Landru, Petiot, Succo... Trois tueurs en série oubliés du XXe siècleLandru en 1921AFP
Il y a cent ans, la France frémissait en découvrant les crimes de Landru. 24 ans plus tard, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont les horreurs commises par le docteur Petiot qui ulcèrent le pays. Retour sur l'histoire de ces tueurs en série oubliés, avec Sylvain Larue, écrivain et spécialiste de la criminalité française.
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Ils ont défrayé la chronique dans les années 1910, 1940 et 1980. Ces trois hommes n’ont rien en commun, si ce n’est être des tueurs en série, ce qui est déjà beaucoup. Pour être qualifiée comme tel, une personne doit commettre trois meurtres à différents moments, peu importe le délai qui les sépare. Ils sont souvent faits selon une forme ritualisée, avec des caractéristiques communes. Landru, Petiot et Succo répondent parfaitement à cette définition. Aujourd’hui, leurs noms ne disent plus grand-chose à la majorité des Français, qui ont assisté à l’arrestation d’autres criminels, dont les atrocités ont parfois dépassé celles commises par ces hommes. 

Landru : sexualité et appât du gain

Le premier d’entre eux se nomme Henri-Désiré Landru et il a commis ses crimes dans les années 1910, uniquement sur des femmes et un petit garçon. Des femmes mâtures, qui ont plus de quarante ans, isolées socialement mais avec un certain pécule de côté. Il sait qu’il ne peut pas séduire des femmes jeunes et célibataires, alors il joue sur la corde sensible de celles qui n’ont pas grand monde autour d'elles ou qui ne croyaient plus à une vie heureuse. Sous de fausses identités, il promet de les épouser et devient l’administrateur de tous leurs biens, qu’il dilapide à une vitesse folle.

Sylvain Larue, écrivain et spécialiste de la criminalité française, a publié un ouvrage sur les tueurs en série de France, qui s’intéresse longuement à l’histoire criminelle de Landru. Interrogé par Planet, il rappelle que "le cas Landru" est assez particulier : "Si l’appât du gain est la motivation première, il y a aussi une connotation sexuelle importante puisqu’il a eu des relations avec 283 femmes !".

Landru savait qu'en avouant, c'était cuit pour lui

10 meurtres pour 283 relations, c’est peu mais, comme le rappelle Sylvain Larue, "il serait tombé sur plus de femmes fortunées, le nombre de ses victimes aurait été largement supérieur". Landru a été attrapé presque par hasard, après des années à faire attention au moindre détail, à tout consigner dans de petits carnets pour ne rien mettre de côté, à tuer ses victimes toujours au même endroit. C’est justement cette façon de faire qui lui porte préjudice et donne des preuves aux policiers.

Pourtant, malgré les faits mis sous son nez, il n’avoue pas les 11 meurtres pour lesquels il est jugé au début des années 1920. "Landru savait pertinemment qu’en avouant, c’était cuit pour lui", explique Sylvain Larue, ajoutant qu’il s’agissait d’un moyen pour lui de se protéger.

Reconnu coupable des meurtres de 10 femmes et d’un enfant, Henri-Désiré Landru est guillotiné le 25 février 1922 à Versailles. Avant de monter sur l'échafaud, il répond à son avocat, qui le presse d'avouer ses crimes : "Cela Maître, c'est mon petit bagage". Son procès a tenu la France en haleine, quelques années seulement après la fin de la Grande guerre. 24 ans plus tard, au sortir de la second conflit mondial, ce sont les crimes de Marcel Petiot qui font frissonner les Français.

Le docteur Petiot : un tueur machiavélique sous un masque de normalité

Le cas de Marcel Petiot est encore plus mystérieux que ne l’est celui de Landru. Si les côtés crapuleux et sexuel de la première affaire ne sont pas difficiles à déceler, les crimes du docteur Petiot ne répondent pas à la même logique.

En 1941, celui qui est diplômé en médecine - et qui a connu une courte carrière politique - achète un hôtel particulier dans le 16e arrondissement de Paris et le transforme en clinique. Quelques mois plus tard, il propose à des personnes poursuivies par la Gestapo – des Juifs ou des petits malfrats – de leur fournir un passage clandestin jusqu’à l’Argentine. Il tue en réalité chaque personne à laquelle il a promis de l'aide. Interrogé par la Gestapo et torturé à la prison de Fresnes pendant huit mois, car soupçonné d’être un résistant, il n’avoue rien.

Ce n’est qu’en 1944 que les horreurs qui se jouent dans cet hôtel particulier sont découvertes par les forces de l’ordre. Les policiers font face à un véritable charnier, avec des corps en décomposition, dépecés et d’autres qui brûlent dans une des chaudières du bâtiment. Dans la cour, ils découvrent d’autres cadavres rongés par la chaux vive, mais aussi des valises, des vêtements et des objets, dont des bijoux.

Marcel Petiot était un tueur intelligent et organisé

Comment le bon docteur a-t-il pu devenir un meurtrier ? La puissance criminelle de Marcel Petiot est montée en puissance tout au long de sa vie, mais le docteur a basculé durant l’Occupation. À ce sujet, Sylvain Larue rappelle qu’il s’agissait d’une période "trouble, propice à toutes les déviances, toutes les folies, tous les crimes". "Marcel Petiot est déjà un criminel avant cette période-là, mais il l’avait fait de façon discrète, ce qui prouve que c’était un tueur intelligent et organisé", ajoute l’auteur, suspectant qu’il a "presque sauté sur l’opportunité de faire tout et n’importe quoi".

Décrit comme fou, il avait sûrement plusieurs facettes, mais sa folie n’a jamais été établie pour sûr et il est impossible de poser un diagnostic près de 80 ans plus tard. Pour Sylvain Larue, à l’assassin sordide s’ajoute "un masque de normalité et de bienveillance", dont il pouvait faire preuve quand il le souhaitait. "Il avait la réputation d’un bon médecin, généreux, donc c’est difficile pour l’opinion publique de s’imaginer qu’un tueur aussi machiavélique puisse se cacher sous la normalité", ajoute-t-il auprès de Planet.

Jugé en 1946, il n'avoue aucun des 24 crimes pour lesquels il est condamné à la peine de mort. Au moment d'être guillotiné, il affirme à son avocat être "un voyageur qui emporte ses bagages". Une phrase qui ressemble étrangement à celle prononcée par Landru 20 ans plus tôt. Comme Landru également, Marcel Petiot était organisé et c’est ce qui lui a permis d’échapper à la police pendant tant d’années. Ce ne fut pas le cas de Roberto Succo, surnommé "le fou", un tueur désorganisé qui a commis ses crimes dans les années 1980.

Roberto Succo : le tueur désorganisé

Dans les années 1980, la France assiste avec consternation, pendant un an, aux errances d’un jeune homme, surnommé "le tueur de la pleine lune", qui semble tuer au hasard, enlève ou viole des jeunes femmes. Le pays ne le sait pas encore, mais il s’agit de Roberto Succo, âgé d’une vingtaine d’années et qui est connu en Italie pour avoir tué son père et sa mère à l’âge de 19 ans, puis pour s’être échappé de l’institution psychiatrique dans laquelle il était soigné.

"Des trois tueurs en série dont on analyse le parcours, Roberto Succo est le seul qui peut rentrer dans la catégorie de tueur désorganisé", explique à Planet Sylvain Larue. Alors que la question de la folie reste en suspens chez Landru et Petiot, on a reconnu que Roberto Succo était "atteint d’une maladie mentale grave" et qu’il agissait par pulsions. "Il a ses moments, ses volontés, il s’attaque à qui se met en travers de son chemin : il a besoin d’argent, il tue. Il a besoin de sexe, il viole et il tue", ajoute l’écrivain. Contrairement à Landru et Petiot, il dissimule très mal les cadavres de ses victimes, qui sont tous retrouvés à l'exception de celui de France Vu-Dinh.

Arrêté en Italie après ces 10 mois meurtriers, il n’a pas l’occasion de répondre de ses crimes en France. Son pays natal refuse d’extrader celui qui s’est échappé une première fois et qui est diagnostiqué comme "schizophrène paranoïde". Alors qu’il doit y être jugé, mais aussi dans l’Hexagone et en Suisse, il se suicide le 23 mai 1988, en ouvrant une recharge de gaz pour réchaud dans un sac plastique, dont il a recouvert sa tête. Il est alors âgé de 26 ans.