Delphine Jubillar vivante : cette hypothèse est-elle envisageable ? AFP
INTERVIEW. Deux mois après la disparition de Delphine Jubillar, quelles sont les pistes qui laissent espérer "une fin heureuse" ? Marjorie Sueur, criminologue et psychologue clinicienne, nous éclaire sur les possibilités de retrouver la disparue en vie.
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L'espoir d'une fin heureuse subsiste.  Plus de deux mois après la disparition de Delphine Jubillar à Cagnac-les-Mines (Tarn), l'enquête continue. Rappelez-vous de cette nuit de décembre, quand une mère de famille quitte mystérieusement son domicile sans laisser de traces. Vêtue de sa doudoune blanche et munie de son téléphone portable, l'infirmière de 33 ans ne laisse pas le moindre indice derrière elle. Elle disparait, purement et simplement. Face à une telle énigme, les enquêteurs sont désarmés. Équipes cynophiles, fouilles des points d'eau alentours, battues citoyennes... Ils ont tout essayé, en vain.

Si la piste criminelle est aujourd'hui privilégiée, les preuves sont minces, voire inexistantes. Marjorie Sueur, criminologue et psychologue clinicienne, nous éclaire sur les possibilités de retrouver la disparue en vie. Elle énumère, avant tout, les trois éléments qui justifient de garder un tel espoir : "Le premier est l'absence de corps et de scène de crime. Toujours pas trouvé, et donc scène de crime non identifiable. Le second élément que nous relevons est les différentes activités relevées sur son compte Facebook et le bornage de son téléphone. Rappelons que ces activités sont très ponctuelles. Alors ; est-ce elle qui les active ? Ou est-ce son criminel ? Le troisième élément est l'absence d'une double vie". La spécialiste ne manque pas de rappeler que les trois raisons les plus récurrentes qui pousseraient un criminel à passer à l'acte sont l'adultère, l'argent, et la drogue. 

Delphine Jubillar : est-ce possible de disparaître volontairement du jour au lendemain ?

Aujourd'hui, la piste du départ volontaire est difficile à envisager. En effet, beaucoup d'éléments nous poussent à penser que Delphine Jubillar a disparu contre son gré : abandon de ses deux enfants, peur du noir... Toutefois, au début de l'enquête, certains membres de sa famille étaient persuadés qu'elle avait fui sa vie de couple, décrite comme chaotique par ses proches. En pratique, serait-ce possible de disparaître du jour au lendemain sans laisser de crainte ?

"Tout le monde ayant besoin de vivre, Delphine Jubillar ne pourrait y arriver sans avoir prévu une importante somme d'argent", souligne Marjorie Sueur. Quelle somme d'argent aurait-elle du réunir pour parvenir à ses fins ? 

Delphine Jubillar : "Financièrement, il est compliqué de disparaître"

"Financièrement, il est compliqué de disparaître", rappelle Marjorie Sueur. Quel est l'argent nécessaire pour effacer ses traces ? "Obtenir une fausse identité. Fausse identité qui lui permettra de trouver un travail. Modifier son apparence physique est chose plus aisée : couleur de cheveux, coupe, lunettes, maquillage, style vestimentaire... Ainsi grimée, aucun Français ne pourra la reconnaître !", détaille la spécialiste.

"Autrement dit, l'analyse de ses comptes bancaires auraient dû montrer des dépenses inhabituelles ou régulières. Comme le fait de retirer des sommes d'argent régulièrement. Retraits qu'elle aurait pu économiser pour préparer son après", poursuit la criminologue. Pour rappel, l'enquête n'a pas fait état de dépenses de ce genre, à notre connaissance.

Là, Marjorie Sueur soulève un autre point essentiel : les enfants de Delphine Jubillar. "Quelle raison est suffisamment puissante pour quitter sa maison en pleine nuit, juste avec son téléphone et laisser ses 2 enfants ?", interroge-t-elle. Une question qui, malheureusement, reste en suspens. 

En décembre 2020, l'oncle de Delphine Jubillar se confiait au Parisien : "Elle a dû quitter le domicile dans un moment de désespoir et de grand ras-le-bol et aujourd'hui, elle ne sait plus comment faire machine arrière. D'autant que sa disparition est devenue une affaire très médiatisée. Voilà mon sentiment", confiait-il. Que risquerait la mère de famille à revenir comme si de rien n'était ?

Delphine Jubillar : que risquerait-elle à revenir comme si de rien n'était ?

Pénalement, la mère de famille ne risquerait rien à refaire surface sans donner de raison. "Rappelons qu'une personne adulte a le droit de disparaître si elle le souhaite. Même s'il y a eu un engouement médiatique et judiciaire autour de sa disparition, Delphine Jubillar ne risque donc rien à ce niveau-là", précise la criminologue. En revanche, la justice est en droit de lui réclamer le remboursement des frais engagés pour la retrouver. Marjorie Sueur note que cela n'a jamais été fait auparavant.  

En outre, la trentenaire pourrait souffrir d'un nouvel engouement médiatique qui chercherait à comprendre le motif d'une telle disparition. Aussi, "les seuls risques que Delphine Jubillar prendrait si elle se déclarait vivante seraient les raisons pour lesquelles elle a disparu (menace de mort, chantage, violences conjugale...)", précise la spécialiste. 

Connaît-on des cas de disparition criminelle où la victime a été retrouvée vivante ?

Delphine Jubillar : "Plus le temps passe, plus les chances s'amenuisent"

Autre hypothèse : la piste criminelle. Peut-on imaginer que Delphine Jubillar soit toujours envie, même en étant la victime d'une personne mal intentionnée ? "Le fait de ne pas avoir découvert le corps sans vie de Delphine Jubillar permet à ses proches d'espérer une fin heureuse. Toutefois, plus le temps passe, plus les chances s'amenuisent", déclare Marjorie Sueur. "D'un point de vue extérieur, qu'il s'agisse d'une disparition volontaire ou d'un crime, il nous semble donc que cela fut bien organisé, planifié", poursuit-elle.

"Si nous restons sur une piste criminelle, le rapt, la séquestration pourraient expliquer que Madame Delphine Jubillar soit encore en vie", précise l'experte. "En effet, l'analyse des affaires passées nous amène à penser au cas de Nastasha Kampusch. Cette jeune enfant, âgée de 10 ans au moment des faits, fut enlevée et séquestrée par son ravisseur pendant 3 096 jours. Des années à réfléchir aux différents scenarii possibles pour se sauver, avec la peur au ventre à l'idée de le faire et de ne pas être crue !", conclue Marjorie Sueur.