Peut-on parler de christianophobie en France ?AFP
Pillages d'églises, dégradations d'édifices religieux voire de cimetières… nombreux sont les actes antichrétiens qui trouvent peu d'écho dans les médias nationaux.
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Ils font quelques fois la une des journaux régionaux mais n’ont rarement de place dans la presse nationale. Pourtant, les dégradations volontaires d’édifices chrétiens sont nombreux, récurrents, et touchent la France entière.

Rien que pour ce mois de mai on dénombre plusieurs actes de malveillance : une voiture a défoncé la porte de l’église de la Frette-sur-Seine (Val-d’Oise) ; celle de Saint-Léger à Delle (Franche-Comté) a vu des individus jeter les bougies au sol et uriner autour de l’autel ; l’église de Villeneuve L’Archevêque (Yonne) a vu certaines statues, dont l’une inscrite au Monuments historiques, dégradées ainsi qu’un départ d’incendie dans la sacristie ; Un crucifix dans l’Orne a été recouvert de peinture style arc-en-ciel ; l’église de Sarpourenx (Pyrénées-Atlantiques) a été souillée d’excréments, des touches de l’orgue ont été abîmées et un vase a été brisé en mille morceaux, etc.

Le plus significatif étant la vingtaine d’églises dégradée depuis quelques mois dans l’Ain : vols de ciboires, d’hosties, destructions de tabernacles… Contacté par Planet.fr, le diocèse de Belley-Ars (Ain) avoue se remettre difficilement des 15 actes malveillants survenus lors des six derniers mois. Même si la communication du diocèse est satisfaite de la couverture médiatique locale de ces évènements, elle aimerait que "plus de gens soient au courant que les chrétiens sont les plus touchés" par ces actes de dégradations.

Le saccage de 200 tombes chrétiennes en avril fut un choc

Des cas loin d’être isolés puisque selon l’Observatoire de la christianophobie, qui répertorie depuis 2010 les dégradations d’édifices religieux, le nombre d’églises profanées depuis le début de l’année et jusqu’au mois d’avril, était d’une centaine.

En avril dernier, le saccage de 200 tombes chrétiennes dans le cimetière Saint-Roch à Castres (Tarn) avait suscité un émoi national et choqué les chrétiens surtout après l’annonce du principal suspect : un musulman (souffrant de troubles psychiatriques) qui avait pris soin d’épargner les carrés musulmans et israélites. Cependant, la chaîne BFMtv, après avoir rappelé que 206 "cimetières chrétiens" avaient été profanés en 2014, a changé le terme en "cimetières municipaux", quelques temps après. Le signe d’un léger malaise au niveau des rédactions nationales ?

Les médias sur-réagissent quand il s'agit de mosquées

Pour comprendre ce malaise, le site Atlantico.fr a interviewé un criminologue, Jean-Pierre Bouchard. Celui-ci explique que "pour des raisons sociologiques, politiques, ou idéologiques, certains médias et journalistes ont tendance à sur-réagir lorsqu'il s'agit des profanations de mosquées par exemple, ou "d'actes islamophobes". Or les édifices liés à la chrétienté sont beaucoup plus souvent la cible des vandalismes ou des actes haineux."

Le professeur de science politique à Grenoble, Vincent Tournier, surenchérit en parlant d’un "exemple malheureusement classique d’aveuglement idéologique". "Le propre de l’idéologie, c’est de retenir ce qui arrange et d’écarter ce qui dérange. Aujourd’hui, la haine anti-chrétienne, voire anti-blanche, fait partie de cet aveuglement.", constate-t-il.

Et le professeur de faire un parallèle historique : "Les révélations sur le goulag ont été minimisées ou rejetées parce qu’elles étaient trop éloignées de la vision idyllique du communisme. Aujourd’hui, les attaques contre les chrétiens perturbent une certaine idéologie issue de l’anti-colonialisme et amplifiée par une interprétation pessimiste de l’histoire nationale."

Le criminologue interviewé avoue que les causes poussant les malfrats à dégrader des lieux de cultes chrétiens ne sont pas suffisamment connues car "les auteurs de ces profanations ne sont pas suffisamment appréhendés". "Si cela peut venir de personnes qui croient en d'autres religions, et où l'islam est très représenté, il peut également y avoir des individus qui pratiquent la démonologie, même si cela demeure marginal.", croit tout de même savoir Jean-Pierre Bouchard.

Dans un rapport de la direction générale de la gendarmerie nationale, datant de 2010, les gendarmes ont pu établir que dans les affaires résolues, le profil du profanateur est celui d’un mineur (83% des affaires) de sexe masculin (79%). Et dans un rapport parlementaire de 2011, il est écrit que la majorité des cas de dégradations était le fait de jeunes désœuvrés agissant "souvent en groupe du fait d’une consommation excessive d’alcool".

Un site chrétien vandalisé tous les deux jours

Selon le ministère de l'Intérieur, les atteintes aux lieux de culte et sépultures de toutes les religions sont en augmentation régulière. En 2014, sur 807 sites vandalisés, 673 étaient chrétiens, soit près de deux par jour. Dans le détail, sur les 216 atteintes à des cimetières, 206 concernaient des sites chrétiens et sur les 591 atteintes à des lieux de culte, 467 concernaient des sites chrétiens.

A titre de comparaison, pour les sites israélites, le ministère a recensé des atteintes à 61 synagogues, un centre communautaire, 6 cimetières et 2 monuments aux morts en 2014 (contre 26 faits en 2013). Pour les sites musulmans, il note une légère diminution des profanations en 2014 : 60 mosquées et salles de prières, ainsi que 4 carrés musulmans dans un cimetière (contre 75 faits en 2013).

Le conseiller sûreté du patrimoine au ministère de la Culture, Éric Blot, indiquait par ailleurs au Figaro que les vols dans les églises avaient doublé : "On était sur une tendance à la baisse depuis plusieurs années. Mais en 2014, les faits de vols dans les églises et les cimetières ont plus que doublé, passant de 92 en 2013 à 202"

Toutefois, si les édifices chrétiens sont les plus atteints par des dégradations, c’est parce qu’ils sont également présents en plus grande nombre sur le territoire français qui compte près de 45 000 églises contre un peu plus de 2 000 mosquées par exemple. Ce qui, par ailleurs, n’enlève rien à la gravité des faits.

Peut-on parler de christianophobie ?

Quant à parler de christianophobie à l’instar des "islamophobie" et "antisémitisme", le terme fait encore débat, même au sein de l’Église. Pour exemple, cette réponse du ministère de l’Intérieur en 2013 au député UMP Marc le Fur qui demandait que soient recensés les actes antichrétiens : "S’agissant d’une éventuelle recension des actes antichrétiens à l’instar de celles qui sont effectuées pour les actes antisémites et les actes antimusulmans, les responsables des différentes églises (sic) et confessions chrétiennes n’ont jamais fait part de la demande d’un indicateur spécifique auprès des pouvoirs publics."

Pour sa part, l’Observatoire de la christianophobie, bien qu’utilisant ce terme, parle aussi de "christiano-mépris".

Prochaines menaces pour les chrétiens : le terrorisme et les destructions

En plus des dégradations et des pillages, les églises de France devront affronter par la suite deux problématiques : le terrorisme et les destructions.

En avril dernier, l’Algérien Sid Ahmed Ghlam, un jeune étudiant versant dans l’islam radical, projetait en effet de commettre des attentats contre une ou plusieurs églises situées à Villejuif (Val-de-Marne). Manuel Valls, Premier ministre, s’était alors rendu dans les églises visées en affirmant que "pour la première fois", ce sont "les catholiques qui étaient visés". L’émotion avait été grande surtout parmi les fidèles qui redoutaient que les actes de terrorismes visent dorénavant les lieux de cultes catholiques.

D’autre part, l’Observatoire du patrimoine religieux s’inquiète du nombre de destructions d’églises dans les 20 ans à venir. Constatant l’affaiblissement des finances publiques, l’Observatoire pense que "des milliers de monuments religieux pourraient disparaître d’ici à 20 ans !" et déplore déjà que certaines églises soient détruites avec l’accord des communes concernées. "Plus de 200 églises sont ainsi immédiatement menacées en France métropolitaine, tandis que des milliers d’autres sombrent dans l’oubli, attendant une restauration qui ne vient pas.", fait-il savoir.