Clin d’œil, tape virile… Comment communiquent les puissants de ce monde ?AFP
Certains, comme Emmanuel Macron, aiment les sourires et les regards malicieux. D'autres, plus similaires à Donald Trump, cherchent à prendre l'ascendant physiquement. Mais que signifient vraiment ces gestes qu'affectionnent tant nos dirigeants ?
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C'est peut-être la version française de la “tape sur l'épaule” des espions, affirme le Times, qui s'attarde sur les nouveaux modes de communications des puissants. Parmi ceux-là, ils identifient notamment le clin d'oeil d'Emmanuel Macron, qui contribuerait notamment à lui donner un véritable air de gentleman. Mais le président de la République n'est pas le seul à opter pour cet espiègle regard. D'aucuns pourraient aussi penser à Barack Obama, par exemple, ou à Theresa May, rappelle le Courrier International, qui revient lui aussi sur l'article britannique.

Ce n'est pourtant pas le seul mode d'expression qu'affectionnent les chefs d'Etat, assure-t-on Outre-Manche, où l'on dresse une opposition entre les “traditionnelles poignées de main”, typique de celle qu'apprécie Donald Trump, comme le rappelle le Huffington Post

Il n'empêche : certains dirigeants semblent pouvoir jongler entre les deux registres. En tenant tête au président Américain, Emmanuel Macron avait fait couler beaucoup d'encre. Tant et si bien que l'agence de presse Reuters a décrit ce long instant comme un moment de “diplomatie de la poignée de main”

Comment communiquent les puissants : pourquoi le clin d'oeil ?

Certains n'ont pas attendu d'entrer en politique pour baser leur communication autour d'un regard aussi malicieux que charmeur. C'est le cas du président de la République, rappelle Philippe Moreau-Chevrolet. "Emmanuel Macron est un adepte du clin d'oeil depuis toujours. Il était déjà réputé pour cela quand il était associé-gérant de la banque Rothschild, à Paris", explique l'ancien journaliste spécialisé notamment dans la communication politique. Une habitude qui, de toute évidence, n'a que peu de chances de s'avérer préjudiciable à une figure d'autorité aux commandes d'une nation.

"Le clin d'oeil est une excellente technique pour un homme politique, qui est toujours, par définition, une 'machine à séduire'", souligne d'entrée de jeu le président de MCBG Conseil. Et lui de préciser son propos : "Il crée une complicité, sans être sexuel, et sans qu'il soit besoin de verbaliser. C'est très immédiat, très efficace."

Quant à savoir pourquoi ce modèle de communication s'est démocratisé plus que d'autres... Le spécialiste n'exclut pas un effet de mode. "Il y a des modes en communication politique, des vagues. Le clin d'oeil, passé d'Obama à Macron, ira sans doute de Macron à d'autres dirigeants. Aujourd'hui, la communication politique est globalisée. Elle n'a plus de frontière", rappelle-t-il.

Comment communiquent les puissants : pourquoi la poignée de main ?

"Face à la préciosité d'un Emmanuel Macron, très française au fond, le contraste est violent", résume Philippe Moreau-Chevrolet, quant il s'agit de comparer le mode de communication non verbale du président américain à celui de son homologue hexagonal. Quand bien même l'échange de poignées de main ne s'était pas vraiment révélé à son avantage, lors de la première rencontre. 

Un désaveu d'autant plus commenté, rappelle le spécialiste que "le modèle de Donald Trump est basé sur l'agressivité, la domination brutale, comme l'illustre sa poignée de mains, où il cherche à prendre physiquement l'ascendant sur l'autre". "D'une façon presque humiliante", précise d'ailleurs l'ancien journaliste. 

Jouer des poignées de mains ne signifie pas nécessairement les multiplier pour autant. A plus d'une reprise, le président américain a choisi de ne pas serrer la main à d'autres dirigeants, dont Emmanuel Macron, indique le Huffington Post. Le 10 novembre 2018, à l'occasion de la commémoration du centenaire de la fin de la Première guerre mondiale, il préféra afficher un pouce levé devant les caméras.

Naturellement, il n'est pas le seul à employer ce type de méthodes, mais il s'éloigne drastiquement de ce qui a pu se faire du côté de ses prédécesseurs directs. "Il se rapproche davantage, en termes de communication, d'un Vladimir Poutine, qui surjoue la virilité", estime le communicant.

Dégagisme, cravate... Quelles sont les modes de communications politique à retenir ?

"Valls valse : encore une victoire du dégagisme", se félicitait Jean-Luc Mélenchon, en janvier 2017, avant la présidentielle de la même année. L'expert y voit d'ailleurs une mode. 'On assiste depuis des années à une poussée des méthodes de communication populistes", souligne Philippe Moreau-Chevrolet. Il décrit "une attitude anti-médias, un brouillage des lignes politiques, des petites phrases 'chamboule-tout' des dirigeants, pour occuper l'espace et contrôler l'agenda". 

Et lui de conclure : "A une époque, tous les jeunes dirigeants européens ont renoncé, presqu'en même temps, à la cravate et adopté la chemise blanche sans veste. Tsipras, Renzi, Iglesias, Valls... Ce sont des techniques qui se répandent, presqu'en dépit des hommes politiques. Pas toujours d'une manière consciente. Chacun prend dans la culture de son époque. Le clin d'oeil, passé d'Obama à Macron, ira sans doute de Macron à d'autres dirigeants. Aujourd'hui, la communication politique est globalisée. Elle n'a plus de frontière."

Faut-il vraiment penser que les modes de communications s'opposent systématiquement ?

Certes, les façon dont les chefs d'Etat s'expriment peuvent sembler contradictoire. Contrairement à ce que pourraient faire un Donald Trump ou un Vladimir Poutine, Emmanuel Macron privilégie "un modèle de communication positif, basé sur la séduction et une mise en scène de l'empathie - qui semble toujours un peu surjouée", explique Philippe Moreau-Chevrolet.

"Il se met en scène comme un héros français, au service de son pays", résume le communicant, qui décrit "un modèle classique, un peu daté, presque suranné, du Français parti à la conquête du monde". "C'est un mélange de Mitterrand, de Sarkozy et de Chirac. Avec même un peu de Hollande. La grandeur, l'agressivité presque vulgaire, la 'tchatche', et un soupçon de complaisance", note encore l'ancien journaliste.

Mais si différents que puissent sembler ces différentes façons de communiquer, il reste très important, pour un responsable politique, de savoir jongler. Toutes et tous ne sont pas égaux en la matière.

"Les dirigeants qui ont le plus de mal à adapter leurs modes de communication à la nouvelle donne sont ceux qui n'utilisent peu ou pas les réseaux sociaux a titre personnel, ou qui ont hérité des codes des générations précédentes, sans les remettre en cause", détaille le spécialiste, qui cite Hillary Clinton comme exemple, estimant qu'elle "ne sait pas être émotionnelle ni utiliser sa gestuelle au service de son discours". "François Hollande est dans la même catégorie. Ce n'est pas une affaire d'âge puisqu'Angela Merkel, par exemple, a une très bonne gestuelle. Avec son fameux geste du 'diamant' - les mains réunies en forme de losange devant le buste", précise-t-il d'ailleurs..