Affaire Maëlys : pourquoi l'autopsie est particulièrement difficileAFP
Depuis le 14 février dernier, les experts analysent les ossements de Maëlys de Araujo afin de trouver le moindre indice. Planet s'est entretenu avec Bruno Boulestin, docteur en médecine et anthropologue, afin de savoir comment ils procédaient.

Les aveux de Nordahl Lelandais ont permis aux gendarmes, le 14 février dernier, de retrouver les ossements de Maëlys de Araujo. Le squelette avait été abandonné dans un ravin près d’Attignat-Oncin. Alors que le mis en examen a refusé pour l’instant de livrer des détails sur les circonstances du meurtre qu’il a avoué, les enquêteurs eux cherchent le moindre indice sur la dépouille de la fillette. Mais, faire parler un squelette n’est pas chose aisée comme nous le confie, Bruno Boulestin, docteur en médecine et anthropologue. 

Dans l'autopsie d’un squelette, il y a deux volets : le premier concerne l’ostéobiographie, c’est-à-dire tout ce qui concerne l’identification, le deuxième se penche sur les causes de la mort. Dans le cas de l’affaire Maëlys, l’identification a été assez simple, mais elle peut s’avérer être un vrai casse-tête. "Ce qui fonctionne bien, c’est l’ADN, mais encore faut-il avoir quelque chose pour le comparer. Ensuite, il y a l’identification dentaire. Là ce sont des dentistes qui interviennent pour faire des schémas, qui sont ensuite envoyés à tous les dentistes qui pourraient permettre une identification", explique-t-il.

Deux caractéristiques peuvent en revanche s’avérer particulièrement délicates : l’âge et le sexe. "On peut être assez précis chez les enfants grâce à la croissance, mais après 12 ans ça se complique. On peut se baser sur le fémur. Au milieu et aux extrémités, il y a des signes qui permettent de différencier un adolescent d’un adulte. En revanche, et c’est sujet à polémique, mais après la croissance il n’y a aucune méthode fiable pour avoir un âge précis. Parfois les légistes se basent sur la 4ème côte, mais ce n’est pas toujours possible. Disons que face à un sujet entre 30 et 50 ans, c’est compliqué d’être précis", détaille Bruno Boulestin. De la même façon, "impossible de déterminer le sexe chez les sujets immatures". L’os qui peut permettre de dire s’il s’agit d’une femme ou d’un homme est l’os coxal, c'est qu'avec la maturité qu'il se différencie chez une femme adulte de chez un homme.

Ce que peut et ne peut pas dire une fracture

Dans le cas de l’affaire Maëlys, il a été révélé la semaine dernière que la fillette avait eue la mâchoire fracturée. Quand bien même certains spécialistes assurent dans les médias qu’il sera possible de dire si cela s’est passé avant ou après la mort, Bruno Boulestin est formel : c’est faux. "On a de bons critères de différenciation, pour déterminer ce qui est survenu sur un os à l’état frais et un os qui ne l’est plus. Mais attention à ce mot frais. Un os est frais quand il est vivant, mais aussi pendant un certain temps après la mort. Résultat, on peut parler de lésion périmortelles, une lésion qui est survenue autour de la mort", explique Bruno Boulestin.

Ainsi, dans le cas de Maëlys de Araujo par exemple, "entre la possibilité que la fillette ait reçu un coup violent, et la possibilité qu’une fois décédée son corps ait été jeté dans le ravin, entraînant alors une fracture, on ne peut pas le dire". Les cas où l’on peut clairement identifier une fracture pré-mortem, c’est lorsqu’elle survient au moins plusieurs jours avant le décès "parce qu’il y a un début de reconstruction osseuse", détaille le spécialiste. Il faut tout de même compter en moyenne une huitaine de jours.

Comme le précise Bruno Boulestin, certains légistes ont parfois recours à un examen particulier. Si l’os fracturé est imbibé de sang, c'est que la cassure est survenue avant la mort, si ça n’est pas le cas, elle est survenue après. "Cette technique ne fonctionne pas à 100%, à partir de là, elle n’est donc pas fiable", insiste le spécialiste.

Pour autant, la vingtaine d’experts qui s’affairent aujourd’hui autour de la dépouille de Maëlys pourront chercher d’autres traces comme celles d’objets contondants ou tranchants. Ils pourront examiner notamment l’os hyoïde qui se brise lorsqu’il y a étranglement. En revanche, si une blessure infligée à la fillette n’a pas touché un os, elle sera impossible à détecter.

L’audition de Nordahl Lelandais de ce lundi 19 mars est très attendue et devrait, espèrent les juges d’instructions et les enquêteurs, permettent d’éclaircir les circonstances du meurtre.