Que vous soyez un passionné de numismatique ou un collectionneur aguerri, il est essentiel de savoir identifier les pièces de valeur. Voici quelques critères pour reconnaître une pièce de monnaie rare.
Frédéric Farah est économiste affilié au PHARE, enseignant-chercheur à l'université Panthéon-Sorbonne et généralement rangé à gauche. Il a notamment écrit Fake state :L'impuissance organisée de l'état en France (éditions H & O)
Planet.fr : La dette mondiale "flambe" à 250 000 milliards de dollars et atteindra un pic "historique" cette année. De nombreux titres de presse se sont attardés sur ces chiffres qui peuvent, il est vrai, donner le vertige. Les taux étant faibles, les Etats ont beaucoup emprunté. Est-ce fondamentalement une mauvaise chose ?
Frédéric Farah : Tout d'abord, il me semble important de rappeler qu'il n'existe pas à ce jour de consensus universitaire permettant d'affirmer à partir de quand une dette d'Etat devient plus inquiétante qu'une autre. Nous ne sommes pas en mesure, à ce jour, de dire si une dette représentant 120% du PIB du pays concerné est intrinsèquement plus dangereuse qu'une dette ne représentant "que" 100% ou même 80%. Pas sur la seule base de son montant. Il faut surtout s'intéresser aux conditions de financement de la dette en question. C'est vrai aussi à échelle mondiale
Rappelons aussi qu'il n'est pas pertinent de ne s'intéresser qu'à la dette publique. La seule dette qui compte, c'est celle que l'on dit "globale". Elle regroupe la dette publique et la dette privée, c'est-à-dire celle des entreprises et des ménages. En France, par exemple, la dette privée est assez largement supérieure à celle du public. Or, c'est mathématique : quand la dette du privé augmente, celle du public diminue et inversement. Par ailleurs, toutes les dettes publiques du monde, ou presque, sont aujourd'hui en forte hausse du fait du coronavirus CoVid-19.
Cela n'a rien de très étonnant : les recettes diminuent, du fait notamment des mesures sanitaires de protection aux entreprises, et les dépenses augmentent.
Pour autant je ne crois pas que la situation économique soit particulièrement inquiétante en l'état actuel des choses. Aujourd'hui, les grands États dont la signature est sûre (comme c'est le cas de la France ou de l'Allemagne, par exemple) s'endettent à bon marché. Cela signifie donc que les acteurs financiers n'hésitent pas à aller vers des acteurs sûrs… et que nous ne faisons donc pas face, pour l'instant, à des problèmes de financements de notre dette.
Dette mondiale : quels sont les pays les plus fragiles ?
Pour certaines nations, cependant, force est de constater que la situation paraît plus dangereuse. Je pense notamment au Liban, par exemple, mais les difficultés sur place préexistent assez largement la pandémie actuelle.
Globalement, les défauts peuvent exister : ils viendraient alors de pays fragiles économiquement. Les gros marchés obligataires, qu'il s'agisse de la France, des Etats-Unis ou du Japon par exemple, sont pour l'heure, à l'abri de la tourmente.
Certes, d'aucuns pourraient argumenter que si la dette publique augmente trop, le scénario pourrait devenir de plus en plus inquiétant. Particulièrement en cas d'une forte angoisse des marchés financiers. Cependant, c'est là un scénario à relativiser. N'oublions pas, en effet, qu'une part majeure de la dette française - environ 20% - est détenue par la Banque de France via la Banque Centrale Européenne. Or, il est évident que la Banque de France ne va pas commencer à vendre massivement nos titres de dette. Dès lors, parce que la BCE continue à acheter des titres de dette européens, elle contribue à stabiliser l'activité économique.
Naturellement, cela ne veut pas dire que nous sommes absolument hors de danger. Si la dette privée croît trop, les banques de second rang pourraient faire face à un risque de défaut de crédit, qui rejaillirait alors sur les PME et les particuliers. Mais je pense que, dans ce cas précis, nous assisterions probablement à une relance concertée des banques. L'Union Européenne ne peut pas se permettre de voir ses mastodontes aller à terre.
Dette mondiale : sur qui retomberait un défaut de remboursement ?
Planet.fr : Faut-il craindre un défaut de remboursement à échelle mondiale ? Une telle explosion de la dette est-elle dangereuse pour les Etats ? Qu'en est-il du contribuable ? Le FMI insiste lui-même sur la nécessité de soutenir la consommation et de ne pas baisser la dépense publique…
Frédéric Farah : Naturellement, il peut y avoir des défaillances liées à États, de manière isolée. Pour autant, en l'état actuel, il semble peu crédible que de grosses nations puissent faire défaut : même aux Etats-Unis, où la situation sanitaire est catastrophique et où la dette publique grimpe, la FED continue de racheter des titres de dettes.
Cependant, c'est là une question essentielle ! Car, de fait, si défaillance il y a, qui va payer la note ? L'histoire récente invite à la plus grande prudence. Lors de la crise économique survenue entre 2008 et 2009, notre classe politique a fait le choix de sauver les banques et de faire porter l'addition aux contribuables. Cela s'est traduit par une brutale cure d'austérité dans toute l'Europe et particulièrement en Grèce, ou les classes populaires ont payé un très lourd tribut. Le risque, aujourd'hui, j'en ai peur, c'est que l'on fasse encore peser sur les épaules des plus fragiles la dette CoVid. Les élites sont toujours tenter à faire la défense de leur propre richesse et de leur propre intérêt.
"S'il y avait effectivement un défaut de remboursement, à échelle française ou mondiale, il nous faudrait nous le payer" - Frédéric Farah
Concrètement, s'il y avait effectivement un défaut de remboursement - à échelle française ou mondiale -, je pense que ce serait à nous de payer. A grands coups d'impôts indirects, de diminution drastique des services publics… Je n'ai pas confiance en nos élites pour faire une répartition de la charge qui aurait un tant soit peu le parfum de l'équité.
La crise sanitaire utilisée pour justifier davantage de rigueur économique ?
Planet. fr : En France comme ailleurs, la rhétorique de la dette a très souvent été utilisée pour justifier des politiques rigoristes sur le plan budgétaire. La crise sanitaire et économique que nous traversons n'illustre-t-elle pas la faillite de ces lignes de pensées ?
Frédéric Farah : Certes, on pourrait estimer que la crise sanitaire que nous traversons - ainsi que son volet économique - soulignent les failles évidentes du rigorisme budgétaire qui règne depuis longtemps, au moins sur l'Europe. Pour autant, cela ne signifie pas, je crois, que celui-ci va nécessairement disparaître. L'idéologie qui lui permet de tenir profite d'un rapport de force très favorable, déjà installé.
Le discours rigoriste n'a d'ailleurs pas disparu : on l'entend déjà de nouveau. Il est essentiel pour construire la culpabilisation des classes populaires et donc préparer, demain, à de nouvelles purges austéritaires. Pendant trente ou quarante ans, cela a très bien marché. On nous a rabâché que la France dépensait trop, que l'État social était beaucoup trop généreux, qu'il laissait faire les faux chômeurs et fermait les yeux sur les abus. Ces propos mensongers visent à rendre responsables des individus qui ne sont pas coupables des inégalités ou de la pauvreté.
"Les élites économiques et politiques feront tout leur possible pour entretenir le rapport de force qui leur est favorable" - Frédéric Farah
Aujourd'hui encore, ce discours opère, mais de moins en moins. Il capitalise sur la peur ambiante et pourtant, même en battant quotidiennement la grosse caisse, il devient de plus en plus évident que les Françaises et les Françaises y souscrivent de moins en moins. C'est là, à mon sens, la résultante d'une perte de crédibilité des élites. La parole politique est dépréciée et quoi de plus normal ? Nul n'ignore que, pour faire face à la précédente crise économique, nos dirigeants ont fait le choix de réduire les services publics, de rogner sur l'hôpital par exemple. Celles et ceux qui doutaient encore des problèmes que cela pouvait engendrer ne peuvent que constater la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Et, comme toujours, les citoyens les moins dotés matériellement sont considérés comme des variables d'ajustements. Ils ne l'ignorent pas.
Ce qui m'apparaît surprenant - au vu du discours présidentiel qui faisait état d'un "monde nouveau" - c'est que la rengaine économique n'a absolument pas changé. C'est exactement la même et l'épidémie ne saurait être l'occasion d'un changement de système, plus favorable à la défense des fragiles. Au contraire, je pense que nous assisterons uniquement à une accélération de ce type de politique économique austère. Il y aura peut-être un déclic de la population - ce serait souhaitable - mais les élites économiques et politiques sont, hélas, en mesure d'imposer leur volonté. C'est bien pour cela qu'elles feront tout leur possible pour entretenir le rapport de force actuel. A terme, je crains qu'elles s'assurent de ne pas payer la dette CoVid et n'invoquent les dépenses engagées pendant la crise sanitaire pour justifier davantage de rigueur.