Costumes, tailleurs, cravates... : l’habit fait-il le politique ?Istock
À de rares exceptions, les hommes et femmes politiques semblent toujours habillés de la même manière. Planet.fr a interrogé Frédéric Monneyron, sociologue de la mode, sur l'origine de leurs codes vestimentaires.
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Qui dit homme politique dit costume et cravate, qui dit femme politique dit tailleur et talons. Des façons de s’habiller rentrées pleinement dans les mœurs et devenues des classiques. Mais pourquoi semble-t-il aussi important que les politiques s’habillent en suivant toujours ces mêmes modèles ?

"C’est la norme", explique tout simplement Frédéric Monneyron*, sociologue de la mode et des vêtements, à Planet.fr. Depuis très longtemps, les hommes politiques français portent en effet des costumes. Si quelques détails ont évolué, comme le passage du foulard à la cravate autour du cou par exemple, rien n’a vraiment changé.

"Austère dans la couleur comme dans la forme"

"L’homme politique est traditionnellement habillé en costume-cravate. Ce dernier est lié aux codes vestimentaires imposés à partir du XIXe siècle. Aujourd’hui, les politiques sont le seul corps professionnel qui résiste vraiment aux changements et conserve le costume. Même dans le monde de la finance on observe une évolution depuis peu", nous raconte Frédéric Monneyron.

Porté par tous, ou presque, dans les sphères de la politique, le costume est devenu un vêtement uniformisé, "austère dans la couleur comme dans la forme". S'il est aussi populaire chez les politiques, c'est en partie à cause de sa valeur symbolique. En effet, le costume est le plus souvent taillé dans des tissus simples de couleurs neutres, comme le gris ou le noir. Son aspect austère et neutre correspond très bien à l'image que l'on se fait de la fonction politique et à l’imaginaire qui lui est associé.

Dans un milieu où la posture compte beaucoup, le costume est presque devenu l'attribut des politiques. "Le vêtement n’est jamais indifférent", analyse Fréderic Monneyron. Il y a toujours une valeur symbolique qui lui est attaché. Les politiques, cherchant à apparaître comme des figures sérieuses et autoritaires, capables de diriger un pays, adoptent alors le costume qui reflète ces qualités par son aspect austère. Adopter cette apparence, c'est adopter l'imaginaire qui lui est associé.

"Le costume est l'uniforme du politique"

Pour les femmes, le tailleur pantalon, apparu dans les années 1960 grâce à Yves Saint-Laurent, projette la même image. Au départ censé symboliser une prise de pouvoir par les femmes en s’émancipant des codes de la mode, il est en réalité un simple alignement sur ceux des hommes. "Les femmes politiques sont rentrées dans les normes masculines, par la forme et les couleurs de leurs vêtements". Les tailleurs doivent avoir des coupes simples et des couleurs neutres.

"Le costume est l’uniforme du politique", précise Frédéric Monneyron, tout comme son équivalent féminin, le tailleur. Et tout écart vis-à-vis de cette norme est mal vu. Ainsi, on peut citer le scandale de la robe blanche à fleurs bleues de Cécile Duflot en 2012, alors ministre du Logement, le costume à col Mao, porté sans cravate, de Jack Lang, le ministre de la Culture en 1985, ou plus récemment le t-shirt de Philippe Poutou lors du débat rassemblant tous les candidats à l’élection présidentielle. Ils ont tous un point commun : avoir refusé cet "uniforme" et s’être permis un peu d’originalité, ce qui a valu à chacun de nombreuses critiques.

Le vêtement d'un corps de métier pour se distinguer

L’uniforme est ce qui permet d’identifier une personne selon son appartenance à un groupe. Dans le monde professionnel, porter tel ou tel uniforme signifie que l’on fait partie de tel ou tel corps de métier. Une façon de se distinguer qui n'est pas nouvelle. "Déjà, avant la Révolution française, les différents ordres de la société (noblesse, clergé, Tiers état) n’étaient pas habillés de la même manière. Il y a aussi les vêtements de métiers, celui du militaire ou du menuisier par exemple."

*Frédéric Monneyron, docteur ès lettres et sciences humaines et docteur en sciences politiques, est l'auteur de La Frivolité essentielle (éd. PUF, 2014) et de L'Imaginaire du luxe (éd. Imago, 2015).

Partenaire : Le Bar à Cravate