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Quand un suspect se refuse à parler, de quels outils disposent les enquêteurs outre l'interrogatoire classique ? Sérum de vérité, détecteur de mensonge… Planet fait le point.
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Faire parler un suspect : Sérum de vérité et hypnose ?

Le terme sérum de vérité désigne en fait le thiopenthal, commercialisé sous le nom de penthotal, un puissant barbiturique. C’est un produit utilisé avant de pratiquer une anesthésie générale. Il amène une certaine somnolence et est d’ailleurs injecté aux condamnés à mort avant l’exécution de la sentence et l’injection fatale. La scopolamine peut également faire office de sérum de vérité et elle l’aurait d’ailleurs été pendant la Seconde Guerre Mondiale. Beaucoup plus récemment, elle a été mêlée aux affaires du Souffle du diable. Inhalée par un individu, elle lui enlève tout libre arbitre.

D’autres substances permettent d’altérer la conscience d’une personne afin de la rendre plus malléable, un ensemble de techniques appelées narcoanalyse. Assimilées à de la coercition pour obtenir des aveux, elles ne sont pas autorisées dans le droit français par une décision prise le 23 février 1949. "C’est assimilé à de la torture. La personne n’est pas en pleine possession de ses moyens. C’est comme demander à quelqu’un ‘’pourquoi vous ne vous droguez pas’’", commente le criminologue Eric Phelippot pour Planet. De la même façon, un témoignage recueilli sous hypnose n’est pas recevable.

Faire parler un suspect : Le détecteur de mensonge ?

Les séries policières étrangères ont popularisé pour bon nombre de téléspectateurs le détecteur de mensonge, aussi appelé polygraphe. Il repose sur l'étude des réactions d’une personne face à une vérité ou un mensonge. Le polygraphe permet notamment d'analyser le rythme cardiaque, la sudation ou encore le diamètre des pupilles.

Bien qu’autorisé aux Etats-Unis, un tel dispositif n’est pas utilisé dans le droit français, et les éventuelles preuves qu’il pourrait apporte ne sont pas recevable d’ailleurs. "Fondamentalement, on ne croît pas en ce type de méthode qui n'est pas fiable. Il y a là aussi une question de dignité parce que cela reste un moyen de pression. D'autant que face au stress et à la pression que représente ce type de technique, un individu tout à fait innocent peut s'incriminer", explique Didier Rebut, juriste. 

Faire parler un suspect : Avancées de la science et nouvelles questions éthiques

Comme l’explique cependant Peggy Larrieu, maître de conférences en droit privé, dans son article Regards éthiques sur les applications juridiques des neurosciences, les nouvelles technologies et les avancées de la science vont forcément venir questionner le rapport entre droit et éthique. Elle évoque notamment les nouvelles techniques d’imagerie : "Peut-on établir avec une certitude suffisante la culpabilité d’une personne en la soumettant à un test d’imagerie cérébrale ?". Un tribunal indien ne s’est pas privé, comme le rapporte Les Echos. En 2008, une jeune femme a été condamnée après avoir été soumis à un test. Accusée d’avoir empoisonné son petit ami, elle a été soumise à un ensemble d’énonciations alors que son activité cérébrale était enregistrée. Sur la base des résultats, elle a été jugée coupable, l’image montrant que son cerveau connaissait bien le mot "arsenic".

En France, la nouvelle loi de bioéthique voté le 7 juillet 2011 ouvre la voie à l’utilisation de l’imagerie dans des enquêtes, précisant : "Les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d'expertises judiciaires. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment." 

Comme le relève l'avocat Vincent Ricouleau sur le Huff Post, ce type d'avancée technologique soulève des questions éthiques et sociétales de grandes ampleur, par exemple sur la prédictabilité d'un acte délictueux, ou la notion de culpabilité. Depuis quelques années, l'Etat s'est d'ailleurs saisi de ces questions, en démontre le rapport publié en 2012 sous la conduite d'Olivier Oullier et intitulé : Le cerveau et la loi : analyse de l’émergence du neurodroit

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