Dans quel cas le chômage peut-il être plus lucratif que le travail ?IllustrationIstock
Adoptée en juillet 2019, la réforme de l'assurance chômage avait pour objectif de "faire en sorte que le travail paye plus que l'inactivité". Car, dans certains cas, enchaîner contrats courts et chômage peut s'avérer plus fructueux. Le point.
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Avoir un emploi stable ou enchaîner les contrats courts ? Si pour bon nombre d’actifs, le contrat à durée indéterminée (CDI) est devenu le Graal, dans certaines situations, il peut s’avérer, étonnamment, moins intéressant lucrativement parlant qu’un cumul de CDD et de périodes de chômage. La réforme de l’assurance chômage, adoptée en juillet 2019, devait d’ailleurs "faire en sorte que le travail paye plus que l'inactivité en établissant de nouvelles règles d'indemnisation qui incitent à la reprise de l'emploi".

C’est pourquoi la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a rencontré le 26 janvier dernier les dirigeants des structures syndicales et patronales. Objectif : minimiser les divergences sur la très controversée réforme de l'assurance chômage, toujours "prioritaire" aux yeux de l'exécutif, rapporte Le Figaro.

Elle ne devrait cependant entrer en vigueur que lorsque la situation sanitaire et économique s’améliorera. En luttant contre la précarité et la succession de contrats courts, l’exécutif entend ainsi économiser environ 1,3 milliard d'euros par an, tout en incitant davantage les demandeurs d’emploi à retrouver une activité plus pérenne.

Chômage : "un demandeur d'emploi sur cinq" perçoit plus d’argent qu’en travaillant

En 2019, Muriel Pénicaud, qui était alors ministre du Travail, avait précisé qu’"un demandeur d'emploi sur cinq" percevait une allocation-chômage mensuelle plus élevée que le salaire mensuel moyen touché antérieurement. Selon les chiffres du gouvernement, 600 000 Français étaient donc concernés. En cause, la très complexe méthode de calcul, encore appliquée aujourd’hui, que voici.

Chômage : l'indemnisation calculée sur le nombre de jours travaillés incite-t-elle au travail précaire ?

Le calcul de l'indemnisation chômage, effectué par l’Unedic (organisme en charge du régime) se base sur le nombre de jours travaillés. Une allocation journalière est définie en appliquant un taux de remplacement au salaire des jours travaillés. Cette allocation est versée quotidiennement, même si l’allocataire n’a pas travaillé sur un mois complet.

De fait, une activité fragmentée entre contrats courts et périodes de chômage devient plus lucrative qu'une activité continue sur la même période. "Une personne qui travaille à mi-temps au Smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne 15 jours de chômage et 15 jours de travail dans un mois, elle percevra un revenu de 960 euros", avait d’ailleurs détaillé la ministre en 2019.

Or, ce mode de calcul peut générer de fortes inégalités entre les travailleurs à temps partiel en CDI par exemple et ceux multipliant les CDD. "Ces dernières peuvent bénéficier d'une indemnisation mensuelle cinq fois supérieure pour un même revenu mensuel passé", dévoile une note publiée en janvier par trois économistes pour le Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon.

Comment le gouvernement entend-il remédier à  ces "situations absurdes" qui encourage plutôt à recourir à des formes d'emplois précaires ?

Indemnisation chômage : vers un taux plancher ?

Rien n’est encore arrêté, au vu de la complexité de la mesure. Le mode de calcul envisagé dans la réforme a d’ailleurs été annulé fin novembre par le Conseil d'État. Il a estimé qu’il créait "une différence de traitement manifestement disproportionnée" entre allocataires. Le salaire journalier de référence devait en effet prendre en compte l’ensemble des jours travaillés ou non sur une période de 24 mois.

Le ministère du Travail envisage à présent un calcul intégrant un taux plancher. Il devrait garantir une rémunération minimale aux demandeurs d'emploi. Sera-t-il validé par les syndicats ?