alors qu’à quantité équivalente, on produit 9 kilos d’insectes. Ce qui veut dire qu’on a besoin de neuf fois moins de surface au sol pour produire les mêmes qualités nutritionnelles, de neuf fois moins d’eau pour les irriguer et de neuf fois moins de pétrole pour les transporter. En outre, ils ne rejettent pas de méthane ni d’ammoniaque. Un élevage d’insectes va polluer entre 10 et 100 fois moins qu’un élevage de viande classique. Nous ne sommes pas extrémistes au point de dire que demain, il va falloir en mettre à tous les repas, mais seulement que ça peut permettre de préserver les autres ressources", souligne Cédric Auriol.

EN IMAGES : les créations culinaires à base d'insectes de Cédric Auriol

"Il s'avère que c'est plutôt bon"

D’accord, mais quid du plaisir culinaire d’une telle consommation ? "Ca, ça dépend de la manière dont c’est cuisiné, prévient-il, avant de poursuivre : S’il est possible de les consommer tels quels, les insectes, ce sont avant tout une matière première à accommoder". Micronutris a d’ailleurs noué un partenariat d’approvisionnement exclusif avec un chef étoilé niçois, David Faure, qui propose sur sa carte un menu 100% à base d’insectes.

© abacapressComme quoi, l’insecte a beau être peu ragoutant à première vue, il reste un met à part entière. "Je n’en avais jamais goûté avant de créer l’entreprise, admet Cédric Auriol. Mais il s’avère que c’est plutôt bon. Heureusement, parce que je suis amené à en manger plusieurs fois par jour devant les clients. Et maintenant que je suis connu pour ça, les gens qui viennent manger à la maison s’attendent à ce que je leur en serve."

Pour l’heure, Micronutris s’attache à développer son activité sur le marché franco-français uniquement. D’ici quelques mois, seront testés dans les rayons de quelques grandes surfaces pilotes les premiers produits transformés estampillés Micronutris : des biscuits salés et sucrés à base de copeaux de grillons et de vers de farine. Alors, miam miam ?