Affaires, programme… Dans les coulisses de la défaite de François FillonAFP
L'aventure présidentielle de François Fillon s'est arrêtée le soir du 23 avril lorsqu'il a obtenu 20,01% des voix et n'est pas parvenu à se qualifier pour le second tour. Un coup dur pour celui qui pensait réussir à s'imposer malgré les affaires dans lesquelles il était empêtré depuis trois mois. Retour sur tous ces éléments qui ont conduit le candidat à la défaite. 

Planet : Les affaires d’emplois présumés fictifs de sa femme et de ses enfants sont-elles les seuls éléments qui ont conduit à la défaite de François Fillon ?

Alexandre Lemarié* : "Les affaires sont effectivement un facteur déterminant. Dès qu’elles ont éclaté avec les révélations du Canard Enchaîné le 24 janvier, la campagne de François Fillon est devenue très difficile à mener. Dès lors, le candidat a commencé à être sifflé et pris à partie pendant ses déplacements. Mais avant même que l’on entende parler des emplois présumés fictifs de sa femme et de deux de ses enfants, l’ancien Premier ministre devait déjà composer avec un projet fragilisé. Lui qui avait 32% d’intentions de vote pour le premier tour le soir de sa victoire à la primaire de la droite et du centre fin novembre, avait perdu 5 points en un mois. En effet, son projet pour la Sécurité sociale avait beaucoup troublé les Français, de même que sa proposition d’âge de départ à la retraite fixé à 65 ans ou encore sa volonté de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires.

Planet : Pensez-vous également que celui qui était surnommé le ‘troisième homme’ lors de la primaire de la droite et du centre a pêché par excès de confiance ?

Alexandre Lemarié : Oui, peut-être. Mais il n’a surtout pas pris la mesure des affaires et de leurs conséquences sur sa campagne lorsqu’elles ont éclaté. François Fillon était alors presque dans le déni. Il n’a pas compris tout de suite ce qui risquait de se passer. Pareil pour son entourage. Tous ont cru qu’il pourrait faire le dos rond et qu’au bout de trois ou quatre jours l’actualité aurait tout balayé. Ils se disaient que, comme cette pratique est assez courante en politique, les Français n’allaient pas s’offusquer outre mesure. Mais ces derniers n’étaient pas au fait de ces pratiques et ont été d’autant plus stupéfaits que François Fillon candidatait à la présidence de la République. Et c’est ainsi que ces affaires ont pollué sa campagne jusqu’à la fin.

Planet : Quel rôle ont joué Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ?

Alexandre Lemarié : Quand les affaires ont éclaté, ni les Sarkozystes ni les Juppéistes n’étaient prêts à soutenir François Fillon. Les soutiens de Nicolas Sarkozy n’avaient pas oublié la remarque du candidat sur la probité pendant la primaire, ceux d’Alain Juppé n’étaient pas beaucoup associés à sa campagne et étaient encore dans la rancœur du second tour. Mais très vite, ces derniers se sont organisés en coulisses pour essayer de le remplacer.

Planet : Pourquoi n’y sont-ils pas parvenus ?

Alexandre Lemarié : D’un côté parce que François Fillon n’a jamais vraiment voulu lâcher, d’un autre parce qu’Alain Juppé n’en avait pas vraiment envie. Son entourage y était pourtant très favorable mais il manquait d’enthousiasme. Le maire de Bordeaux voulait revenir à la condition que tous les Républicains soient derrière lui. Or, le jour du grand rassemblement de François Fillon au Trocadéro, le 6 mars, il a pris conscience que les Sarkozystes tels que François Baroin et Eric Ciotti étaient toujours derrière le candidat élu en novembre. C’était une journée clé puisque c’est à ce moment-là que l’ex-ministre a réalisé qu’il ne trouverait pas sa place facilement et qu’en interne tout le monde ne serait pas derrière lui.

Planet : La défaite de François Fillon à la présidentielle est-elle également celle de sa carrière politique ?

Alexandre Lemarié : A la différence de Lionel Jospin qui avait annoncé la fin de sa carrière politique après le premier tour de la présidentielle de 2002, François Fillon a simplement dit qu’il se retirait de la vie politique, laissant ainsi entendre que sa décision était temporaire. Il ne devrait donc pas être candidat aux législatives ni aux sénatoriales mais on peut supposer qu’il revienne à moyen ou long terme pour briguer un nouveau mandat. En attendant, l’ex-Premier ministre devrait prendre du champ et aussi se remettre de ce qu’il a vécu. Actuellement, François Fillon est comme un accidenté dans un état post-traumatique".

*Alexandre Lemarié est coauteur de François Fillon, les coulisses d’une défaite (éd. L’Archipel)