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Ils sont moins de 2.000 en France à faire ce métier. Les détectives privés exercent une profession tout aussi passionnante que méconnue. Alain Letellier, le vice-président du Conseil national supérieur professionnel des agents de recherches privées (CNSP-ARP) nous en dévoile les clés.
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Détective privé depuis 32 ans, Alain Letellier a d’abord été indépendant avant de devenir directeur adjoint d’un grand cabinet jusqu’en 1999. Depuis, il exerce de nouveau en tant qu’indépendant, autant pour des clients physiques que moraux.


Planet : Quels sont les avantages et les inconvénients du métier de détective privé ?
Alain Letellier :
"Quand on commence sa carrière en indépendant, il faut bien attendre 4 ou 5 ans avant d’avoir une clientèle suffisante pour pouvoir vivre de ce métier. Cela peut paraître long et difficile. D’autant que même après, il ne faut pas relâcher la barre. On n’a jamais d’horaires : si on doit mener une filature de nuit ou un dimanche, c’est tant pis pour la vie privée. On ne peut pas non plus prendre un mois de vacances d’un coup. Heureusement, le métier a également ses avantages ! On peut par exemple choisir comment on organise notre journée. On est véritablement maître de notre amplitude. Et il y a aussi toute la satisfaction que l’on peut ressentir quand on a mené une mission à bien.


Planet : quelles sont les qualités indispensables à un bon détective privé ?
Alain Letellier :
Il faut impérativement savoir être à l’écoute pour bien comprendre les attentes des clients, être un fin psychologue pour analyser les dossiers, et avoir de l’idée et de la culture générale pour pouvoir passer d’un milieu à un autre sans encombre. Chaque dossier est différent et vous plonge dans un nouvel univers. Il faut donc savoir s’adapter rapidement. 


Planet : y-a-t-il un dossier qui vous a particulièrement marqué ?
Alain Letellier :
Un jour j’ai été missionné pour retrouver un morceau de tissu du lit à baldaquin de Louis XIV. Il avait été volé alors qu’il était exposé dans une manufacture pour des touristes chinois. Après enquête, mon équipe et moi-même avons retrouvé le voleur : il s’agissait d’un notable de province passionné d’art. Confondu en excuses, il nous a expliqué qu’il avait été pris d’une pulsion et nous a rendu le morceau de tissu. Il était tellement gêné qu’il a même tenu à payer les frais d’enquête. Ce soir soir-là, j’ai donc pris le train et le métro avec près de 20.000 francs en liquide et un bout de tissu estimé à 3 millions de francs !
 

Planet : Comment réagit votre entourage lorsque vous annoncez votre métier ?
Alain Letellier :
Il y a trente ans, les gens étaient vraiment réticents face à ce métier. Du coup, je disais que j’étais enquêteur commercial. A l’école, mes enfants n’osaient pas non plus dire la vérité. Sur les fiches de renseignements, ils écrivaient simplement ‘enquêteur’, sans plus de précisions pour éviter les questions des enseignants. Et si maintenant les gens sont moins ‘effrayés’ par ce métier, ils marquent toutefois toujours un temps d’arrêt quand on leur annonce.

Planet : Quel genre d’affaires vous confie-t-on le plus souvent ?
Alain Letellier :
Depuis le début de la crise économique, je note une recrudescence des affaires concernant la concurrence déloyale mais aussi des cas de faux arrêts maladie qui permettent aux fraudeurs de travailler au noir à côté. Il y a bien évidemment toujours autant d'enquêtes relatives aux divorces. Elles permettent ensuite aux avocats des deux parties de négocier.


Planet : Quel est votre taux de réussite ?
Alain Letellier :
Il est d’environ sept affaires résolues sur dix. A l’instar des médecins, les détectives privés n’ont pas d’obligation de réussite mais sont tenus de mettre en œuvre tous les moyens dont ils disposent. 


Planet : vous arrive-t-il de refuser des affaires ?
Alain Letellier :
Oui, cela arrive parfois. Je refuse toujours les dossiers de clients qui veulent rester anonymes et payer en espèces. Pour mener à bien une mission, j’ai besoin d’avoir tous les éléments en main. Je refuse également les demandes disproportionnées comme celles qui consistent à suivre quelqu’un pendant six mois alors que c’est inutile. Il faut garder en tête que tous les rapports que nous effectuons peuvent être produits en justice, et donc toujours veiller à respecter la règle d’or. A savoir : respecter la vie privée et bien la distinguer de la vie personnelle.


Planet : Quels sont les outils dont un détective privé ne peut se passer ?
Alain Letellier :
Il faut bien évidemment un ordinateur, un ou deux téléphones portables, plusieurs batteries, un appareil photo et une caméra dotés d’un très bon zoom. Pour s’assurer la plus grande discrétion pendant les filatures, il est également important d’avoir la voiture de ‘Monsieur-tout-le-monde’ comme une Clio grise. Il faut par ailleurs vieller à ce qu’il n’y ait pas de sonnerie ni de lumière qui s’allume à l’ouverture et à la fermeture des portes. Etre détective, c’est enchaîner différents rôles. Au cours d’une seule journée, on peut être banquier et ami de la famille. Il faut donc avoir des tenues de rechange (cravate, imperméable, casquette, etc.) dans son coffre".