TEMOIGNAGE Fichée à la Banque de France : "J’avais signé un prêt, et il fallait que j’assume"(illustration)Istock
Je m'appelle Nora, j'ai 30 ans. Je suis aide-soignante en Seine-Saint-Denis, et je suis fichée à la Banque de France pour surendettement.

Tout a commencé il y a trois ans, lorsque je me suis séparée de mon conjoint. Nous avions un bien immobilier, une voiture et deux crédits. Du jour au lendemain, il a arrêté de payer. Forcément, lorsque l’un des deux salaires disparaît, la situation devient très vite invivable. Au bout d’un an, j’ai dû me rendre à la Banque de France pour créer un dossier de surendettement. Je ne m’en sortais plus.

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J’ai dû fournir un grand nombre de documents administratifs pour montrer l’étendue de nos dettes. La route est longue, mais presque deux ans plus tard, je suis enfin passée au tribunal. C’est là que j’ai découvert la somme à rembourser : 40 000 euros. Et puisque mon ex-conjoint a quitté son travail et entrepris des démarches pour bénéficier du RSA, le tribunal a décrété qu’il n’était pas solvable. J’étais toute seule.

Être fichée à la banque de France, c’est terrible. Vous n’avez plus droit à la carte bleue, ni aux chéquiers, ni aux crédits et encore moins aux découverts. J’ai ressenti un profond sentiment d’injustice, et celui d’avoir été très mal informée. Lorsque vous prenez un crédit, on vous ouvre les portes, on vous déroule le tapis rouge, on vous rassure : "Tout va bien se passer". Mais au fond, si l’un des deux emprunteurs interrompt le paiement, ce n’est pas leur problème.

Un long combat commençait pour moi. Sans surprise, je n’ai reçu aucun soutien de la part de la Banque de France, qui ne fait qu’appliquer des lois et mettre en place le suivi du remboursement. Il n’y a aucune humanité derrière cette institution. Mais, plus étonnant, je n’ai jamais été épaulée par l’assistante sociale de l’hôpital. Pour elle, j’étais responsable de ma situation. J’avais signé un prêt, et il fallait que j’assume.

Aujourd’hui, la vie est difficile parce que l’on me prélève deux cents euros par mois, et qu’il me reste six ans à tenir. Pourtant, je n’ai pas peur de l’avenir. J’ai deux enfants, âgés de 6 et 10 ans, qui me donnent la force de me battre. Pour eux, je n’ai pas le choix : je dois m’en sortir. Bien sûr, le quotidien a changé. Il a fallu repousser certains projets, comme passer le permis de conduire, prendre quelques jours de vacances ou permettre aux enfants d’intégrer une école privée.

Cette histoire a changé ma vision de la justice. Finalement, le message sous-jacent, c’est que ceux qui ne souhaitent pas prendre leurs responsabilités, comme mon ex-conjoint, s’en sortiront toujours. Depuis le début de la procédure, j’ai multiplié les courriers, exprimé ma bonne foi ainsi que la difficulté de m’acquitter seule de nos dettes. Je n’ai jamais eu gain de cause.

Même si mes proches m’ont toujours soutenue, je me sens incomprise. Dans mon entourage, personne n’a jamais évoqué ce genre d’expérience. Pourtant, je pense que ma situation est tristement banale. Beaucoup traversent cette épreuve, mais peu osent en parler. Parce que c’est honteux.