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La cote de popularité d'Emmanuel Macron souffre ces derniers mois d'instabilité. Le président est-il prêt à aller chercher du côté de la droite conservatrice ?
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Ancien monde contre nouveau monde, "global" contre "natio", ville contre campagne… Malgré sa politique du "en même temps", Emmanuel Macron reste dans une position clivante vis-à-vis de ceux qu’on pourrait qualifier de conservateurs.

D’ailleurs un livre sorti le 28 mars dernier vient apporter un nouvel éclairage : Le vieux monde est de retour, de Pascale Tournier. Celle qui est également rédactrice en chef adjointe à La Vie, décrit dans son ouvrage ceux qui forment depuis La Manif pour tous en 2012, la nouvelle nébuleuse conservatrice française. Et selon la journaliste, Emmanuel Macron ne leur est pas insensible dans une certaine mesure. La preuve ? La nomination de Sylvain Fort, ancien collaborateur de Laurent Wauquiez, comme conseiller discours et mémoire.

Dans les textes qu’il écrit pour le président, elle décèle des références qui doivent parler à la frange conservatrice de l’électorat français : "La tonalité très littéraire du discours que prononce Emmanuel Macron en hommage à l'écrivain disparu Jean d'Ormesson "superficiel par profondeur" est remarquée. De quoi renforcer la parole présidentielle et l'arc transcendantal du chef de l'État. Attachés aux symboles et à l'idée d'un pouvoir incarné, en ce qu'il conjugue expression charnelle et autorité spirituelle, ou dit autrement, d'un verbe qui s'est fait chair, les électeurs de droite et les plus catholiques d'entre eux sont les premiers séduits", écrit notamment Pascale Tournier.

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Diminuer la marge de manœuvre à droite

Pour autant est-ce là une vraie stratégie de conquête d’un électorat qui voyait François Fillon aux manettes et qui se tourne désormais vers Laurent Wauquiez ? Pas si sûr pour le politologue Bruno Cautrès. Selon lui, il y a surtout une volonté pour Emmanuel Macron de ne pas se laisser déborder. "Alors que le Parti socialiste est en cure de rétablissement, Les Républicains sont dans une situation légèrement plus favorable, dans laquelle ils cherchent notamment à se re-légitimer, à clarifier leur message mais aussi à affirmer une identité forte. Le parti de Laurent Wauquiez a par ailleurs engrangé des victoires dans des élections partielles. Pour Emmanuel Macron c’est donc important de ne pas laisser trop d’espace à LR", estime-t-il.

Ne pas se laisser déborder implique pour le président de la République de s’abstenir de mettre sur la table des grands sujets sociétaux qui s’avéreraient clivant à l’instar de l’ouverture la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de lesbiennes. Selon Bruno Cautrès, Emmanuel Macron a été particulièrement marqué par les critiques formulées à l’égard de François Hollande lors du vote de la loi sur le mariage pour tous. "A l’époque, François Hollande a été critiqué sur le front de ‘’il y a plus urgent en matière socio-économique’’. Pour autant, même si les thématiques sociales sont absentes des discours, il y viendra dans la deuxième partie de son mandat. Pour l’instant ses priorités sont d’ordre économique et institutionnel", détaille le politologue, qui ajoute que le créateur d’En Marche doit également composer avec une frange particulière de sa famille politique : les centristes catholiques et humanistes.

Outre les questions sociétales, pas question non plus pour Emmanuel Macron de se laisser déborder sur des valeurs chères à la droite. Après les attentats de l’Aude, il s’est gardé de réagir aux invectives de Laurent Wauquiez et Marine Le Pen, restant dans son incarnation très "traditionnelle et verticale" de la fonction présidentielle. Une posture qui parle aussi à un certain électorat conservateur…

Mieux conquérir au niveau local pour envisager 2022

Cette posture distanciée à travers laquelle Emmanuel Macron cherche à "rétablir le crédit de la parole politique", lui permet aussi de maintenir son équilibre dans le projet centriste qu’il mène. Au-delà des clivages, le locataire de l’Elysée veut rassembler et "apaiser" face au "sentiment d’anxiété et d’angoisse qui habite la population sur les questions économique et sécuritaire", précise Bruno Cautrès.

Cela nécessite par ailleurs d’atténuer l’impression qui domine pour le moment dans l’opinion publique : "Il sait que l’image de président des riches, et de président éloigné de son peuple lui colle à la peau. Cette dernière image est d’ailleurs ce qui ressort de plus en plus". Parmi les réformes les plus impopulaires menées par son gouvernement : la hausse de la CSG pour les retraités. Or, ces derniers s’abstiennent moins que les jeunes et votent plus à droite.

Cette partie de la population représente également un enjeu à long terme pour Emmanuel Macron : la présidentielle de 2022. "Emmanuel Macron a compris que l’enjeu essentiel de la prochaine présidentielle serait les territoires. Or son mouvement En Marche a besoin d’un ancrage, il ne pourra durer dans le temps que s’il est ancré localement", rappelle Bruno Cautrès. Elu par les jeunes urbains (Au premier tour les 25-34 ans avaient voté à 28% pour lui, alors que François Fillon captait 45% des 70 ans et plus), Emmanuel Macron n’a d’autre choix que d’élargir sa base s’il veut garder le contrôle du gouvernail. Ce jeu savant de dosage et de timing auquel le président de la République est particulièrement rompu s’est dernièrement manifesté dans une opération de séduction des territoires, un vivier important pour les prochaines européennes et municipales.