Tarification de l'énergie : électricité dans l'air entre Sénat et gouvernement
Le Sénat a torpillé dans la nuit de mardi à mercredi le texte PS sur la tarification progressive de l'énergie à la suite d'une fronde des élus communistes.

Une motion d'irrecevabilité présentée par les sénateurs communistes du CRC et déjà votée jeudi en commission des Affaires économiques, a été ratifiée en séance avec l'apport des voix des sénateurs UMP et centristes.

La gauche n'étant majoritaire que de six voix au Sénat, la motion a été mathématiquement adoptée.
C'est le premier texte soutenu par le gouvernement à être retoqué par une chambre du Parlement depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. Ce rejet de la proposition de loi (PPL) du député PS, François Brottes, le monsieur énergie de la campagne de François Hollande, sonne comme un désaveu du gouvernement.

"Le gouvernement est déterminé à faire aboutir ce texte" a déclaré après le vote la ministre de l'Ecologie Delphine Batho. "Je regrette que des élus de gauche, du groupe communiste, aient pu être instrumentalisés par la droite pour bloquer un texte de justice sociale et d'efficacité écologique", a-t-elle lancé provoquant les protestations des rangs communistes.

Elle avait ouvert le débat en fin d'après-midi en souhaitant un "débat constructif et fructueux". Elle avait détaillé le texte qui prévoit l'instauration d'un tarif progressif consistant à facturer la consommation de gaz, d'électricité et de chaleur (quels que soient le fournisseur et le type d'offre souscrite) selon un système de "bonus/malus" ainsi que son volet étendant les tarifs sociaux de l'énergie. "Ceux qui dénoncent une usine à gaz oublient la complexité des réformes dont ils sont à l'origine", a-t-elle souligné visant la droite qui a mis en minorité la majorité gouvernementale en se ralliant à la motion d'irrecevabilité communiste.

Après la ministre, le président PS de la commission des Affaire économiques Daniel Raoul a présenté la PPL à la place du rapporteur PS Roland Courteau, qui avait démissionné après le vote de la motion en commission.

Témoignant du malaise régnant y compris parmi les sénateurs PS qui critiquent la complexité du système et estiment ne pas avoir été écoutés par l'exécutif, il a émaillé sa présentation notamment du système de bonus/malus de commentaires tels que "je vous souhaite bien du plaisir" "mise en application très difficile".

C'est ce système qui a déclenché une pluie de critiques. Les communistes comme l'UMP, Jean-Claude Lenoir ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme "une rupture d'égalité devant l'accès à l'énergie, sur la base de critères contestables". "C'est injuste et impraticable", déplore Mireille Schurch (CRC).

M. Courteau avait remanié de fond en comble le système de bonus/malus le rendant "plus lisible" mais pour ajouter à la confusion le gouvernement avait donné un avis négatif à ses modifications. Il a vivement combattu la motion s'élevant contre une "majorité de circonstance" PCF-UMP-Centriste. "Cette motion retarde l'adoption de cette PPL et donc des dispositions sociales pour les personnes les plus en difficulté" a-t-il aussi déploré.

"C'est un vote contre l'ouverture des débats sur la transition énergétique" au nom "d'un accord sur le tout nucléaire", a fustigé l'écologiste Ronan Dantec, faisant allusion à la position pro-nucléaire du PCF. Cet échec du gouvernement, après celui sur le projet de loi sur le logement, est du pain béni pour la droite. Le centriste Vincent Capo-Canellas a dénoncé "l'impréparation" du texte.

La PPL "visant à préparer la transition vers un système énergétique" est inscrite en procédure accélérée (une lecture par assemblée) poursuit néanmoins son parcours parlementaire.

Le gouvernement peut maintenant convoquer une CMP (commission mixte paritaire, 7 sénateurs et 7 députés) qui soumettra ensuite ses conclusions au vote des deux chambres. Ces conclusions, si un accord n'est pas trouvé, seront alors rejetées par le Sénat et le texte sera à nouveau soumis aux députés et sénateurs. Le gouvernement peut aussi sauter l'étape de la CMP mais en tout état de cause c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.