Réforme des Retraites : l’"obstruction parlementaire" coûtera une fortune aux contribuablesIllustrationIstock
Plus de 40 000 amendements à examiner. En plus de durer plusieurs années, le travail parlementaire pourrait être extrêmement cher.
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1,5 million d’euros par jour. Voici à combien sont estimés les journées d’examen des amendements et sous-amendements de la réforme de retraite. C’est ce qu’affirme sur Twitter le premier questeur de l'Assemblée nationale, Florian Bachelier. Car depuis le lundi 17 février, les députés examinent le projet de loi tant controversé. En guise de désaccord, l'opposition a donc déposé plus de 40 000 amendements. 56% proviennent de La France insoumise et 32% du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La majorité parlementaire dénonce une technique d'"obstruction parlementaire", rapporte franceinfo.

Réforme des retraites : "Chaque jour ne se vaut pas"

Le député de l'Ille-et-Vilaine cite dans son tweet son collègue de La République en marche, Jean-René Cazeneuve. Il a affirmé en séance qu'il faudrait "20 ans de débats nuit et jour" pour que tout soit étudié. 

Contacté par franceinfo, Florian Bachelier indique s'être appuyé sur le budget annuel de l'Assemblée, "550 millions d'euros" selon lui, pour établir cette estimation. Après vérification, les dépenses budgétaires totales établies pour l'année 2020 se montent à près de 568 millions d'euros. Déficit prévu ? 48 millions d'euros. Ainsi, le coût d'une journée de travail parlementaire se hausserait à environ 1,5 million d'euros.

Toutefois, ces chiffres sont contestés par Brice Lacourieux, collaborateur parlementaire et blogueur pour Le Monde. Il précise en effet que ce calcul n’est qu’une moyenne qui ne comptabilise pas la nature de chaque charge de fonctionnement : "Chaque jour ne se vaut pas, une journée de week-end vaut par exemple plus cher", explique-t-il à la radio publique.

Réforme des retraites : l’examen "peut durer un temps infini"

De son côté, le député communiste Pierre Dharréville n'y voit lui qu'une critique facile du travail parlementaire : "Ce ne sont pas des arguments sérieux [et] j'aimerais bien que La République en marche ait la même précision sur le chiffrage de sa réforme mais c'est loin d'être le cas."

Brice Lacourieux dénonce également la stagnation du nombre d'amendements à traiter. Apostrophant l'estimation de "150 jours" émise jeudi 20 février par le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, il remarque que "le nombre d'amendements qu'il reste à traiter bouge très peu". En cause, l'ajout incessant de sous-amendements au projet de loi par l'opposition. "Donc potentiellement cela peut durer un temps infini", déplore-t-il.

Le débat s’enlisant, l’article 49.3 pourrait-il alors être employé pour faire aboutir la réforme ?

Réforme des retraites : "l’arme atomique" du 49.3 utilisée ?

Les astuces de procédure utilisées par l’opposition pourraient engendrer l’utilisation de l’article 49.3. La majorité des amendements sont en effet constitués de doublons : 76% d'entre eux sont des textes répétés 15 fois ou plus. Si cette technique est employée "le moins possible", comme l’affirme à franeinfo l'élu communiste Pierre Dharréville, il ne cache pas leur utilité : "Pour faire valoir un certain nombre de nos idées et de nos propositions, il nous faut bien du temps de parole (...) pour produire des arguments, poser des questions, faire des interventions de fond qui sinon ne pourront pas avoir lieu, c'est aussi la fonction d'un amendement".

Selon Jean-René Cazeneuve, "les amendements [de l'opposition] sont bidons". "Notre souhait c'est d'aller au bout du débat, d'y passer le temps nécessaire mais il faut que ce soit un débat constructif, indique l'élu de la majorité.

Pour l’instant, seul le premier article a été évoqué. Ainsi, face aux innombrables heures de travail restantes, le recours au 49.3 par le gouvernement "paraît inévitable", déclare Brice Lacourieux.

Cet article de la Constitution permet au gouvernement d'engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur un texte de loi. Il est alors considéré comme adopté. Capital révèle que d’après des sources parlementaires, l'article 49-3 pourrait être brandi dès le début de la semaine prochaine.