Réforme des retraites : une mesure (partiellement) inutile ?IllustrationIstock
Depuis des mois déjà, l'exécutif travaille à la réforme de notre système de solidarités intergénérationnelles. L'une des mesures envisagées par le gouvernement consiste à, de facto, repousser l'âge de départ à la retraite. Pour certains observateurs, l'initiative est pourtant dénuée de sens…
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Réforme des retraites : faut-il vraiment repousser l'âge de départ ?

Cotiser toujours davantage pour sauver le système de solidarités intergénérationnelles français. C'est là la solution envisagée par les différents gouvernements qui, successivement, ont entamé les multiples réformes de retraites conduites depuis des années déjà. Sous la précédente mandature, par exemple, François Hollande faisait voter la "réforme Touraine" — du nom de sa ministre des Affaires sociales et de la Santé. Objectif ? Allonger, génération par génération, la durée passée au travail avant de pouvoir prétendre à une retraite à temps plein. 

Plus tôt, en 2010, Nicolas Sarkozy repoussait l'âge de départ de 60 à 62 ans. Menée par Eric Woerth, connu pour ses prouesses en escalade, la réforme se basait sur les prévisions - contestées, notamment par les syndicats, mais aussi par d'importants organes de presse américains, dont les informations étaient à l'époque reprises par Le Monde - du Conseil d'Orientation des Retraites (COR).

C'est en raison des prévisions du même organisme qu'Emmanuel Macron prévoit également la mise en place d'un âge d'équilibre, variante de l'âge-pivot prévue pour pousser les Françaises et les Français à travailler plus longtemps. Problème ? Cela ne marche pas. C'est en tout cas le postulat formulé par le docteur Gérard Maudrux, dans les colonnes du journal libéral Contrepoints. Médecin, chirurgien urologue, il a présidé 18 ans durant la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF). 

Selon lui, "reculer l'âge de départ ne résoudra rien". Et pour cause ! Compte tenu de la démographie française et de l'augmentation quasi-constante de l'espérance de vie, le souci rencontré aujourd'hui par le gouvernement d'Edouard Philippe serait mécaniquement amené à se répéter, d'ici cinq ans ou plus. "Repousser l'âge de départ, c'est repousser le problème sans le régler sur le long terme", assure l'ancien patron de la CARMF.

Réforme des retraites : ne pas repousser l'âge de départ, une vraie possibilité ?

"Plus vous reculez l'âge de la retraite, plus vous privez une partie de la population de retraite", enchaîne d'ailleurs le médecin pour qui repousser l'âge légal de cessation d'activité contrevient au principe de solidarité. "C'est faire financer la retraite des bien-portants par ceux qui moins de chance, en les obligeant à cotiser pour une retraite qu'ils n'auront pas, ou si peu", assène-t-il.

Un postulat que récuse Philippe Crevel, macro-économiste d'orientation libérale et président du Cercle de l'Epargne.

"Les rapports du Conseil d'orientation des Retraites sont sans appel. Pour assurer l'équilibre de notre système de solidarités intergénérationnelles, il faut repousser l'âge légal de départ aux alentours de 64 ans", explique l'économiste dans nos colonnes. "En pratique, l'Etat dispose de plusieurs leviers pour réguler le système. Il peut jouer sur les taux de cotisation, quoique cela ne lui offre pas une marge de manœuvre très importante. Il peut également revoir le mode de calcul des pensions, en influençant la valeur du point ce que permettrait sans mal le nouveau système voulu par Emmanuel Macron", poursuit le libéral. 

"En soit, il est aussi possible de revenir sur la durée de cotisation, ce que prévoit la réforme Touraine. Actuellement elle est fixée à 42 trimestres. Par ailleurs, l'Etat peut également décider de reporter l'âge légal de départ à la retraite, ce qui constitue une situation très efficace. Enfin, il peut jouer sur l'indexation des pensions, quoique cette méthode rejoigne celle, plus globale, du mode de calcul", souligne le président du Cercle de l'Epargne.

Pourtant, toutes ces méthodes ne se valent pas, insiste l'économiste. "Sur le long terme, seules deux de ces leviers fonctionnent dans notre configuration. Le report de l'âge légal de départ donne des effets immédiats et durables. La désindexation des pensions permet aussi de faire d'importantes économies. Cela implique une diminution mécanique des pensions, qui est assez indolore pour les populations actuellement retraités puisqu'elle n'est pas mise en place immédiatement. C'est pourquoi l'Etat met un certain temps avant de récupérer de l'argent ainsi", détaille Philippe Crevel.