Restrictions, perte de compétences… Pourquoi les maires en ont ras-le-bolIllustrationIstock
Ils se heurtent souvent à l'État pour défendre leurs administrés. Le documentaire "Vie de maire" suit le quotidien de six maires de France. Face caméra, ils livrent leurs doutes et leur colère.
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Les maires ont la vie dure. A un petit peu plus d’un mois des prochaines élections municipales, certains élus locaux ont le blues. Depuis plusieurs années, ils sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme et certains ne souhaitent pas rempiler pour un nouveau mandat. Il y a cinq ans, Pascal Carcanade filmait l’engouement d’élus dans plusieurs villes de France et cherchait à comprendre ce qui les animait. Cette année, il revient avec le deuxième épisode de Vie de maire, baptisé, Mon maire dans tous ses états. Cinq élus des quatre coins de l’Hexagone et une de La Réunion ont accepté d’être suivis dans leur quotidien. Le réalisateur a fait le pari de suivre de jeunes élus, âgés de 35 à 48 ans. Face caméra, ils livrent leur fierté, leurs doutes mais aussi leur colère, sans jamais mâcher leurs mots. S’ils sont chacun confrontés à des problèmes spécifiques, ils se rejoignent sur plusieurs points. Dans son documentaire, Pascal Carcanade donne à voir leurs doléances. Certains ne veulent pas que leurs compétences soient transférées aux métropoles, mettant en péril, pour certains, les identités locales des communes. Pour d’autres, c’est surtout la dérive technocratique qui est en cause.

Maires : le blues des élus de terrain

Depuis plusieurs années, les maires n’ont pas le moral et l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir n’a pas arrangé les choses. La crise des Gilets jaunes est aussi passée par là et les élus locaux n’ont pas été épargnés. Interrogé par Pascal Carcanade, Nicolas Koukas, conseiller départemental des Bouches-du-Rhône et qui brigue la place de maire à Arles, explique : "Je ne suis pas gagné par le blues des maires, mais depuis ces derniers mois, on ressent encore plus d’acidité de la part des administrés, des collectivités. C’est beaucoup plus dur qu’il y a quelques années pour un élu local d’exercer son mandat en toute tranquillité". Après une période difficile, les maires semblent avoir repris du poil de la bête. Selon une enquête du Cevipof réalisée en novembre dernier, 28% des maires déclarent ne pas vouloir se représenter alors qu’ils étaient près de 50% en 2018. Il semble donc y avoir de l’amélioration mais un gros point noir demeure, pour beaucoup d’entre eux : les relations avec l’Etat.

Maires : "C’est important que notre point de vue soit écouté"

Dans son documentaire, Pascal Carcanade interroge cinq maires et un élu. En plus de Nicolas Koukas (Arles), il suit Sandrine Vincent, la maire de Chevaigné (Ille-et-Vilaine), Marième Tamata-Varin, maire de Yèbles (Seine-et-Marne), Etienne Serna, maire d’Aramits (Pyrénées-Atlantiques), Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières (Ardennes) et Vanessa Miranville, maire de La Possession (La Réunion). Tous se heurtent à l’Etat. "La technocratie est de plus en plus forte, elle est experte, avec, à mon sens, le sentiment qu’on nous dit que nous, les élus, on n’y connaît rien. Mais nous, on sait", explique Vanessa Miranville.

Avec parfois, des exigences qui semblent… Absurdes. C’est le cas de Sandrine Vincent qui, pour garder sa salle de spectacle à Chevaigné, a dû installer une ligne de téléphone fixe, pour un coût de… 2500 euros. Un coup dur pour une petite ville. A Aramits, Etienne Serna n’oublie pas la réintroduction des deux ourses slovènes en octobre 2018, malgré les protestations de nombreux élus locaux. "Prendre des décisions à Paris, dire que tu es favorable à quelque chose alors que tu ne connais pas l’environnement, c’est embêtant, explique-t-il. Je pense que c’est important, quand on est élu par la population, que notre point de vue soit écouté, surtout quand on est une majorité à porter cette parole".

Maires : "On vit des expériences parfois difficiles"

Parmi les maires interrogés dans le documentaire, ils sont nombreux à vouloir rempiler pour un nouveau mandat et ne souffrent donc pas de la perte de vocation de certains. "On dit que c’est un sacerdoce, non, on vit des expériences parfois difficiles mais qui font partie de la vie, qui nous construisent, qui nous font grandir, explique Sandrine Vincent. Le maire représente quelque chose". Pourtant, elle peine à trouver des gens prêts à s’engager pour la municipalité : "Ils ont envie d’autre chose, ils me disent qu’ils ont envie de faire autre chose, qu’ils auront envie de s’absenter, ce qui n’est pas compatible avec la fonction d’élu".

Principal enseignement de ce documentaire de Pascal Carcanade : les maires attendent un signe de l’Etat, même s’ils restent loyaux et patients. Au printemps dernier, Emmanuel Macron a dit aux maires qu’il les avait entendus et qu’il était prêt à leur donner plus de marge de manœuvre. Une promesse qui leur a déjà été faite par le passé, par différents présidents, et à laquelle certains ne croient plus. En nous montrant le chemin souvent semé d'embûches de nos élus, Vie de maire a réussi son pari : donner à voir, sans l’idéaliser, le quotidien des maires français. Ceux qui se battent pour le bien de leur commune, petit poucet face au géant qu’est l’Etat. Heureusement certains, parfois, ont gain de cause.

Le documentaire Vie de maire sera diffusé sur Public Sénat à partir du samedi 8 février.