Un été d'attentats ? Pourquoi la France vient de renforcer sa vigilanceAFP
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, est inquiet. L'été, craint-il, pourrait se montrer propice aux attentats sur le sol français. Quelle est exactement cette menace qui l'effraie ?
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Emmanuel Macron, Gérald Darmanin… Certains des noms les plus importants de l’Etat Français, devenus essentiels au bon fonctionnement des rouages de cette mandature, reviennent très régulièrement dans une inquiétante vidéo diffusée par l’un des organes de propagande d’Al Qaeda. Le film - qui dure une quarantaine de minutes, informe France Inter sur son site - a tout d’une menace. Laquelle ne pèse pas uniquement sur la tête de nos dirigeants : elle vise la France dans son entièreté. Il n’en fallait pas plus pour alerter le ministère de l’Intérieur ; dont le directeur de cabinet écrivait un pli à l’attention des préfets le mercredi 21 juillet 2021. Il les sommait alors à une prudence toute particulière.

Le président de la République et son ministre y sont désignés comme deux cibles évidentes, mais ce n’est pas l’action soudaine et imprévue d’un commando venu assassiner le chef de l’Etat que semble le plus redouter Beauvau. Au contraire, c’est bien la menace "endogène" qui semble effrayer le plus l’institution. Mais de quoi s’agit-il, exactement ?

"Etymologiquement, l’endogène s’oppose à l’exogène. La menace endogène ; ainsi qu’elle est décrite par nos services de renseignement, correspond aux attentats de djihadistes déjà installés sur notre sol - il peut s’agir de citoyens français ou de migrants, par exemple - qui se décident finalement à mener l’assaut. L’essentiel des attentats commis depuis 2012 étaient de nature endogène. C’était le cas, par exemple, pour Samuel Patty", explique d’entrée de jeu le politologue François-Bernard Huyghe qui dirige des recherches à l’IRIS et préside l’Observatoire stratégique de l’Information (OSI).

Faut-il craindre un attentat terroriste cet été ?

Les autorités craignent, de toute évidence, un attentat terroriste cet été. Le risque, cela ne fait pas de doute, est réel. "Malheureusement, la tendance est à la hausse. Les attentats s’accélèrent", observe encore l’expert. "Le problème du terrorisme endogène, c’est qu’il est difficile à empêcher. Que peut-on faire contre un individu qui décide, parfois sur un coup de tête ou au dernier moment, de prendre son couteau et de tuer quelqu’un ? Ce genre d’incitation au terrorisme ‘spontané’ complexifient beaucoup le travail de nos services de renseignement", poursuit-il encore.

Et lui de conclure, sans appel : "C’est du terrorisme à faible coût, qui nécessite une préparation moindre et qui s’avère forcément moins létal qu’un attentat commando. Pourtant, les affaires récentes montrent très bien quel impact symbolique il peut avoir".

Demeurent néanmoins quelques questions : d’abord, pourquoi cibler la France avec tant d’insistance ? 

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Tout au long de la vidéo diffusée par Al Qaeda, la France apparaît comme l’un des ennemis les plus importants. Le pays y est décrit comme un ennemi de l’Islam, à qui il mènerait une guerre sans répit, "dans la continuité des Croisades", écrit France Inter.

"Notons d’abord que nous parlons d’Al Qaeda et non de Daesh. C’est important parce que les deux organisations ne sont pas les mêmes et qu’au sein de la première, la détestation de la France est historique. C’était déjà le cas à l’époque de Ben Laden", souligne d’abord François-Bernard Huyghe, qui ne manque pas non plus de rappeler que les raisons de cette haine sont nombreuses.

"Al Qaeda reproche à la France d’être la fille aînée de l’Eglise autant qu’elle lui reproche d’être un pays dont l’application de la laïcité peut passer pour de l’athéisme. Elle lui reproche aussi bien des faits géopolitiques, puisque l’Hexagone fait partie des puissances qui utilisent son armée contre le terrorisme. Nous avons participé à de nombreuses opérations contre leurs troupes. En outre, l’identité française y est décrite comme une culture de débauche", poursuit l’expert.

"A ce dossier déjà lourd s’ajoutent deux autres facteurs : la France, à travers Charlie Hebdo, est perçue comme le pays du blasphème. L’impact de ce magazine dans le monde musulman a été très important. Puis, il ne faut pas perdre de vue les déclarations d’Emmanuel Macron sur le séparatisme et l’Islam ! Elles aussi ont beaucoup fait réagir…", pointe le président de l’OSI pour Planet.fr.

De quoi convoquer une armée de tueurs professionnels et les lâcher sur le sol français ?

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"Soyons clairs : le risque 0 n’existe pas", tempère d’abord François-Bernard Huyghe pour qui il apparaît toutefois peu probable que la France fasse l’objet d’un nouvel attentat de type Bataclan. "C’est dans ce cas-là que l’on peut parler de menace exogène", explique-t-il d’ailleurs.

"Ce n’est pas parce qu’Al Qaeda annonce quelque chose que cela se produira nécessairement. Rappelons d’ailleurs qu’en l’état actuel de ses forces, l’organisation n’apparaît pas en mesure de reproduire sa tentative d’attentat contre la cathédrale de Strasbourg… et que sa communication n’est pas la plus réactive qui soit. Ce film peut tout à fait stimuler des gens à qui il ne fallait plus grand chose pour se lancer à l’action mais ce n’est certainement pas l’ordre qui va jeter une armée de tueurs professionnels à nos portes", juge encore le politologue.

Il poursuit : "Al Qaeda n’est pas morte et nous a de toute évidence dans le viseur. Mais ses moyens ne sont plus aussi élevés qu’ils ont pu l’être et nous nous défendons probablement mieux que par le passé. Un attentat exogène apparaît donc moins vraisemblable".