Projet d'attentat à Lille : un adolescent condamné met en garde contre l'effrayant engrenage de TikTok

Publié par Elise Laurent
le 12/12/2025
TikTok
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Un adolescent de 15 ans a été condamné pour un projet d'attentat à Lille, après s'être radicalisé en un temps record via l'application TikTok.

Un collégien sans histoire, amateur de jeux vidéo et de football, peut-il se transformer en terroriste potentiel en l'espace de quelques mois ? C'est la question vertigineuse posée par le procès de Brahim (le prénom a été modifié), 15 ans, jugé début décembre par le tribunal pour enfants de Paris. 

Un piège algorithmique invisible et rapide

Le verdict est tombé ce mois-ci : le jeune garçon a écopé d'une condamnation pour terrorisme de 18 mois de prison avec sursis, assortie d'une obligation de soins et de suivi éducatif. La justice lui reprochait d'avoir envisagé une action violente contre le centre commercial Euralille (Lille). Mais au-delà de la sanction, c'est le mécanisme de son embrigadement qui glace le sang. À la sortie de l'audience, l'adolescent a lancé un avertissement lucide relayé par Le Parisien : "Faites attention à TikTok".

Selon les éléments de l'enquête menée par la DGSI, Brahim s'est radicalisé seul, dans sa chambre, sur les réseaux sociaux. Il a expliqué aux enquêteurs comment le fameux fil "Pour toi" de l'application l'a enfermé dans une bulle extrémiste. "Plus je likais, plus j'avais des vidéos prônant un islam radical", a-t-il confessé. En favorisant les contenus qui retiennent l'attention, la plateforme a fini par lui proposer des vidéos de propagande de l'État islamique et des tutoriels violents. C'est dans ce contexte numérique que le projet d'attentat à Euralille a germé, l'adolescent cherchant même à se procurer des armes avant son interpellation.

Une menace terroriste qui rajeunit dangereusement

Le cas de Brahim est loin d'être isolé. Il illustre une tendance lourde observée par les services de renseignement : le rajeunissement de la menace terroriste en France. Les chiffres sont sans appel. Depuis le 1er janvier 2025 et jusqu’au 1er décembre, 20 mineurs ont été mis en examen pour des infractions à caractère terroriste dans des procédures suivies par le Pnat, a indiqué le parquet à ICI. Cette explosion statistique révèle l'émergence d'une nouvelle génération hyperconnectée, âgée de 13 à 17 ans, souvent en quête identitaire et fascinée par l'ultra-violence.

Les recruteurs et les idéologues ont bien compris l'intérêt de cibler ce public malléable. La radicalisation des mineurs sur TikTok et autres réseaux sociaux est devenue le principal vecteur de la menace endogène. Les jeunes y adoptent des pseudonymes guerriers, Brahim se faisait appeler "Abu Mahdi", et consomment de la propagande de manière quasi industrielle, remplaçant l'endoctrinement idéologique profond par une adhésion visuelle et émotionnelle immédiate.

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Repérer les signaux d'alerte chez votre enfant

Pour les parents, la difficulté réside dans l'invisibilité de ce processus. Comprendre comment fonctionne l'algorithme est une première étape : il isole l'utilisateur en ne lui montrant que ce qui conforte sa vision biaisée du monde, créant une réalité alternative hermétique. Mais des indices concrets existent dans la vie réelle.

Il est impératif de rester attentif aux signes de radicalisation en ligne qui peuvent déborder sur le quotidien : un changement brutal de comportement, un repli sur soi, l'abandon des loisirs habituels, une rupture avec le cercle amical ou des propos soudainement intolérants. L'usage nocturne et excessif des écrans est également un indicateur fréquent.

Face à un doute, que faire face à la radicalisation d'un enfant ? L'isolement est le pire ennemi. Il est conseillé de maintenir le dialogue sans braquer l'adolescent et de solliciter de l'aide extérieure. Le Numéro Vert du Centre National d'Assistance et de Prévention de la Radicalisation (0 800 00 56 96) permet aux familles d'obtenir écoute et orientation vers des professionnels spécialisés, avant qu'il ne soit trop tard.

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