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Entre 4 et 5 millions de personnes sont descendues dans la rue il y a un mois pour exprimer leur soutien à Charlie Hebdo et au delà, aux valeurs de la République. Alors, que reste-t-il de l'esprit du 11 janvier ?
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Il y a un mois, la France descendait dans la rue. Entre 4 et 5 millions de citoyens battaient le pavé pour défendre les valeurs de la République. Une mobilisation forte en émotion dont l’ampleur rappelait les images de la Libération. À l’exception du Front National qui a préféré le bain de foule militant à la mobilisation historique, toutes les formations politiques jouaient le jeu de l’union nationale.

Dans le cortège des officiels, une cinquantaine de chefs d’Etat se joignait à la marche qui prenait alors une dimension internationale. Alors, un mois après, que reste-t-il de l’esprit du 11 janvier que souhaite à tout prix faire perdurer François Hollande ? En substance, pas grand-chose.

Théories du complot et apologie du terrorisme

Si le développement de théories conspirationnistes dès le lendemain des attentats n’est pas une surprise en soi (tous les événements bouleversants génèrent des versions semblables), le succès de celles-ci auprès d’une certaine frange de la population a de quoi laisser perplexe. Dans les lycées, beaucoup d’élèves partagent la vision complotiste des attentats de Charlie Hebdo. À tel point que plusieurs initiatives ont été menées pour sensibiliser les lycéens quant à la diffusion de ces fausses informations destinées à brouiller l’union nationale.

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Sur Internet, un journaliste incriminé par des conspirationnistes a même dû prendre la plume pour démonter point par point les nombreuses allégations délirantes qui circulaient sur lui. Autre fracture déstabilisant l’esprit du 11 janvier, les très nombreuses condamnations pour "apologie du terrorisme" pour des propos tenus dans la rue, dans des transports, en classe etc. Chaque condamnation remuait le couteau dans la plaie des divisions de la société française. Idem concernant la liberté d’expression. Les incidents observés à l’école lors de la minute de silence et le parasitage des débats par les propos de Dieudonné ont rappelé à la France qu’une part importante de l’Hexagone n’était pas Charlie.

Antisémitisme VS Islamophobie

L’esprit du 11 janvier tant porteur d’espoir sur le moment n’a visiblement pas suffi à apaiser la société française. Loin s’en faut. À titre d’exemple, à la date du 29 janvier, 116 actes antimusulmans ont été recensés par l’Observatoire national contre l’islamophobie. Dans le détail, il s’agit de 28 actions contre des lieux de cultes et 88 menaces, soit une hausse de 110% comparé au mois de janvier 2014. Si la hausse de l’islamophobie est un dommage collatéral des attentats perpétrés à Paris, les actes antisémites ne sont pas en restes.

En faction devant un lycée Juif en Seine-Sant-Denis, des militaires ont été menacés par un homme armé qui a fini par prendre la fuite. Lundi 9 février, un homme de 38 ans a été interpellé devant l’Hyper Casher, après avoir tenté de brûler un drapeau israélien. Ce mardi 10 février, une dizaine de voitures ont été vandalisées par des tags à caractère antisémites dans le 16eme arrondissement de la capitale. L'éphémère esprit du 11 janvier n’a donc pas réussi à empêcher la désignation de bouc-émissaires et ce, malgré l’unité dont a pu faire preuve une très large majorité de Français.   

Le spectacle de la classe politique

Si la société française a fourni des signes de division, la classe politique n’a pas fait autre chose. Dès le 21 janvier, Nicolas Sarkozy enterrait sur le plateau de France 2 l’union nationale. En attaquant Manuel Valls sur le terme d’apartheid, l’ex-chef de l’Etat brisait l’union sacrée au profit de la joute politicienne. Pour Laurent Wauquiez, secrétaire général de l’UMP, "François Hollande instrumentalise le sujet de l’unité nationale pour éviter du parler du reste". Preuve s’il en est que la paix ne fut que de courte durée.

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Par ailleurs, l’augmentation du score du Front National entre les deux tours de la législative partielle dans la quatrième circonscription du Doubs indique qu’il n’existe pas vraiment de France "post-Charlie" dans la mesure où le parti d’extrême droite confirme sa progression dans les urnes. Un mois après la démonstration d’unité affichée dans les rues de France, les divisions qui minaient le pays ont donc peu à peu repris leur place. Et ça, ce n’est pas très Charlie.   

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