Femme enceinte dévorée : qui sera responsable une fois qu'on aura retrouvé le ou les chiens impliqués ?Copyright capture d'écran Leetchi
On ignore toujours quels chiens sont impliqués dans la mort d'Élisa Pilarski. Le point sur les cas de figure possibles une fois que le responsable sera identifié et trouvé.
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L’enquête autour du décès d'Élisa Pilarski se poursuit. Le corps de la jeune femme, présentant plusieurs morsures de chiens, a été retrouvé le samedi 16 novembre dans une forêt de l’Aisne. D’après les résultats de l’autopsie, le décès de cette femme enceinte de 29 ans "a pour origine une hémorragie consécutive à plusieurs morsures aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête". Des prélèvements génétiques ont été effectués sur 67 chiens, les cinq de la victime et ceux d’un équipage de chasse à courre, qui avait lieu ce jour-là.

Responsabilité de celui "qui a la garde du chien"

Plusieurs scénarios se dessinent pour expliquer le décès de la jeune femme, notamment celui d’une attaque de chiens participant à la chasse. La responsabilité de Curtis, l’animal qu’elle promenait à ce moment-là, est également envisagée par les enquêteurs. Autre piste possible, celle d'un chien croisé dans la forêt. Peu de temps avant sa mort, Élisa Pilarski avait indiqué sur Facebook qu’un chien malinois "rôdait dans les environs". Dans son message, désormais effacé, la jeune femme précisait avoir eu une dispute avec le propriétaire de l’animal mais, qu’"heureusement" son chien Chivas était présent avec elle, sinon "boucherie assurée".

Si les résultats des analyses génétiques permettent de trouver les animaux impliqués, alors se posera la question de la responsabilité juridique. D’après Maître Arnault Bensoussan, avocat en droit animalier et droit de l’élevage au barreau des Hauts-de-Seine, "peu importe que ce soit un chien de chasse à courre ou celui d’un promeneur" car "c’est la personne qui en avait la conduite, la garde, au moment de l’événement qui est responsable civilement et pénalement". Le parquet de Soissons a ouvert le 20 novembre une information judiciaire contre X du "chef d’homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement résultant de l’agression commise par des chiens".

Les chiens sans laisse doivent "avoir du rappel"

Sur le plan civil, Maître Bensoussan rappelle qu’il s’agit d’une "responsabilité du fait des choses" mais que sur le plan pénal, il peut s’agir "soit d’une faute d’imprudence soit d'un manquement au règlement". Selon l'avocat, si la responsabilité des chiens de la chasse à courre est avérée, il n'y aura pas de manquement au règlement car "la manifestation a été déclarée".

S’il s’agit du chien d’un promeneur, "la faute d’imprudence pourrait être caractérisée s’il est démontré que le chien manquait de rappel", c’est-à-dire qu'il n’obéit pas aux ordres de son maître. "Un arrêté prévoit que, dans des lieux publics, on peut laisser les chiens sans laisse, à condition qu’ils aient du rappel", précise Maître Bensoussan, ajoutant que "laisser son chien sans attache en le croyant obéissant est une faute d’imprudence". Pire, il peut s’agir d’un manquement au règlement "si la personne se trouve sur un lieu où la divagation des chiens est interdite". Si un chien n’est pas tenu en laisse et cause un accident qui mène au décès, "là on serait dans un manquement au règlement et la personne serait responsable civilement et pénalement", ajoute l’avocat.

Élisa Pilarski a-t-elle pu être attaquée par son propre chien ? C’est une des pistes évoquées, alors que l’animal se trouve actuellement en fourrière et doit faire "l’objet d’un examen comportemental", a précisé le procureur de la République de Soissons.

"Aucun recours" possible si l’attaque vient de son propre chien

S’il s’avère que le chien de la jeune femme et de son compagnon est responsable, alors, selon Maître Bensoussan, "aucun recours" n’est possible. Dans ce cas de figure, "il n’y a pas de responsable, elle a participé elle-même à son propre préjudice, que ce soit son chien ou un chien dont elle avait la garde à ce moment-là".

Spécialiste du droit animalier et lui-même éleveur de chiens d'arrêt, Maître Bensoussan estime que cette piste est "possible". "Son chien a pu être mis en panique par les chiens de la chasse à courre, explique-t-il. Lorsqu’ils sont dans une réaction de défense, les chiens s’en prennent à l’être vivant le plus proche, ça s’est déjà vu. La victime a pu manifester, par sa crainte, ses cris ou ses gestes, un comportement qui a pu être interprété par son propre chien comme une menace, conjuguée à la menace d’encerclement venant des chiens de la meute". Selon lui, il est difficile d’imaginer que le chien "ait pu faire face à l’ensemble de la meute", mais il a très bien pu se trouver face à plusieurs de ces animaux : "Si la victime retient son chien et qu’il se fait mordre par-derrière sans savoir d’où ça vient, il peut l’attaquer sans savoir".

"Les chiens ont tous leur dangerosité par l’imprévisibilité de leur réaction, qu’eux-mêmes ne peuvent pas soupçonner. Un chien ça se défend et ça peut avoir une analyse faussée des événements", explique Maître Bensoussan. Pourtant, selon lui, les chiens de la chasse à courre ont la réputation d'être dociles et "extrêmement gentils".

Les chiens de la chasse à courre "ne sont pas dangereux"

Dès la découverte du corps d'Elisa Pilarski, Christophe Ellul a évoqué la responsabilité des chiens de la chasse à courre, expliquant qu’il les avait vus sortir du ravin où se trouvait le corps de sa compagne. La société de vénerie a rapidement rejeté cette hypothèse, assurant que les vétérinaires mandatés n’ont pas trouvé de traces de morsures sur les chiens de l’équipage.

Maître Bensoussan explique que les animaux de chasse à courre ont la réputation d’être "extrêmement gentils et assez dociles". Selon lui, ce sont des chiens "qui ont moins de caractère que les chiens de terrier par exemple" et ils "ne sont pas dangereux". Le spécialiste en droit animalier rappelle que "les chiens de meute sont dressés pour mener, encercler du gros gibier" puis c'est "un cavalier [qui] va servir, c’est-à-dire tuer la bête". "En principe", rappelle-t-il, "ces chiens sont soumis à un être humain et un humain n’est pas une bête traquée". Le scénario d’une attaque de la meute peut tout de même rester possible car "si un des chiens commence à attaquer, les autres suivent", conclut Maître Bensoussan.