Plusieurs professions sont mobilisées contre la réforme des retraites, que l'exécutif défend coûte que coûte. Pourra-t-il tenir ce bras de fer dans la durée ?
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Baptême du feu pour le gouvernement. A l’appel de plusieurs syndicats, de nombreuses professions ont défilé dans les rues de plusieurs grandes villes de France jeudi 5 décembre. Une contestation qui était annoncée de longue date après une première journée de grève à la RATP le 13 septembre dernier. Selon les chiffres publiés à la mi-journée, le mouvement de grève a été particulièrement suivi chez les enseignants et à la SNCF. D’après le ministère de l’Education nationale, on compte 51,3% de grévistes dans le primaire et 42,32% dans le secondaire. De son côté, l’entreprise ferroviaire estime que 55,6% des salariés ont fait grève en moyenne, dont 85,7% des conducteurs et 73,3% des contrôleurs.

Grève : une semaine, deux semaines, ou plus ?

Un an après les premiers samedis de mobilisation des Gilets jaunes, cette contestation a un arrière-goût de déjà vu pour le gouvernement. Sans attendre la fin de la journée, l’Elysée a affirmé qu’Emmanuel Macron était "calme et déterminé" face à la contestation. "Le chef de l’Etat (…) est attentif au respect de l’ordre public et aux désagréments subis par les Français", a expliqué la présidence, précisant que "le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye achèvera les consultations avec les partenaires sociaux en début de semaine et s’exprimera pour effectuer une synthèse de ces discussions".

On l’a compris, le gouvernement a décidé d’attendre que la gronde soit passée pour communiquer sur sa réforme des retraites. Un choix qui laisse penser que l’exécutif se sent capable de tenir sur la durée. Pourtant, à en croire un conseiller ministériel, la réalité serait tout autre. Cité par Europe 1, il donne deux semaines à Edouard Philippe et son gouvernement : "Une semaine ça va, la deuxième ça va se tendre, au-delà on ne tiendra pas".

Grève : des désaccords pour jouer la montre ?

Alors qu’il a décidé de s’attaquer à un sujet sensible, le couple exécutif n’a pas semblé faire front commun ces derniers jours, voire semaines. Emmanuel Macron a fait de la réforme des retraites une des grandes étapes de son quinquennat, souhaitant son ultime modification, alors qu’Edouard Philippe a insisté sur le fait "d’assurer l’équilibre financier". Voulant attendre pour abattre ses cartes, le gouvernement a peut-être trop joué la montre et a pu montrer de la confusion sur certains dispositifs de la réforme.

Parmi ces dispositifs, la clause du grand-père, un temps envisagée par l'exécutif et qui a été définitivement enterrée par Edouard Philippe à la fin du mois de novembre. Mais aussi l’âge pivot, qui est un point extrêmement sensible pour les syndicats, qui estiment que sa mise en œuvre conduirait les salariés à travailler plus longtemps. Cette question n’a d’ailleurs pas été résolue par le gouvernement, qui attend les concertations avec les représentants syndicaux pour se prononcer. "Il faut dire aux Français clairement, tranquillement, le faire progressivement, que nous allons travailler plus longtemps", a tout de même affirmé Edouard Philippe devant les élus de la majorité.

Entretenir le flou permet à l’exécutif de voir où se situent les mécontentements des Français alors que la réforme pourrait faire de nombreux perdants. Une fois que le pouls sera pris, il pourra décider sur quels points lâcher du lest… Ou pas. L'attente est une stratégie déjà testée (et approuvée) par Emmanuel Macron.

Grève : vers une stratégie du pourrissement ?

Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron a misé sur la stratégie du pourrissement pour sortir des crises dans lesquelles était empêtré le gouvernement. En 2018, l’adoption de la réforme de la SNCF a été précédée d’un mouvement social de trois mois, durant lequel les cheminots ont fait 36 jours de grève. Un record pour une mobilisation qui s’est avérée être inefficace puisque la loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" a fini par être promulguée en juin. Pour tenir tout ce temps, l’exécutif a misé sur la colère et l’exaspération des usagers, qui ont été les premiers impactés par le mouvement social.

A l’inverse, l’exécutif pourrait adopter la même attitude que lors de la crise des Gilets jaunes. S’il s’était montré très ferme dans un premier temps, le gouvernement avait fini par céder du terrain sur certains points après des journées de mobilisation émaillées de violence. Un premier signe de faiblesse de la part de l'exécutif qui menait jusqu'alors ses réformes tambour battant. Mais reculer sur un des projets phares du quinquennat ne serait-il pas l’aveu d’un échec pour Emmanuel Macron, déjà affaibli par la crise des Gilets jaunes ?