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Marion Maréchal-Le Pen "ne laisse personne indifférent", écrit Michel Henry, l'auteur de "La Nièce". Fort d'avoir enquêté auprès de ses admirateurs comme de ses détracteurs, le journaliste décrypte le véritable phénomène incarné par la jeune politicienne. Interview. 

Planet : Selon vous, Marion Maréchal-Le Pen serait 'Belzébuth grimé en Bambi'. C’est une comparaison très forte….

Michel Henry* : "Cette comparaison illustre le décalage qui existe entre le discours d’extrême droite de Marion Maréchal-Le Pen et son apparence angélique. D’un côté, nous avons ses paroles très dures, de l’autre sa jeunesse, son visage doux et ses cheveux blonds. Un mélange détonnant et qui semble bien fonctionné puisque la jeune femme attire les foules.

Planet : Peut-on réellement parler du 'phénomène Marion Maréchal-Le Pen' ?

Michel Henry : Absolument. Marion Maréchal-Le Pen est très populaire auprès des militants du Front National. Elle est leur deuxième personnalité préférée, juste derrière sa tante, Marine. Dans la rue, les gens vont spontanément vers elle et ce, qu’ils partagent ou non ses idées. Certains vont ainsi la voir comme ils iraient voir une star, d’autres s’approchent d’elle par curiosité, pour voir de près le phénomène. La jeune députée a également le contact facile, ce qui contribue également à nourrir le phénomène.

Lors des dernières élections régionales, ses adversaires en région Provence-Alpes-Côte d’Azur m’ont confié que sur les marchés, tout le monde la reconnaissait spontanément alors qu’eux, devaient travailler dix fois plus pour obtenir le même résultat. Marion Maréchal-Le Pen véhicule une image douce et jeune du FN, alors que sa tante et son grand-père sont toujours associés à une image agressive et même à des dérapages.

Planet : Marion Maréchal-Le Pen reste dans l'ombre de sa tante, Marine. Pensez-vous que cette position lui convient ? 

Michel Henry : A 27 ans et en seulement cinq ans, Marion Maréchal-Le Pen a déjà accompli beaucoup de choses. Elle a le potentiel pour aller plus loin mais, pour l’instant, elle n’en a pas l’envie ni la capacité. Actuellement, la jeune femme est assez isolée de la direction du parti. Elle est loin de ce qui s’y passe et n’y a que très peu de soutiens. Elle ne cherche pas à déstabiliser sa tante ni l’organisation actuelle. Mais tout cela est assez contradictoire car, pour autant, elle n’a pas non plus envie de renoncer à sa liberté de paroles ni de remettre en cause ses propres idées.

Au Congrès de 2014, beaucoup de militants du FN la plaçaient numéro, devant sa tante. Marions Maréchal-Le Pen aurait donc pu s’en servir pour exiger plus de places au sein des instances dirigeantes mais elle n’a pas été capable de le faire. A cette époque, elle était sans doute trop jeune pour lutter contre les ténors du parti et prendre le risque de s’engager dans une guerre interne. Et puis, là encore, elle n’avait pas non plus envie de tout chambouler.

Marion Maréchal-Le Pen est un pur produit du FN. Elle en connaît les règles depuis toujours et sait ce qui se passe quand on n’est pas d’accord : on est mis dehors. Cela a d’ailleurs été le cas de l’une de ses tantes. Le FN n’est pas un parti démocratique. Là-bas, pas une tête ne dépasse et il n’est pas possible d’émettre un avis contradictoire à celui du chef. La jeune députée le sait très bien et elle est d’ailleurs méfiante envers son parti politique".

*Michel Henry est l’auteur de La Nièce (éd. Du Seuil)